Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 décembre 2018, M. et Mme D..., représentés par la SCPA A..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 9 octobre 2018 ;
2°) d'annuler la décision du maire de Palau-del-Vidre du 22 juillet 2016 ainsi que son arrêté du 15 novembre 2016 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Palau-del-Vidre la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est irrégulier au regard de l'article L. 5 du code de justice administrative ;
- le tribunal a " dénaturé " leur moyen tiré de la méconnaissance du règlement de la zone B3 du plan de prévention des risques d'inondation ;
- le tribunal a commis plusieurs erreurs de droit et dénaturé les pièces du dossier ;
- la décision de demande de pièces complémentaires est illégale et dilatoire dès lors qu'elle porte sur des pièces dont la production était inutile ou superfétatoire ;
- compte tenu de l'illégalité de cette décision, l'arrêté de refus de permis en litige doit être requalifié en retrait d'un permis tacite ;
- ce retrait aurait dû être précédé d'une procédure contradictoire en l'absence d'une situation d'urgence et méconnaît l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme ;
- le motif fondé sur les articles A 1 et A 2 du règlement du plan local d'urbanisme est illégal ;
- le motif fondé sur l'article A 7 du même règlement est illégal et il appartenait au maire d'instruire la demande d'adaptation mineure et de motiver son refus dans l'arrêté contesté ;
- le motif fondé sur le règlement de la zone B3 du plan de prévention des risques d'inondation est entaché d'erreur de droit.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 septembre 2019, la commune de Palau-del-Vidre, représentée par la SCP HGetC, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens invoqués par M. et Mme D... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant M. et Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. M. D... a déposé, le 5 juillet 2016, une demande de permis de construire en vue de la régularisation de travaux d'extension, d'une surface de plancher totale de quarante-trois mètres carrés, d'une construction existante sur un terrain situé au lieu-dit " Els Pujols " sur le territoire de la commune de Palau-del-Vidre et classé en zone A du plan local d'urbanisme communal. Après avoir adressé à l'intéressé une demande de pièces complémentaires datée du 22 juillet 2016, le maire de Palau-del-Vidre lui a refusé la délivrance du permis de construire sollicité par un arrêté du 15 novembre 2016. M. et Mme D... relèvent appel du jugement du 9 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 22 juillet 2016 et de l'arrêté du 15 novembre 2016.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, le juge administratif a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision.
3. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le tribunal ne s'est pas fondé sur les éléments contenus dans la production de M. et Mme D... enregistrée le 14 septembre 2018, soit postérieurement à la clôture de l'instruction. D'autre part, si les appelants soutiennent que le jugement qu'ils attaquent serait entaché d'irrégularité faute pour le tribunal d'avoir rouvert l'instruction à la suite de la note en délibéré qu'ils ont produite, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette note en délibéré contiendrait l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont les intéressés n'étaient pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui serait susceptible d'avoir exercé une influence sur le jugement de l'affaire.
4. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme D..., les premiers juges ne se sont pas livrés à une analyse erronée du moyen tiré de l'illégalité du motif de refus fondé sur le règlement de la zone B3 du plan de prévention des risques d'inondation. En particulier, le tribunal ne saurait être regardé comme s'étant mépris sur la portée des écritures de première instance de M. et Mme D... en répondant, au point 17 du jugement attaqué, à l'une des branches de ce moyen " en supposant que les requérants aient entendu se prévaloir par voie d'exception de l'illégalité " de ce plan de prévention des risques d'inondation.
5. En troisième et dernier lieu, si M. et Mme D... invoquent les erreurs de droit ainsi que les dénaturations des pièces du dossier commises, selon eux, par les premiers juges, de telles critiques se rattachent au bien-fondé du jugement attaqué et non à sa régularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision du 22 juillet 2016 :
6. Il résulte des dispositions des articles L. 4242, R. 42319, R. 42322 et R. 42338 du code de l'urbanisme qu'une décision de permis de construire tacite naît à l'issue du délai d'instruction de la demande de permis de construire, en l'absence de notification d'une décision expresse de l'administration ou d'une demande de pièces complémentaires. Ce délai est interrompu par une demande de pièces manquantes adressée au pétitionnaire, à la condition toutefois que cette demande intervienne dans le délai d'un mois et qu'elle porte sur l'une des pièces limitativement énumérées par le code de l'urbanisme. Par ailleurs, si l'illégalité d'une demande tendant à la production d'une pièce qui ne peut être requise est de nature à entacher d'illégalité un refus tacite de permis né dans les conditions prévues par l'article R. 42339 du code de l'urbanisme, elle ne saurait avoir pour effet de rendre le pétitionnaire titulaire d'un permis tacite.
