Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 28 février 2017, et des mémoires enregistrés les 15 janvier 2018 et 21 février 2018, Mme G..., représentée par Me B..., demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 19 janvier 2017 ;
2°) d'annuler la décision du 17 février 2015 par laquelle le directeur du centre hospitalier universitaire de Nîmes a rejeté sa demande de réintégration du 23 septembre 2014 ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Nîmes la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a dénaturé sa demande du 23 septembre 2014 ;
- la décision du 17 février 2015 n'est pas motivée ;
- l'administration s'est crue à tort en situation de compétence liée ;
- les premiers juges ont commis une erreur de droit en portant une appréciation sur ses motivations ;
- la décision du 17 février 2015 est entachée d'erreur d'appréciation au regard de son état de santé à cette date ;
- elle est également entachée de violation de la loi dès lors qu'elle disposait d'un droit à être réintégrée ;
- elle est illégale dans la mesure où, à la date de son édiction, il ne persistait plus aucune restriction quant à son aptitude à ses anciennes fonctions ; en tout état de cause, une adaptation de poste restait possible.
Par des mémoires, enregistrés le 29 décembre 2017 et le 1er février 2018, le centre hospitalier universitaire de Nîmes, représenté par Me A..., demande à la Cour de rejeter la requête de Mme G... et de mettre à sa charge la somme de 2 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme G... ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 3 octobre 2018 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 89-376 du 8 juin 1989 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Tahiri,
- les conclusions de M. Coutel, rapporteur public,
- et les observations de Me E..., substituant MeA..., représentant le centre hospitalier régional et universitaire de Nîmes.
Considérant ce qui suit :
1. Mme G..., manipulatrice en électroradiologie au centre hospitalier universitaire de Nîmes depuis 1991, a été déclarée inapte à l'exercice de ses fonctions et reclassée dans le corps des adjoints administratifs par décision du 20 novembre 2012. Après son retour de congé de maladie, elle a été placée en détachement dans le corps des adjoints administratifs et positionnée, à compter du 1er janvier 2014, au 8ème échelon du grade d'adjoint administratif principal de première classe, par décision du 6 mars 2014. A compter du 2 juin 2014, elle a été affectée à un poste administratif au sein de l'accueil du service de radiologie des urgences par décision du 20 juin 2014. Par courrier du 23 septembre 2014, Mme G... a sollicité sa réintégration dans ses fonctions antérieures de manipulatrice en électroradiologie à compter de janvier 2014 en tenant compte des restrictions émises par le médecin de prévention et son médecin traitant. Par décision du 17 février 2015, le directeur du centre hospitalier universitaire de Nîmes a rejeté sa demande. Mme G... fait appel du jugement du 19 janvier 2017 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 17 février 2015.
Sur la régularité du jugement :
2. Mme G... fait grief au tribunal d'avoir dénaturé la portée de sa demande du 23 septembre 2014 et de la décision du 17 février 2015 en litige. Cependant, l'interprétation de la portée de ces actes ne relève pas de la régularité du jugement et doit être examinée dans le cadre de son bien-fondé.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Il ressort des termes de son courrier du 23 septembre 2014 que Mme G... a demandé au directeur du centre hospitalier de Nîmes de la réintégrer rétroactivement, à compter de janvier 2014, dans son corps de manipulatrice en électroradiologie et son affectation, à l'avenir, dans un poste tenant compte des restrictions médicales la concernant. Une telle demande doit être regardée comme tendant, d'une part, au retrait de la décision du 6 mars 2014 la plaçant en détachement dans le corps des adjoints administratifs à compter du 1er janvier 2014 et, d'autre part, à ce qu'une affectation effective sur un emploi correspondant à son corps de manipulatrice en électroradiologie lui soit accordée. Dès lors, les premiers juges se sont mépris sur la portée de la décision du 17 février 2015 ainsi que sur celle de sa demande du 23 septembre 2014 en estimant que cette dernière tendait uniquement au retrait de la décision du 6 mars 2014.
