Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 11 juillet 2017, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 mai 2017 ;
2°) d'annuler le titre de perception émis à son encontre le 31 mars 2014 par le préfet de la zone de défense et de sécurité sud en vue de recouvrer la somme de 24 554, 16 euros, ensemble la décision du 22 janvier 2015 rejetant son recours gracieux ;
3°) de le décharger de l'obligation de payer cette somme, subsidiairement, de condamner l'État à lui verser la somme de 27 009, 16 euros en réparation du préjudice subi résultant du maintien de son traitement ;
4) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
le titre de perception, qui ne précise pas les nom, prénom et qualité de son auteur, ne respecte pas les dispositions de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 ;
le titre de perception n'indique pas les bases de liquidation ;
il n'est pas fondé ;
la responsabilité de l'administration est engagée à raison de la faute commise par elle en poursuivant le versement des traitements et primes.
Par ordonnance du 8 janvier 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 31 janvier 2019 à 12 heures.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 janvier 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
la requête, qui n'est pas motivée, est irrecevable ;
les conclusions indemnitaires ne sont pas recevables en l'absence de demande préalable ;
les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 29 janvier 2019, la clôture de l'instruction a été reportée au 11 février 2019 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
le rapport de M. d'Izarn de Villefort,
les conclusions de M. Coutel, rapporteur public,
et les observations de Me D..., substituant Me A..., représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet de la zone de défense et de sécurité sud a, le 31 mars 2014, émis à l'encontre de M. B..., gardien de la paix incarcéré depuis le 15 février 2013, un titre de perception pour le paiement de la somme de 24 554, 16 euros correspondant à un trop-perçu sur rémunération du 15 février 2013 au 31 janvier 2014. L'intéressé a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler ce titre de perception, ainsi que la décision du 22 janvier 2015 rejetant son recours gracieux, de le décharger de l'obligation de payer cette somme, et, subsidiairement, de condamner l'État à lui verser la somme de 27 009, 16 euros en réparation du préjudice subi résultant du maintien de son traitement. Il fait appel du jugement du 15 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes.
Sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre de l'intérieur :
2. En vertu des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, la requête doit, à peine d'irrecevabilité, contenir l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. Au cas d'espèce, la requête d'appel de M. B..., qui ne peut être regardée comme reproduisant intégralement et exclusivement le texte de sa demande présentée devant le tribunal administratif répond aux exigences fixées par ces dispositions et est, par suite, recevable. La fin de non-recevoir opposée sur ce point par le ministre ne peut donc être accueillie.
3. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable au litige : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. ".
4. S'il ne résulte pas de l'instruction que M. B... a adressé à l'administration une demande d'indemnité avant de demander au tribunal administratif de Marseille la condamnation de l'État à lui verser la somme de 27 009,16 euros en réparation du préjudice subi résultant du maintien de son traitement, ces conclusions sont recevables dès lors que le préfet de la zone de défense et de sécurité sud, qui a présenté à titre principal une argumentation sur le fond en première instance, a lié le contentieux à leur égard. Ainsi, la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'intérieur tirée de l'absence de décision préalable doit être écartée.
Sur les conclusions à fin de décharge :
5. Si l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 dispose que l'autorité investie du pouvoir disciplinaire peut prononcer la suspension d'un fonctionnaire, en cas de faute grave, " qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun ", et que le fonctionnaire suspendu conserve son traitement jusqu'à la décision prise à son égard, qui doit intervenir dans les quatre mois, ces dispositions ne font pas obligation à l'administration de prononcer la suspension qu'elles prévoient à la suite d'une faute grave et ne l'empêchent pas d'interrompre, indépendamment de toute action disciplinaire, le versement du traitement d'un fonctionnaire pour absence de service fait, notamment en raison de l'incarcération de l'intéressé.
6. Par ailleurs, après avoir constaté l'incarcération de M. B... depuis le 15 février 2013, l'administration était tenue de constater, sans avoir à porter une appréciation sur les faits de l'espèce, qu'elle détenait sur cet agent une créance à raison des traitements versés postérieurement à cette date et de prendre, sous la réserve éventuelle d'une remise gracieuse accordée à la demande de l'intéressé, les mesures propres à permettre le recouvrement de cette créance. Par suite, les moyens soulevés par le requérant tirés de ce que le titre de perception contesté ne respecterait pas les dispositions de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 et n'indiquerait pas les bases de liquidation sont inopérants. Le moyen tiré de ce que ce titre ne serait pas fondé doit être écarté.
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
7. La perception prolongée par M. B... de ses traitements en dépit de son incarcération n'a été rendue possible que par la carence de l'administration. Dans les circonstances de l'espèce, compte tenu notamment de la durée pendant laquelle se sont étendues les perceptions irrégulières et de la bonne foi de l'intéressé, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par le requérant en lui allouant une indemnité de 14 000 euros.
Sur les frais liés au litige :
8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme demandée par M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : L'État est condamné à verser à M. B... une somme de 14 000 euros.
Article 2 : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 mai 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques Provence-Alpes-Côte d'azur.
Délibéré après l'audience du 2 avril 2019, où siégeaient :
M. Gonzales, président,
M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
* M. Jorda, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 avril 2019.
N° 17MA02971 3