Par une requête enregistrée le 8 mars 2019, La Poste, représentée par la SELARL d'avocats Arcanthe, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 28 décembre 2018 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) de rejeter la demande de M. A... ;
3°) de condamner M. A... à lui verser la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La Poste soutient que :
- les premiers juges ont méconnu l'article R. 611-7 du code de justice administrative en soulevant d'office, pour annuler la décision en litige, le moyen, non invoqué par l'agent, tiré de l'absence de preuve de la publication de la délégation de signature consentie au signataire de la décision en litige, sans avoir été en mesure de présenter ses observations à ce moyen ;
- cette délégation de signature a été régulièrement publiée ;
- l'agent n'établit pas que l'expert mandaté par La Poste aurait commis une erreur dans ses conclusions médicales ;
- l'expertise demandée en première instance présente un caractère frustratoire.
Par un courrier présenté le 20 avril 2019, M. A... informe la Cour qu'il ne souhaite pas poursuivre la procédure judiciaire.
Il fait valoir que ses ressources financières ne lui permettent pas de se faire représenter en appel par un avocat.
Par lettre du 3 juillet 2020, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et indiquant la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.
Une ordonnance du 27 octobre 2020 a prononcé la clôture de l'instruction à la date de son émission, en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Un courrier présenté pour M. A... a été enregistré le 5 novembre 2020, postérieurement à la clôture d'instruction.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 568 du 2 juillet 1990 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les conclusions de M. Roux, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., fonctionnaire de La Poste depuis le 8 janvier 1990 exerçant les fonctions de pilote de production sur le site de la plate forme industrielle de courrier à Maugio, a été victime le 6 mai 2016 d'un accident qui, après avis de la commission de réforme du 7 juillet 2016, a été reconnu imputable au service, par la décision en litige du 7 juillet 2016, du 6 mai 2016 jusqu'au 14 juin 2016, date de sa consolidation. M. A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler cette décision en tant qu'elle prend en charge ses arrêts de travail au titre de la législation des accidents du travail jusqu'au 14 juin 2016 seulement et d'enjoindre à La Poste de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts de travail pour la période du 6 mai au 31 août 2016, date de sa reprise d'activité. La Poste relève appel du jugement attaqué par lequel les premiers juges ont fait droit à la demande de M. A....
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou, au Conseil d'Etat, la sous-section chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué ".
3. Dans sa demande introductive d'instance enregistrée le 23 novembre 2016, M. A... a soutenu que " Mme C... (directrice Vie au travail) n'a pas compétence pour signer l'arrêté concernant la décision n° 125 du 7 juillet 2016 ". La Poste, dans son mémoire en défense enregistré le 15 octobre 2018, a produit la délégation de signature n° D 14.065 du 1er septembre 2014 consentie par le directeur Service-Courrier Colis (DSCC) du Golfe du Lion au directeur du pôle Vie au travail du Golfe du Lion, donnant compétence au directeur du pôle de Vie au travail à l'effet de prendre notamment en matière de gestion du personnel, toutes les décisions relevant du personnel de classe I à IV groupe A appartenant, comme M. A..., au siège de la direction Service-Courrier Colis. En se bornant à constater qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que cette délégation de signature aurait fait l'objet d'une publication régulière et qu'elle n'était donc pas opposable aux tiers, les premiers juges ont répondu au moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige invoqué par le requérant et n'ont pas relevé d'office un moyen en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative. Dès lors, ils n'ont pas entaché le jugement attaqué d'irrégularité en annulant la décision en litige pour ce motif, sans demander la communication de la publication de cette délégation de signature à La Poste et sans en informer au préalable les parties. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait irrégulier doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Aux termes du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision en litige et applicable aux personnels de La Poste en vertu de l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications : " Le fonctionnaire en activité a droit : A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévus en application de l'article 35. /Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. ". Le droit, prévu par ces dispositions, de conserver l'intégralité du traitement est soumis à la condition que la maladie mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'accomplir son service soit en lien direct, mais non nécessairement exclusif, avec un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions. Doivent ainsi être pris en charge au titre de l'accident de service les honoraires médicaux et frais directement entraînés par celui-ci, y compris, le cas échéant, s'ils sont exposés postérieurement à la date de consolidation constatée par l'autorité compétente.