En ce qui concerne la légalité de la décision du 17 février 2015 en tant qu'elle rejette la demande de Mme G... tendant à son affectation effective sur un emploi de manipulatrice en électroradiologie :
4. Aux termes de l'article 71 de la loi susvisée du 9 janvier 1986 : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps, s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. / Le reclassement est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé. ". L'article 73 de la même loi précise que : " Il peut être procédé dans un corps ou emploi de niveau équivalent ou inférieur au reclassement des fonctionnaires mentionnés à l'article 71 par la voie du détachement. / Dès qu'il s'est écoulé une période d'un an, les fonctionnaires détachés dans ces conditions peuvent demander leur intégration dans le corps ou emploi de détachement. Leur ancienneté est déterminée selon les modalités prévues par l'article 72. ". Aux termes de l'article 3 du décret du 8 juin 1989 susvisé : " Le fonctionnaire qui a présenté une demande de reclassement dans un emploi d'un corps différent de celui auquel il appartient peut être détaché dans ce nouveau corps si ce dernier est de niveau équivalent ou inférieur à son corps d'origine. (...) ". Enfin, l'article 4 du même décret dispose que : " La situation du fonctionnaire détaché dans les conditions prévues à l'article 3 est réexaminée, à l'issue de chaque période de détachement. / Toute décision prononçant le maintien en détachement ou l'intégration du fonctionnaire, sur sa demande, dans le corps dans lequel il était détaché est précédée de l'avis du comité médical compétent. ".
5. Il est constant que l'inaptitude ayant conduit au reclassement de Mme G... était fondée sur des troubles lombaires, d'une part, et un état dépressif, d'autre part. En vue de l'examen de sa demande de réintégration et de la consultation du comité médical, Mme G... a été expertisée par un médecin agréé généraliste, le DrF..., qui a estimé dans son rapport du 18 novembre 2014 que " la pathologie somatique aurait totalement disparu ", après réussite de la chirurgie lombaire, et que " l'inaptitude totale et définitive aux fonctions de manipulateur radio semble aujourd'hui plus liée au contexte psychiatrique avec un traitement lourd ". Contrairement à ce que soutient l'administration, le Dr F...ne conclut aucunement dans son rapport que les douleurs lombaires de Mme G... n'ont pas pu disparaître. Le comité médical ayant ajourné le 1er décembre 2015 sa décision dans l'attente de l'avis d'un psychiatre, Mme G... a ensuite été examinée par le DrD..., psychiatre agrée, qui a estimé dans son rapport du 12 janvier 2015 qu'elle était actuellement " parfaitement normothymique " et qu'elle ne présentait cliniquement " pas d'élément pouvant justifier une inaptitude totale et définitive sur le plan psychiatrique ". Nonobstant les conclusions de ces deux rapports qui ne retiennent aucune inaptitude ou restriction d'aptitude de Mme G..., le comité médical, le 5 févier 2015 puis, postérieurement à la décision en litige, le comité médical supérieur le 16 décembre 2015, ont estimé que l'intéressée restait inapte de manière absolue et définitive à son emploi de manipulatrice en électroradiologie. Dans ces conditions, en l'absence d'élément de nature à étayer les avis rendus par ces deux instances, Mme G... est fondée à soutenir que la décision du 17 février 2015, en tant qu'elle refuse à cette date qu'il soit mis fin à son détachement ainsi que son affectation effective sur un emploi correspondant à son corps de manipulatrice en électroradiologie, est entachée d'erreur d'appréciation. Elle est dès lors fondée, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête dirigés contre cette partie de la décision, à en demander l'annulation.
