Procédure devant la Cour :
Par une lettre enregistrée le 18 juillet 2019, Mme A..., représentée par Me Bocognano, a demandé sur le fondement des articles L. 911-4 et suivants du code de justice administrative, l'exécution de l'arrêt n° 16MA02852 du 28 novembre 2017, par la démolition de l'ouvrage public situé sur le territoire de la commune de Roquedur et le versement de la somme de 114,01 euros correspondant aux intérêts de retard sur la somme de 1 000 euros mise à la charge de la commune en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Par une ordonnance du 16 juillet 2021, la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille a, en application de l'article R. 921-6 du code de justice administrative, procédé à l'ouverture d'une procédure juridictionnelle sous le n° 21MA02755 en vue de prescrire, s'il y a lieu, les mesures qui seraient nécessaires à l'exécution intégrale de l'arrêt du 28 novembre 2017 de cette Cour.
Par un mémoire enregistré le 14 octobre 2021, la commune de Roquedur, représentée par Me D'Albenas, conclut au rejet de la requête, subsidiairement à la condamnation de l'Etat à relever et garantir la commune de Roquedur contre une éventuelle condamnation à la démolition de la salle des fêtes autorisée par l'arrêté préfectoral du 19 mai 2014, et de mettre à la charge de Mme A... la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- La salle des fêtes est régularisable car la commune de Roquedur a mis en œuvre la procédure de révision de son règlement d'urbanisme sur le fondement de l'article L. 123-1-5 du code de l'urbanisme par délimitation d'un STECAL dans lequel des constructions, telles que la salle des fêtes, pourront être autorisées ;
- les inconvénients résultant de la présence de l'ouvrage publique sont hors de proportion avec les conséquences pour l'intérêt général de la démolition d'une salle des fêtes dans une petite commune ;
- la commune s'est acquittée de la somme mise à sa charge en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative quand Mme A... lui a adressé son relevé d'identité bancaire ;
- si la commune devait être condamnée à démolir la salle des fêtes, elle serait fondée à appeler en garantie l'Etat qui a délivré le permis de construire ;
- la commune a obtenu l'avis favorable de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites du 23 novembre 2020 pour l'ouverture à l'urbanisation en discontinuité de l'urbanisation existante dans le cadre de l'élaboration du plan local d'urbanisme ;
Par un mémoire enregistré le 16 novembre 2021, Mme A... demande à la Cour d'ordonner la démolition de l'ouvrage public constitué par la salle municipale culturelle et associative dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 3 000 euros par jour de retard, d'enjoindre à la commune de Roquedur de lui verser la somme de 114,01 euros correspondant aux intérêts de retard sur la somme de 1 000 euros mise à sa charge en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par l'arrêt du 28 novembre 2017, et de mettre à la charge de la commune de Roquedur la somme de 2 400 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- la régularisation de la construction n'est pas possible.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné par décision du 24 aout 2021, M. Portail, président assesseur, pour statuer dans les conditions prévues à l'article R. 222-1 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Portail,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me Bocognano, représentant Mme A..., et de Me d'Albenas, représentant la commune de Roquedur.
Une note en délibéré présentée pour Mme A... a été enregistrée le 27 janvier 2022.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 19 mai 2014 par lequel le préfet du Gard a délivré à la commune de Roquedur un permis de construire en vue de la transformation et l'extension d'un bâtiment existant pour la réalisation d'une salle culturelle et associative, sur une parcelle communale cadastrée section C n° 620, au lieu-dit Le Puech, et la décision implicite par laquelle le préfet du Gard a rejeté son recours gracieux. Par un jugement du 31 mai 2016, confirmé par un arrêt n° 16MA02852 du 28 novembre 2017 de la cour administrative d'appel de Marseille devenu définitif, le tribunal administratif de Nîmes a annulé ces décisions. La Cour a infirmé le motif d'annulation retenu par le tribunal et relatif à l'insuffisance des voies d'accès au projet. En revanche, elle a confirmé l'annulation du permis de construire en raison de la méconnaissance de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme, aujourd'hui L. 122-5, aux termes duquel, dans les zones de montagne : " L'urbanisation est réalisée en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants, sous réserve de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension limitée des constructions existantes, ainsi que de la construction d'annexes, de taille limitée, à ces constructions, et de la réalisation d'installations ou d'équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées. ". Mme A... demande, sur le fondement des articles L. 911-4 et suivants du code de justice administrative, l'exécution de l'arrêt n° 16MA02852 du 28 novembre 2017, par la démolition de l'ouvrage public édifié en exécution du permis de construire annulé, et le versement de la somme de 114,01 euros correspondant aux intérêts de retard sur la somme de 1 000 euros mise à la charge de la commune en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les conclusions aux fins de démolition :
2. Lorsque le juge administratif est saisi d'une demande d'exécution d'une décision juridictionnelle dont il résulte qu'un ouvrage public a été implanté de façon irrégulière, il lui appartient, pour déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si l'exécution de cette décision implique qu'il ordonne la démolition de cet ouvrage, de rechercher, d'abord, si, eu égard notamment aux motifs de la décision, une régularisation appropriée est possible. Dans la négative, il lui revient ensuite de prendre en considération, d'une part, les inconvénients que l'existence de l'ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence et notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d'assiette de l'ouvrage, d'autre part, les conséquences de la démolition pour l'intérêt général, et d'apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général.
