Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée par télécopie le 27 mai 2014 et régularisée le 2 juin 2014, La Poste représentée par MeF..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 27 mars 2014 ;
2°) de mettre à la charge de M. C...la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- le jugement est entaché d'erreur de fait dès lors que la décision d'exclusion temporaire de fonctions de douze mois dont huit mois avec sursis est fondée sur des faits graves et matériellement établis ;
- le jugement est entaché d'erreurs d'appréciation dès lors que les faits imputés à M. C... sont constitutifs d'une faute et que la sanction prononcée est proportionnée à la faute, prenant en outre, en considération le comportement général de l'agent ;
- la décision du 23 février 2011 est suffisamment motivée ;
- elle n'est entachée ni d'erreur de fait ni d'erreur d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 octobre 2014, M. C...représenté par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce que soient mis à la charge de La Poste la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Il soutient que :
- le jugement est suffisamment motivé ;
- l'ensemble des moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés ;
- la décision de sanction du 23 février 2011 est insuffisamment motivée, entachée d'erreurs de fait et d'appréciation ;
- la sanction est disproportionnée.
Par ordonnance du 9 juin 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 9 juillet 2015, à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Baux,
- les conclusions de M. Angeniol, rapporteur public,
- et les conclusions de Me B...substituant MeF..., représentant La Poste, et les conclusions de Me G...substituant MeD..., représentant M.C....
1. Considérant que M.C..., agent professionnel qualifié de 1er niveau, exerce ses fonctions de facteur au sein du centre de tri de Martigues ; que, par décision du 23 février 2011, le directeur opérationnel " courrier " des Bouches-du-Rhône lui a infligé la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée d'un an, assortie d'un sursis de huit mois ; que, par jugement en date du 27 mars 2014, le tribunal administratif de Marseille a, d'une part, prononcé l'annulation de cette décision, d'autre part, enjoint à La Poste de réintégrer juridiquement M. C... pour la période durant laquelle il a été suspendu, de reconstituer à ce titre, tant sa carrière que ses droits à pension et, enfin, a condamné La Poste à lui verser la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que La Poste relève appel de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : "Les jugements sont motivés " ;
3. Considérant, d'une part, qu'en énonçant que : " (...) l'ensemble de ces faits ont été établis par l'enquêtrice du service des ressources humaines au moyen d'auditions de quinze membres du personnel, dont M. C...et trois cadres du centre de tri de Martigues ; qu'il ressort des pièces du dossier que cette enquête était partielle, dès lors que le syndicat SUD a procédé au recueil de témoignages de vingt et une autres personnes travaillant au bureau de poste de Martigues ; (...) ", le tribunal n'a pas entaché son jugement d'une insuffisance de motivation dès lors qu'il a ainsi justifié du caractère partiel de l'enquête diligentée par La Poste ; que d'autre part, pour retenir le moyen tiré de l'inexactitude matérielle des faits fondant la décision litigieuse, les premiers juges ont précisé " (...) que les menaces envers un agent, qui constituent l'un des motifs de la décision, se résument, si l'on en croit le seul témoignage de cet agent, à la demande de M. C...de retirer ses propos (...) " et, afin d'écarter ce motif, ajouté qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que la demande se serait " accompagnée de véritables menaces " ; qu'ils ont ainsi suffisamment motivé leur décision ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait sur ces points entaché d'insuffisance de motivation ne peut qu'être écarté ;
Sur la légalité de la décision du 23 février 2011 :
4. Considérant que M. C... a été sanctionné pour des faits de comportements inadaptés et propos discriminatoires à l'encontre de collègues portant atteinte aux conditions de travail en équipe, de menaces envers un collègue de travail et, enfin, de mensonges au cours de l'enquête administrative diligentée au cours du mois d'octobre 2010 ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. Premier groupe : - l'avertissement ; - le blâme. Deuxième groupe : - la radiation du tableau d'avancement ; - l'abaissement d'échelon ; - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ; - le déplacement d'office. Troisième groupe : - la rétrogradation ; - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans. Quatrième groupe : - la mise à la retraite d'office ; - la révocation. " ; qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes ;
6. Considérant qu'une enquête administrative a été diligentée à la suite de l'altercation qui a opposé, le 20 août 2010, M.C..., intimé, et MmeE..., factrice colis ; qu'il ressort, d'une part, de la lecture des quatorze témoignages recensés dans ce rapport d'enquête administrative mais également des vingt-trois autres témoignages recueillis par le syndicat SUD que, s'il est reproché à cet agent, à la personnalité atypique et au comportement ironique et cynique, d'avoir tenu des propos déplacés et sarcastiques, voire pour certains discriminatoires ou racistes, de créer au sein de la communauté de travail une ambiance tendue et agressive, nombre de ces allégations, contestées par l'agent, n'ont pu être précisées, la grande majorité des agents entendus ayant plutôt souligné le caractère jovial et agréable de l'intéressé ; que, d'autre part, s'il est soutenu que M. C...aurait menacé l'un de ses collègues dans le but d'obtenir le retrait de l'un de ses témoignages, ainsi que l'ont précisé les premiers juges, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que l'agent en cause ait fait l'objet de menaces caractérisées ; qu'enfin, si La Poste soutient que M. C...aurait, au cours de l'enquête administrative, menti en prétendant avoir été l'objet de propos racistes, il ressort toutefois des pièces par lui produites que lesdits propos auraient effectivement été tenus ; que si, par ailleurs, La Poste produit de nombreux témoignages attestant du comportement déplacé et outrancier de M. C...et notamment de ce que l'attitude de l'intéressé à l'égard de ses collègues créerait une atmosphère délétère et inadaptée au bon fonctionnement du service, il ne ressort toutefois pas de l'ensemble des pièces du dossier que la dégradation des conditions de travail au sein du centre de tri de Martigues serait uniquement et directement imputable au comportement professionnel de l'intimé ; que, par suite, dans les circonstances de l'espèce, en infligeant à M.C..., entré au service de La Poste en 2001, qui depuis cette date et pour l'ensemble sa carrière, n'a fait l'objet que d'un avertissement, la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions d'un an assortie de huit mois de sursis, sanction disciplinaire la plus élevée du troisième groupe, le directeur opérationnel " courrier " des Bouches-du-Rhône a pris une sanction disproportionnée ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que La Poste n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 23 février 2011 infligeant à M. C...la sanction d'exclusion temporaire de fonctions de douze mois dont huit mois avec sursis ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la somme que La Poste demande au titre de ses frais non compris dans les dépens, soit mise à la charge de M. C... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de La Poste le paiement de la somme demandée par M. C...sur le fondement des ces dispositions.
Sur les dépens :
10. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative dans sa rédaction en vigueur au jour de l'introduction de la requête d'appel : " Les dépens comprennent la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts, ainsi que les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat./ Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. / L'Etat peut être condamné aux dépens " ; que les conclusions tendant à ce que les dépens soient mis à la charge de La Poste sont sans objet dans la présente instance, qui n'en comporte pas.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de La Poste est rejetée.
Article 2 : Le surplus des conclusions de M. C...est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à La Poste et à M. A...C....
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N° 14MA02503