En ce qui concerne la légalité de la décision du 17 février 2015 en tant qu'elle refuse de retirer la décision du 6 mars 2014 plaçant Mme G... en détachement dans le corps des adjoints administratifs à compter du 1er janvier 2014 :
6. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 visée ci-dessus, aujourd'hui reprises à l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui :/ (...) - retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; (...) ". Le refus de retirer une décision créatrice de droits ne saurait, eu égard à ses effets, être assimilé au retrait d'une telle décision pour l'application de ces dispositions. Par suite, la décision du 17 février 2015, en tant qu'elle refuse de retirer la décision du 6 mars 2014 prononçant le détachement de Mme G... dans le corps des adjoints administratifs, n'est pas au nombre des décisions devant être motivées en application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979. Dès lors, le moyen tiré de son insuffisante motivation ne peut qu'être écarté.
7. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le centre hospitalier universitaire de Nîmes, qui s'est approprié l'avis rendu par le comité médical le 5 février 2015, se serait estimé lié par cet avis pour rejeter la demande de Mme G....
8. En troisième lieu, contrairement à ce que soutient l'appelante, en recherchant si elle était apte à être réintégrée dans le corps des manipulateurs en électroradiologie, le centre hospitalier universitaire de Nîmes n' a pas commis une erreur de droit au regard des dispositions de l'article 12 la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, qui se bornent à rappeler la distinction entre grade et emploi, et de l'article 55 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 qui ne s'appliquent pas aux détachements prononcés dans le cadre d'un reclassement pour raison de santé. Il en résulte que le moyen tiré de la violation de ces dispositions doit être écarté.
9. En quatrième lieu, si Mme G... verse deux certificats médicaux du 29 novembre 2013 et du 5 décembre 2014 établis par son psychiatre, ce médecin se borne à faire état d'une compatibilité de son état de santé avec la reprise de son activité professionnelle, sans préciser les fonctions concernées. Si elle verse également la fiche de visite établie le 29 septembre 2014 par le médecin de prévention dans laquelle ce dernier indique qu'elle est apte à son poste actuel ainsi qu'à un poste de manipulateur en électroradiologie sous réserve, d'une part, que le port de charges et la manutention de patients présentent un caractère occasionnel et, d'autre part, de l'absence de travail de nuit " encore pour quelques mois ", le centre hospitalier universitaire de Nîmes fait valoir sans être utilement contredit qu'aucun poste de manipulateur en électroradiologie, compte tenu des contraintes du service impliquant notamment régulièrement la manutention de patients et le port de charges, ne pouvait être adapté pour tenir compte des restrictions ainsi émises. Dès lors, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressée aurait été apte à l'exercice des fonctions de manipulateur en électroradiologie de janvier 2014 à janvier 2015 ou en mesure de bénéficier, pendant cette même période, d'un poste aménagé.
10. Enfin, si Mme G... fait grief aux premiers juges d'avoir commis une erreur de droit en se fondant sur les éléments ayant motivé sa demande de reclassement, un tel moyen manque en fait dès lors que le tribunal s'est borné à estimer que les conclusions des experts l'ayant examinée pouvaient valablement être prises en compte alors même que ces médecins avaient relevé les motivations financières de sa démarche.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme G... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 17 février 2015 en tant qu'elle refuse, à cette date, qu'il soit mis fin à son détachement et son affectation effective sur un emploi correspondant à son corps de manipulatrice en électroradiologie.
Sur les frais liés à l'instance :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme G..., qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que le centre hospitalier universitaire de Nîmes demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Nîmes la somme de 2 000 euros à verser à Mme G... au même titre.
D É C I D E :
Article 1er : La décision du 17 février 2015 en tant qu'elle refuse, à cette date, l'affectation effective de Mme G... sur un emploi correspondant à son corps de manipulatrice en électroradiologie, est annulée.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 19 janvier 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le centre hospitalier universitaire de Nîmes versera à Mme G... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme G... et les conclusions du centre hospitalier universitaire de Nîmes tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... G...et au centre hospitalier universitaire de Nîmes.
Délibéré après l'audience du 2 avril 2019, où siégeaient :
- M. Gonzales, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- Mme Tahiri, premier conseiller.
N° 17MA00831 2