Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 juillet 2020, Mme A... B... épouse C... représentée par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 11 février 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 14 novembre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à venir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de procéder au réexamen de sa demande et de prendre une nouvelle décision dans le même délai et sous la même astreinte, après lui avoir délivré une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal n'a pas répondu aux moyens tirés de l'insuffisance de motivation, de l'erreur de fait ainsi que de la méconnaissance des articles 3, 8 et 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- cette décision n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation ;
- elle est entachée d'un vice de procédure en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur de droit ainsi que d'une erreur d'appréciation au regard du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision lui accordant un délai de départ volontaire est insuffisamment motivée.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 octobre 2020, le préfet des Pyrénées-Orientales conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.
La demande d'aide juridictionnelle de Mme A... B... épouse C... a été rejetée par une décision du 26 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. E...,
- et les observations de Me F..., représentant Mme A... B... épouse C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., ressortissante marocaine née en 1994, est entrée régulièrement en France le 19 septembre 2014 et a bénéficié d'une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " qui a été renouvelée jusqu'au 19 octobre 2017. Par un arrêté du 13 mars 2018, le préfet des Pyrénées-Orientales a notamment refusé de renouveler son titre de séjour et a obligé l'intéressée à quitter le territoire français. Mme A... B..., qui a épousé M. C... le 4 juin 2018, a sollicité, le 9 avril 2019, la délivrance d'une carte de séjour temporaire en qualité de conjointe d'un ressortissant français. Par un arrêté du 14 novembre 2019, le préfet des Pyrénées-Orientales a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a accordé un délai de départ volontaire d'un mois et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée. Mme A... B... épouse C... relève appel du jugement du 11 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 14 novembre 2019.
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage (...) ".
3. Pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par Mme A... B... épouse C... sur le fondement des dispositions citées au point précédent, le préfet des Pyrénées-Orientales s'est fondé sur un unique motif tiré de l'absence de communauté de vie effective entre les époux depuis leur mariage célébré le 4 juin 2018 à Perpignan. Toutefois, d'une part, la circonstance, prise en compte par le préfet, que M. C... ait été incarcéré au cours des mois de juillet à novembre 2018 ne permet pas, à elle seule, d'établir que la communauté de vie aurait cessé. Il ressort à cet égard des pièces du dossier, et en particulier des correspondances alors échangées entre les époux C..., que ces derniers ont maintenu un lien affectif durant cette période d'incarcération. D'autre part, si le préfet a relevé que les intéressés ont, après l'élargissement de M. C..., déclaré deux adresses différentes à Perpignan, il ressort des déclarations précises et concordantes des époux C..., lors de leurs auditions respectives par les services de police le 4 juin 2019, qu'ils ont poursuivi leur relation pendant cette période de résidence séparée. Cette absence temporaire de résidence commune, qui s'explique notamment par les contraintes inhérentes au contrôle judiciaire dont faisait alors l'objet M. C..., ne saurait, au regard de l'ensemble des circonstances de l'espèce, être regardée comme traduisant la volonté des intéressés de mettre fin à leur communauté de vie. Dans ces conditions, Mme A... B... épouse C... est fondée à soutenir qu'en refusant de lui délivrer le titre de séjour sollicité pour le seul motif évoqué ci-dessus, le préfet des Pyrénées-Orientales a fait une inexacte application des dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, il y a lieu d'annuler la décision de refus de titre de séjour en litige ainsi que, par voie de conséquence, les décisions subséquentes faisant obligation à l'intéressée de quitter le territoire français, lui accordant un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination.
4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué ni d'examiner les autres moyens invoqués, Mme A... B... épouse C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 14 novembre 2019.
5. Compte tenu du motif d'annulation retenu au point 3, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " soit délivrée à Mme A... B... épouse C.... Il y a lieu d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales de lui délivrer ce titre de séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 11 février 2020 et l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 14 novembre 2019 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Pyrénées-Orientales de délivrer à Mme A... B... épouse C... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme A... B... épouse C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... B... épouse C... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... A... B... épouse C..., au ministre de l'intérieur et à Me F....
Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Perpignan.
Délibéré après l'audience du 24 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Chazan, président,
- Mme D..., présidente assesseure,
- M. E..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 décembre 2020.
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N° 20MA02489