5. Il ressort des pièces du dossier que dans la nuit du 5 au 6 mai 2016 et sur son lieu de travail, M. A... a soulevé une caissette de courrier et qu'il a ressenti une vive douleur dans le bas du dos, côté droit. Il a averti son chef d'équipe. En continuant malgré tout son activité professionnelle, il a ressenti une autre douleur beaucoup plus forte avec un craquement au même endroit du dos. Il a consulté dès le 6 mai 2016 son médecin généraliste, qui lui a délivré un premier arrêt de travail jusqu'au 16 mai 2016 pour " lombalgies aigues invalidantes " en cochant la case " accident de travail ". Cet arrêt de travail a été reconduit pour le même motif médical jusqu'au 31 mai 2016, renouvelé jusqu'au 14 juin 2016, et enfin jusqu'au 31 août 2016, date de la reprise professionnelle de M. A.... L'expert mandaté par La Poste a affirmé, dans son rapport du 15 juin 2016, que, si les lésions constatées présentent un lien de causalité direct avec les évènements survenus le 6 mai 2016, le patient souffre d'un état préexistant eu égard à la disparition de l'espace inter-somatique L5-S1 " à même de générer des lombalgies chroniques ", d'autant plus que M. A... a déjà été victime d'un accident du travail en février 2011 qui avait généré six mois d'arrêt d'activité professionnelle. L'expert a en conséquence de cet état préexistant fixé la date de la consolidation au 14 juin 2016, date de la fin de la deuxième période de prolongation de son arrêt maladie. Pour contester cette date de consolidation et soutenir qu'il a souffert jusqu'au 31 août 2016, date de sa reprise d'activité, de lombalgies invalidantes en lien direct avec son accident de service du 6 mai 2016, M. A... produit un rapport d'expertise médicale daté du 22 août 2016 d'un chef de clinique à la faculté de Montpellier spécialiste des maladies des os et des articulations et notamment des manipulations vertébrales, médecin agréé du comité médical, qui affirme que l'expert qui l'a vu à la suite de son précédent accident du travail du 11 février 2011 l'a considéré comme consolidé et guéri sans séquelle le 4 octobre 2011. Cet expert ajoute que l'IRM réalisée le 6 janvier 2012 par le médecin du centre hospitalier d'Annemasse-Bonne ville avait mis en évidence une discopathie en L5-S1 qu'il qualifiait de " modérée ". Toutefois, cet expert ajoute que le scanner lombaire du 4 juin 2016 réalisé à la suite de l'accident du travail en litige du 6 mai 2016, s'il confirme des phénomènes dégénératifs à la charnière notamment L5-S1 et reconnaît un état préexistant à ce titre, met aussi en évidence un net conflit disco-radiculaire L4-L5 foraminal droit, concordant avec la sciatique droite impulsive dont souffre M. A... depuis son accident du travail du 6 mai 2016, lequel conflit n'existait pas sur l'IRM réalisée le 6 janvier 2012 et qui n'a pas été mentionné dans le rapport du 15 juin 2016 de l'expert mandaté par La Poste. L'expert mandaté par M. A... conclut sans ambigüité que les soins et arrêts de travail survenus depuis le 6 mai 2016 ainsi que ceux en cours sont imputables à l'accident du travail du 6 mai 2016. M. A... produit aussi une attestation d'un radiologue du centre de radiologie de la clinique du Millénaire datée du 3 octobre 2016 qui établit que M. A... a subi une infiltration épidurale L4-L5 droite, ce qui confirme l'existence du conflit disco-radiculaire L4-L5 foraminal droit mentionné dans le rapport de l'expert mandaté par M. A.... Enfin, M. A... produit une attestation de son médecin traitant datée du 4 août 2016 qui estime que son état de santé exige une prolongation jusqu'au 31 août 2016 de son arrêt maladie en lien avec son accident du travail du 6 mai 2016. Ces avis médicaux concordants et circonstanciés sont de nature à contredire l'avis de la commission de réforme du 7 juillet 2016, qui ne lie pas l'administration et qui affirme notamment que les arrêts et les soins postérieurs au 14 juin 2016 relèvent du congé de maladie ordinaire et à établir que les lombalgies persistantes subies par M. A... après la date de consolidation du 14 juin 2016 présentent un lien direct et certain avec son accident du 6 mai 2016 reconnu comme imputable au service. Par suite, La Poste n'est pas fondée à soutenir que l'accident du travail dont M. A... a été victime le 6 mai 2016 était imputable au service seulement jusqu'au 14 juin 2016 et que les arrêts de travail de son agent pour la période du 14 juin 2016 au 31 août 2016 devaient être pris en charge au titre des congés de maladie ordinaire.
6. Il résulte de ce qui précède que La Poste n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé sa décision du 7 juillet 2016 et sa décision implicite de rejet née du silence gardé sur le recours gracieux du 3 août 2016 de M. A... tendant au retrait de cette décision.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que lui demande La Poste au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de La Poste est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à La Poste et à M. D... A....
Délibéré après l'audience du 24 novembre 2020, où siégeaient :
- M. Chazan, président de chambre,
- Mme Simon, président assesseur,
- Mme B..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 décembre 2020.
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N° 19MA01100