Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 9 janvier 2018 et le 27 décembre 2018,
M.C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2017 par lequel le préfet du Var a refusé de lui accorder un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;
3°) d'enjoindre au préfet du Var de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à défaut, d'enjoindre au préfet du Var de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous peine d'une astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son profit de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il peut prétendre à la délivrance d'un titre de séjour valant autorisation de travail, notamment sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il répond aux critères définis par la circulaire du ministre N° NOR INTK1229185 C ;
- la décision est entachée d'une erreur de droit sur la portée de sa demande ;
- il réside habituellement en France depuis cinq ans au moins ;
- le jugement est entaché d'une erreur de droit en ce que sa demande aurait dû être examiné pour la délivrance d'un titre de séjour salarié ;
- le préfet aurait dû faire usage de son pouvoir de régularisation.
Par un mémoire enregistré le 5 octobre 2018, le préfet du Var conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête sont infondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. d'Izarn de Villefort pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Coutel a été entendu au cours de l'audience publique.
Une note en délibéré présentée par Me B...pour M. C...a été enregistrée le
21 janvier 2019.
Considérant ce qui suit :
1 M. C..., de nationalité tunisienne, est entré en France le 16 avril 2012, sous couvert d'un visa de long séjour valant titre de séjour, portant la mention " salarié ", valable du 21 mars 2012 au 21 mars 2013. M. C... a ensuite sollicité le 14 mars 2013 le renouvellement de son titre de séjour, qui a fait l'objet d'un refus par un arrêté préfectoral du 27 novembre 2013 confirmé par jugement du tribunal n° 1303763 du 14 mars 2014 . M. C... a déposé le 28 novembre 2016 une nouvelle demande de titre de séjour pour l'exercice d'une activité salariée au titre de l'admission exceptionnelle au séjour. Par arrêté du 17 juillet 2017, le préfet du Var a refusé de lui accorder le titre de séjour sollicité et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours.
2. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " .
3. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 précité n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien régit les règles de délivrance des titres de séjour pour une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour à raison d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 au sens de l'article 11 de cet accord. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
4. Il s'ensuit que le préfet du Var ne pouvait légalement examiner et rejeter la demande de M. C... en se fondant sur la circonstance que ce dernier ne remplissait pas les conditions prévues par les dispositions citées de l'article L. 313-14 au titre d'une activité salariée. Toutefois, il y a lieu de substituer à cette base légale erronée, celle tirée du pouvoir, dont dispose le préfet, de régulariser ou non la situation d'un étranger dès lors que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir général de régularisation que lorsqu'elle examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que les premiers juges ont substitué à la base légale erronée celle tirée du pouvoir de régularisation du préfet.
6. Aux termes de l'article 3 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail, du 17 mars 1988 : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an et renouvelable et portant la mention ''salarié''. En vertu du point 2.3.3 du protocole du 28 avril 2008 : " Le titre de séjour portant la mention ''salarié'', prévu par le premier alinéa de l'article 3 de l'Accord du 17 mars 1988 modifié, est délivré à un ressortissant tunisien en vue de l'exercice, sur l'ensemble du territoire français, de l'un des métiers énumérés sur la liste figurant à l'Annexe I du présent Protocole, sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente sans que soit prise en compte la situation de l'emploi ". Aux termes de l'article R. 5221-3 du code du travail : " 8° La carte de séjour temporaire portant la mention
" salarié ", délivrée en application du 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou le visa de long séjour valant titre de séjour mentionné au
7° de l'article R. 311-3 du même code, accompagné du contrat de travail visé. ".
Aux termes de l'article R. 5221-14 du même code : " Peut faire l'objet de la demande prévue à l'article R. 5221-11 l'étranger résidant hors du territoire national ou, lorsque la détention d'un titre de séjour est obligatoire, l'étranger résidant en France sous couvert d'une carte de séjour, d'un récépissé de demande ou de renouvellement de carte de séjour ou d'une autorisation provisoire de séjour. ".
7. Un ressortissant tunisien qui sollicite la délivrance d'une carte de séjour temporaire en application des stipulations citées de l'article 3 de l'accord du 17 mars 1988 est soumis à la présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité administrative compétente et d'un visa d'une durée supérieure à trois mois. Toutefois, le préfet, qui n'est pas tenu de rejeter une telle demande lorsque cet étranger ne remplit pas l'une ou l'autre de ces conditions, dispose d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier l'opportunité d'une mesure de régularisation par la délivrance de la carte sollicitée, notamment en fonction des éléments de la situation personnelle de l'intéressé. L'administration, qui rejette une demande au motif que l'étranger ne remplit pas les dispositions légales pour obtenir le titre de séjour sollicité, a nécessairement et implicitement rejeté la régularisation de cet étranger. Ce pouvoir de régularisation s'exerce sous le contrôle du juge. Par l'arrêté en litige, le préfet du Var a refusé de régulariser la situation de M. C... par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ".
8. Il ressort tant des mentions de cet arrêté que des écritures de première instance que le préfet, qui a opposé à M. C... qu'il s'est maintenu sur le territoire national en situation irrégulière à l'issue d'un refus de séjour et d'une obligation de quitter le territoire prononcé à son encontre le 27 novembre 2013, a refusé de régulariser M. C... au regard de son insertion professionnelle et de sa situation familiale.
9. Il ne résulte pas de la combinaison des stipulations et des dispositions citées, que, contrairement à ce qui est soutenu, le préfet était tenu de soumettre la demande d'autorisation de travail de l'intéressé, qui n'était pas admis au séjour au sens de l'article R. 5221-14 du code du travail, aux services de l'Etat chargés du travail et de l'emploi aux fins d'apprécier les mérites de la demande de l'intéressé au regard de la situation de l'emploi dans l'activité envisagée. Le moyen tiré de l'erreur de droit en ce que le préfet aurait méconnu l'étendue de sa compétence doit être écarté.
10. Doivent enfin être écartés les moyens tirés de la méconnaissance du pouvoir de régularisation de l'administration et de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012, par adoption des motifs énoncés aux points 5 à 7 du jugement attaqué, dès lors que ces motifs sont suffisants et n'appellent aucune précision en appel.
11. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter les conclusions de la requête présentées aux fins d'injonction ainsi que celles présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Var.
Délibéré après l'audience du janvier 8 janvier 2019, où siégeaient :
- M. d'Izarn de Villefort, président,
- M. Jorda, premier conseiller,
- M. Coutel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 janvier 2019.
N° 18MA00214 2