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 122-7 du code de l'urbanisme, en vigueur à la date du présent arrêt : " Les dispositions de l'article L. 122-5 ne s'appliquent pas lorsque le schéma de cohérence territoriale ou le plan local d'urbanisme comporte une étude justifiant, en fonction des spécificités locales, qu'une urbanisation qui n'est pas située en continuité de l'urbanisation existante est compatible avec le respect des objectifs de protection des terres agricoles, pastorales et forestières et avec la préservation des paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel prévus aux articles L. 122-9 et L. 122-10 ainsi qu'avec la protection contre les risques naturels. L'étude est soumise à l'avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Le plan local d'urbanisme ou la carte communale délimite alors les zones à urbaniser dans le respect des conclusions de cette étude. ".
4. La commission départementale de la nature, des paysages et des sites a donné le 21 novembre 2020 un avis favorable à l'ouverture à l'urbanisation en discontinuité de l'urbanisation existante du site de la salle municipale culturelle et associative de Roquedur-le-Haut. Il existe donc une possibilité de régularisation quand le plan local d'urbanisme de la commune sera approuvé.
5. En deuxième lieu, et en tout état de cause, d'une part, la salle des fêtes est située à une distance comprise entre 50 et 100 mètres par rapport à la propriété de Mme A..., ce qui relativise la gêne occasionnée par les usagers de la salle des fêtes qui fument à l'extérieur. Si la requérante souligne les nuisances sonores résultant des activités festives organisées dans ce bâtiment, elle ne justifie pas de la fréquence de ces évènements. Si elle se plaint de l'écoulement sur sa propriété des eaux de ruissellement en provenance de la parcelle communale, une expertise ordonnée en référé par le tribunal administratif de Nîmes et confiée à M. C..., ingénieur génie civil et urbanisme, conclut que les démolitions, constructions et aménagements réalisés par la commune en exécution du permis de construire annulé n'ont pas aggravé la servitude naturelle des eaux pluviales de ruissellement. Si cette expertise souligne que le traitement du revêtement du nouveau parking par des matériaux non stabilisés a entraîné un modeste déversement de gravats sur la propriété de Mme A..., elle précise aussi qu'il peut être remédié à cette situation sans difficultés. D'autre part, Roquedur est une petite commune cévenole d'environ 250 habitants, peu pourvue en équipements publics. Il résulte de l'instruction que la commune ne dispose pas d'un local adapté aux évènements qui concourent au maintien du lien social sur son territoire, tels que spectacles et activités associatives. La salle des fêtes objet du permis de construire annulé répond ainsi à la fois à un intérêt général et à un besoin communal, quand bien même il a pu se produire qu'elle soit louée pour des évènements privés tels que des mariages. Eu égard aux inconvénients que l'existence de l'ouvrage entraîne pour Mme A..., tels que précédemment décrits, et aux conséquences de la démolition pour l'intérêt général, la démolition de la salle des fêtes entraînerait une atteinte excessive à l'intérêt général. Dans les circonstances de l'espèce, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'appel en garantie formé par la commune de Roquedur contre l'Etat, l'exécution de l'arrêt du 28 novembre 2017 n'implique pas la démolition de cet ouvrage public.
Sur les intérêts moratoires :
6. La somme allouée au titre des frais exposés non compris dans les dépens est productive de plein droit d'intérêts. La commune de Roquedur soutient qu'elle n'a mandaté que le 20 mai 2019 la somme de 1 000 euros mise à sa charge au titre de ces frais par l'arrêt du 28 novembre 2017 dont il est demandé l'exécution car Mme A... ne lui avait pas adressé plus tôt son relevé d'identité bancaire. Toutefois, l'intéressée était représentée par un avocat avec lequel il incombait à la commune de se rapprocher. La commune a mandaté cette somme le 20 mai 2019. Elle ne conteste pas que le montant des intérêts de retard dus de plein droit s'élève à 114,01 euros. Il y a lieu d'enjoindre à la commune de verser cette somme à Mme A... dans un délai de 15 jours à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction du prononcé d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'a lieu de faire droit à aucune des conclusions des parties fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Il est enjoint à la commune de Roquedur de verser la somme de 114,01 euros à Mme A... dans un délai de 15 jours à compter de la notification du présent arrêt.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Roquedur fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune de Roquedur.
Délibéré après l'audience du 25 janvier 2022 où siégeaient :
M. Portail, président par interim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Carassic, première conseillère,
- Mme Baizet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 février 2022.
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N° 21MA02755