Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 2 octobre 2014, M. A... C..., représenté par Me B... D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 16 mai 2014 ;
2°) d'annuler l'arrêté précité du 23 décembre 2013 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale " ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir avec délivrance, dans cette attente, d'une autorisation provisoire de séjour dans les huit jours de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 1 200 euros qui sera versée à Me D... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet n'a pas fait usage de son pouvoir de régularisation et a méconnu l'étendue de ses compétences ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé ;
- le préfet de l'Hérault a commis une erreur de droit en lui opposant l'absence de visa de long séjour ;
- le préfet aurait dû statuer sur sa demande d'autorisation de travail en application des articles R. 5221-14 et R. 5221-15 du code du travail ;
- l'arrêté attaqué porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- il entend invoquer, à l'appui de ses conclusions aux fins d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour et l'erreur manifeste d'appréciation ;
- les illégalités externes et internes affectant l'obligation de quitter le territoire français entachent d'illégalité la décision portant fixation du pays de renvoi.
Par un mémoire en défense enregistré le 5 mars 2015, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête sont infondés.
M. A... C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 août 2014.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 9 octobre 1987 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vincent-Dominguez.
1. Considérant que M. A... C..., de nationalité marocaine, serait, selon ses dires, entré en France le 7 décembre 1997, sous couvert d'un visa de court séjour Etats Schengen ; que soutenant être resté, depuis lors, en France, il a présenté, par lettre datée du 9 juillet 2013 complétée le 12 août 2013, une demande d'admission exceptionnelle au séjour auprès des services de la préfecture de l'Hérault ; qu'après émission d'un avis réservé de la commission du titre de séjour en date du 9 octobre 2013, le préfet de l'Hérault a, par un arrêté en date du 23 décembre 2013, refusé de faire droit à sa demande, assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français et fixé le pays à destination duquel il serait reconduit à défaut de se conformer à ladite obligation ; que M. A... C...interjette appel du jugement du 16 mai 2014 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté précité du 23 décembre 2013 ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ;
Sur le refus de titre de séjour :
2. Considérant que la décision portant refus de titre de séjour précise, de façon suffisamment détaillée, les circonstances de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que ladite décision serait insuffisamment motivée doit être écarté ;
En ce qui concerne le refus de titre de séjour portant la mention " salarié " :
3. Considérant, en premier lieu, que l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que ce code s'applique " sous réserve des conventions internationales " ; qu'aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum et qui ne relèvent pas de l'article 1er du présent accord, reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention salarié éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles. Après trois ans de séjour continu en France, les ressortissants marocains visés à l'alinéa précédent pourront obtenir un titre de séjour de dix ans. Il est statué sur leur demande en tenant compte des conditions d'exercice de leurs activités professionnelles et de leurs moyens d'existence. Les dispositions du deuxième alinéa de l'article 1er sont applicables pour le renouvellement du titre de séjour après dix ans " ; qu'aux termes de l'article 9 de ce même accord bilatéral : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l' accord (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour " compétences et talents " sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois " ;
4. Considérant que M. A... C...soutient que la décision litigieuse est entachée d'erreur de droit dans la mesure où le préfet de l'Hérault s'est fondé, pour lui refuser la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié, sur la circonstance qu'il était " en situation irrégulière et dépourvu de visa de long séjour réglementaire tel qu'exigé par les articles 9 de l'accord franco-marocain et L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " ; que, toutefois, l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile susvisé est applicable aux ressortissants marocains en vertu de l'article 9 précité de l'accord franco-marocain ; qu'ainsi, le seul motif tiré du défaut de visa de long séjour, défaut non contesté par M. A... C..., justifiait le rejet de sa demande de titre de séjour en qualité de salarié ; que, dès lors, en lui opposant cette absence de visa de long séjour exigé par l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Hérault n'a pas, contrairement à ce qu'allègue l'appelant, commis d'erreur de droit ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que l'article 3 précité de l'accord franco-marocain pose l'exigence de présenter un contrat de travail visé ; que les modalités d'instruction des demandes de visa du contrat de travail n'ayant pas été fixées par les stipulations précitées de l'accord franco-marocain, les dispositions procédurales de droit interne sont applicables ; qu'en vertu de l'article R. 5221-14 du code du travail : " Peut faire l'objet de la demande prévue à l'article R. 5221-11 l'étranger (...) résidant en France sous couvert (...) d'un récépissé de demande ou de renouvellement de carte de séjour ou d'une autorisation provisoire de séjour " ; que, par ailleurs, aux termes de l'article R. 5221-15 du même code : " lorsque l'étranger est déjà présent sur le territoire national, la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est adressée au préfet de son département de résidence " ; qu'enfin, aux termes de l'article R. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Il est remis à tout étranger admis à souscrire une demande de première délivrance ou de renouvellement de titre de séjour un récépissé qui autorise la présence de l'intéressé sur le territoire pour la durée qu'il précise (...) " ;
6. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que, lorsque l'étranger est déjà présent sur le territoire national et s'est vu délivrer un récépissé de demande de titre de séjour, le préfet est lui-même compétent pour viser le contrat de travail présenté par l'intéressé et ne peut, ainsi, refuser de délivrer un titre de séjour au motif que ledit contrat de travail n'aurait pas été préalablement visé par les services de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ; que, cependant, il n'y est pas tenu lorsque, comme en l'occurrence, l'intéressé ne justifie pas de son entrée en France sous couvert d'un visa de long séjour, condition, en tout état de cause, requise pour prétendre à la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié ; que, par suite, le préfet de l'Hérault n'a pas commis d'erreur de droit en n'instruisant pas la demande d'autorisation de travail concernant le requérant dès lors que celui-ci n'était pas entré en France sous couvert d'un visa de long séjour ;
7. Considérant, en troisième lieu, que, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée ; que, dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord ; que, toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en tant qu'elles sont relatives à l'octroi d'un titre de séjour portant la mention " salarié " ; que, par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait méconnu l'étendue de ses compétences et notamment la possibilité de faire usage de son pouvoir de régularisation ;
En ce qui concerne le refus de titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " :
9. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; que, par ailleurs, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...)
7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 313-14 du même code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. /Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités d'application du présent article. "
10. Considérant qu'il n'est pas contesté par le préfet de l'Hérault et qu'il ressort des pièces produites, que M. A... C..., qui ne justifie pas être entré en France comme il l'allègue en décembre 1997, établit, en revanche, y résider de manière continue depuis l'année 2002 ; que néanmoins, en dépit de cette résidence en France depuis plus de dix ans au moment de l'arrêté attaqué, il ressort des pièces du dossier que le requérant est célibataire et sans enfant ; que, par ailleurs, établissant vivre en France depuis l'âge de 42 ans après avoir passé la majeure partie de sa vie dans son pays d'origine, il n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Maroc où demeurent ...encore, en dépit du décès de son père survenu en 2001, sa mère ainsi que deux membres de sa fratrie bien que l'un de ses frères réside en Francesous couvert d'une carte de résident ; que, par suite, l'arrêté attaqué n'a pas porté d'atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale du requérant ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
11. Considérant, en second lieu, que s'il est établi que M. A... C...a, à la suite de l'avis réservé émis par la commission du titre de séjour, obtenu, le 10 décembre 2013, le bénéfice d'un contrat à durée déterminée d'un an en qualité de peintre au sein de la société Déco et Peinture, est impliqué en qualité de bénévole au sein de l'association " médecins du monde " et parle le français, ces circonstances sont toutefois insuffisantes, en dépit de sa durée de résidence en France, à caractériser, au regard des considérations familiales précitées, une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ; qu'il ne justifie pas avoir fait la moindre démarche afin d'obtenir un titre de séjour entre 2002 et 2013, n'a pas de domicile stable puisqu'il est hébergé chez un tiers, n'établit pas avoir travaillé en France durant toutes les années au cours desquelles il y a résidé et ne justifie pas avoir le moindre diplôme ou la moindre expérience professionnelle s'agissant du métier de peintre ; que, dès lors, l'arrêté attaqué n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; que, par ailleurs, M. A... C...ne justifie pas de motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en tant qu'elles sont relatives à la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
12. Considérant que, pour les motifs qui précèdent, les moyens tirés, d'une part, de l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour opposé à M. A... C...et de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle doivent être écartés ;
Sur la décision portant fixation du pays de renvoi :
13. Considérant, que, pour les motifs qui précèdent, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté en date du 23 décembre 2013 ; que, par voie de conséquence, doivent être rejetées tant ses conclusions aux fins d'injonction que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 23 février 2016, où siégeaient :
- M. Gonzales, président,
- M. Renouf, président assesseur,
- Mme Vincent-Dominguez, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 mars 2016.
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N° 14MA04132