Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 17 février 2020, Mme C..., représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 1er octobre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 13 mars 2019 du préfet de l'Hérault ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault, sous peine d'astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande de titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me D... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le signataire de l'arrêté en litige n'était pas compétent ;
- le préfet n'a pas pris en compte l'ensemble de sa situation ;
- cet arrêté est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle et des conséquences d'un refus de séjour pour sa fille polyhandicapée qui ne pourra pas effectivement bénéficier d'un traitement adapté en Algérie, compte tenu du coût du matériel de soin ;
- il a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2020, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 novembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 27 décembre 1968 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les observations de Me D..., représentant Mme C....
Une note en délibéré présentée par Mme C... a été enregistrée le 25 novembre 2020.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 13 mars 2019, le préfet de l'Hérault a rejeté la demande de titre de séjour que lui avait présentée Mme C..., ressortissante algérienne, en qualité de parent d'enfant malade et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours mentionnant le pays de destination. Mme C... fait appel du jugement du 1er octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. En l'espèce, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), consulté par le préfet de l'Hérault pour apprécier la situation médicale de la fille de la requérante a dans son avis émis le 19 juin 2019, estimé que cette enfant peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et qu'il n'existe aucune contre-indication patente aux voyages.
3. Pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par Mme C... afin de demeurer en France avec sa fille mineure atteinte d'une encéphalopathie anoxo-ischémique d'origine néonatale, le préfet de l'Hérault s'est fondé sur la circonstance que cette enfant pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Alors que le préfet se borne à affirmer, sans produire aucune pièce à l'appui de cette allégation en dehors de l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII, que cette enfant peut bénéficier d'un traitement approprié à son état dans son pays d'origine, il ressort toutefois des pièces du dossier que la jeune F..., âgée de trois ans, bénéficie, depuis son arrivée en France en février 2018, en raison de son polyhandicap et de son état grabataire, d'une prise en charge sur les plans kinésithérapique ophtalmologique, médicamenteux et alimentaire, n'étant nourrie que par gastrostomie, ainsi que pour son appareillage neuro-orthopédique, de consultations régulières en neuro pédiatrie, d'un suivi au sein d'un centre d'action médico-sociale Précoce ( CAMSP ) afin de favoriser l'éveil de ses sens et a été orientée par la MDPH par décision du 20 février 2019 vers un établissement médico-social spécialisé compte tenu du caractère indispensable de la prise en charge spécifique de son polyhandicap. L'ensemble de ces dispositifs ont contribué à améliorer sensiblement son état. Dans ces conditions, en refusant de délivrer à l'intéressée le titre de séjour sollicité pour demeurer aux côtés de sa fille et subvenir ainsi à ses besoins essentiels alors que l'état de santé de cette enfant s'est sensiblement amélioré consécutivement à sa prise en charge soutenue en France et alors qu'il n'est pas établi que, compte tenu de sa complexité, sa prise en charge serait possible en Algérie dans des conditions appropriées, le préfet de l'Hérault a méconnu les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Il y a lieu, par suite, d'en prononcer l'annulation ainsi que celle de l'arrêté du 13 mars 2019.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. En vertu de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " et aux termes de l'article L. 911-3 du même code : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. ".
6. Dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'à la date de la présente décision, des éléments de droit ou de fait nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose un refus à la demande de Mme C..., le présent arrêt, qui annule la décision portant refus de délivrer à la requérante un titre de séjour et les décisions subséquentes, implique nécessairement, eu égard au motif sur lequel il se fonde, que le préfet délivre à l'intéressée un certificat de résidence d'une durée d'un an portant la mention " vie privée et familiale ". Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet compétent de lui délivrer ce certificat dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction du prononcé d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
7. Mme C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, combinées à celles de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, sous réserve que Me D..., son avocat, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros devant être versée directement à cet avocat.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 1er octobre 2019 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 13 mars 2019 du préfet de l'Hérault est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet compétent de délivrer à Mme C... un certificat de résidence d'une durée d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me D... une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., au ministre de l'intérieur, au préfet de l'Hérault, au préfet de Lozère et à Me G... D....
Copie en sera adressée au procureur de la République près du tribunal judiciaire de Montpellier.
Délibéré après l'audience du 24 novembre 2020, où siégeaient :
- M. Chazan, président,
- Mme B..., président assesseur,
- Mme E..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition par le greffe le 8 décembre 2020.
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N° 20MA00833