Par une requête enregistrée le 29 juillet 2015, sous le n° 15MA03154, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 17 juillet 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 avril 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Var de lui délivrer un récépissé de demandeur d'asile pendant l'instruction de sa demande d'asile ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté est illégal dès lors qu'il n'a pas été destinataire des informations prévues à l'article 18§1 du règlement EURODAC du 11 décembre 2000, dans une langue qu'il comprend ;
- le préfet aurait dû faire application des dispositions de l'article 17.2 du règlement du 26 juin 2013 en raison des circonstances que la Hongrie n'est pas le premier pays traversé, qu'il n'y a pas demandé l'asile et qu'il y a simplement été interpellé et retenu par les services de police sans information, que la Hongrie est défaillante dans le traitement des demandes d'asile car l'on y déplore la mise en détention de 40 % des demandeurs d'asile et la violation du droit au recours.
Par une mise en demeure notifiée le 30 août 2016, le préfet du Var a été invité à produire ses observations en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative.
Par ordonnance du 6 septembre 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 6 octobre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil, du 18 février 2003 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Schaegis.
1. Considérant que M. B..., de nationalité afghane, demande à la Cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 17 juillet 2015 rejetant son recours contre l'arrêté du 20 avril 2015 par lequel le préfet du Var a décidé de sa remise aux autorités hongroises en application des dispositions de l'article L. 741-4-1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction applicable alors ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement n° 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 concernant la création du système "Eurodac" pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin : " Toute personne visée par le présent règlement est informée par l'Etat membre d'origine : a) de l'identité du responsable du traitement et de son représentant, le cas échéant ; b) de la raison pour laquelle les données vont être traitées par Eurodac ; c) des destinataires des données ; d) dans le cas des personnes visées à l'article 4 ou à l'article 8, de l'obligation d'accepter que ses empreintes digitales soient relevées ; e) de l'existence d'un droit d'accès aux données la concernant et d'un droit de rectification de ces données. / Dans le cas de personnes visées à l'article 4 ou à l'article 8, les informations visées au premier alinéa sont fournies au moment où les empreintes digitales sont relevées. / Dans le cas de personnes visées à l'article 11, les informations visées au premier alinéa sont fournies au plus tard au moment où les données concernant la personne sont transmises à l'unité centrale. Cette obligation ne s'applique pas lorsqu'il s'avère impossible de fournir ces informations ou que cela nécessite des efforts disproportionnés. " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B... a déposé une demande d'asile auprès de la préfecture du Var le 19 janvier 2015 ; que le préfet du Var, estimant que la France n'était pas responsable de l'examen de cette demande, a refusé, par décisions du 4 février 2015, son admission au séjour et a saisi les autorités bulgares et hongroises en vue d'une réadmission dans l'un de ces pays ; que les autorités hongroises ayant accepté de reprendre en charge la demande d'asile du requérant, le préfet du Var a pris à son encontre l'arrêté contesté du 20 avril 2015 ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 3 du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil, du 18 février 2003 : " (...) 4. Le demandeur d'asile est informé par écrit, dans une langue dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend, au sujet de l'application du présent règlement, des délais qu'il prévoit et de ses effets " ; qu'il est constant que M. B... a été informé, par des documents rédigés en langue arabe, de la demande de réadmission le concernant, présentée le 4 février 2015 aux autorités bulgares et hongroises dans le cadre de la procédure de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors que l'intéressé, d'ethnie pachtoune, laquelle n'est pas arabophone, indique ne pas comprendre l'arabe, et que la langue arabe n'est pas au nombre des langues en usage dans son pays d'origine, le préfet du Var a entaché sa décision d'un vice de procédure en considérant qu'il était raisonnable de regarder l'intéressé comme comprenant cette langue ; que c'est à tort que le tribunal a écarté ce moyen ; que l'irrégularité ainsi constatée est de nature à priver la personne intéressée des garanties procédurales prévues par les dispositions précitées ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, il y a lieu d'annuler l'arrêté et le jugement attaqués ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Considérant que l'article L. 911-1 du code de justice administrative dispose que : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ;
6. Considérant que l'annulation de l'arrêté du 20 avril 2015 par lequel le préfet du Var a décidé la remise de M. B... aux autorités hongroises implique seulement que les autorités compétentes soient à nouveau saisies de sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile ; qu'il n'y a pas lieu, en conséquence d'enjoindre au préfet du Var de lui délivrer un récépissé de demandeur d'asile pendant l'instruction de sa demande d'asile ;
Sur les conclusions à fin d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 17 juillet 2015 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 20 avril 2015 est annulé.
Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Var.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2016, où siégeaient :
- M. Gonzales, président,
- M. Renouf, président-assesseur,
- Mme Schaegis, première conseillère.
Lu en audience publique, le 29 novembre 2016.
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