7. Il y a lieu d'écarter les moyens dirigés contre la décision du 22 juillet 2016 portant demande de pièces complémentaires par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal aux points 3 à 6 du jugement attaqué.
En ce qui concerne l'arrêté du 15 novembre 2016 :
8. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 6 et 7 que les requérants, qui n'établissent pas l'illégalité de la décision du 22 juillet 2016, ne sont, en tout état de cause, pas fondés à soutenir que l'arrêté de refus de permis de construire qu'ils contestent emporterait le retrait d'un permis tacite dont M. D... serait devenu titulaire. Par suite, ils ne sauraient utilement soutenir que ce prétendu retrait serait illégal faute d'avoir été précédé de la procédure contradictoire préalable requise, ni que les conditions de retrait fixées par l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme n'auraient pas été remplies.
9. En second lieu, en vertu de l'article A 1 du règlement du plan local d'urbanisme de Palau-del-Vidre, sont notamment interdites, dans la zone A, les " constructions à usage d'habitation (...) autres que celles visées à l'article A 2 (...) ". L'article A 2 du même règlement dispose que : " (...) sont admis : / Les habitations, sous réserve : a) qu'elles soient directement liées et nécessaires aux besoins de l'activité agricole ; / b) que le demandeur apporte la preuve d'un lien suffisant entre la construction, l'exploitation agricole et la nature de l'activité agricole existante ; / c) qu'elles ne puissent, après leur construction, être disjointes de l'exploitation (construction en contiguïté ou par aménagement ou extension des bâtiments existants) (...) ". L'article 2 des dispositions générales de ce règlement, librement accessible tant sur le site internet de la commune de Palau-del-Vidre que sur le site internet " Géoportail de l'urbanisme ", précise notamment que : " (...) les dispositions du présent règlement s'appliquent aux constructions nouvelles, aux modifications ou extensions de constructions existantes ainsi qu'aux changements de destination avec ou sans travaux (...) ".
10. Il résulte des dispositions citées ci-dessus des articles A 1 et A 2 du règlement du plan local d'urbanisme de Palau-del-Vidre que seules peuvent être autorisées, dans la zone A, les constructions destinées à l'habitation qui sont directement liées et nécessaires aux besoins de l'activité agricole, sous réserve du respect de certaines autres conditions. En l'absence de précision contraire du règlement sur ce point, ces dispositions sont applicables tant aux constructions nouvelles destinées à l'habitation qu'à l'extension des constructions existantes ayant une telle destination.
11. Pour refuser de délivrer le permis de construire sollicité par M. D..., le maire de Palau-del-Vidre s'est fondé sur un premier motif tiré de ce que, l'habitation n'étant pas directement liée et nécessaire aux besoins d'une activité agricole, le projet litigieux méconnaît l'article A 2 du règlement du plan local d'urbanisme communal. Il ressort des pièces du dossier que le projet en cause vise, pour l'essentiel, à régulariser des travaux d'extension réalisés de part et d'autre d'un bâtiment d'habitation ancien. En admettant même que ce bâtiment existant soit régulièrement implanté sur le terrain d'assiette, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que le projet litigieux consistant en l'extension de ce bâtiment est soumis au respect des conditions fixées par l'article A 2 du règlement du plan local d'urbanisme. M. et Mme D... n'établissent ni même n'allèguent que le bâtiment concerné par les travaux litigieux était, à la date de l'arrêté attaqué, directement lié et nécessaire aux besoins d'une activité agricole. A cet égard, si le maire de Palau-del-Vidre a notamment relevé, dans cet arrêté, que la surface des deux hectares d'oliviers plantés est " inférieure à la surface minimale d'installation pour ce type de culture ", cette seule mention ne saurait révéler une erreur de droit dès lors que cette autorité, qui a pris en compte d'autres éléments avant de retenir le motif énoncé ci-dessus, ne saurait être regardée comme ayant entendu opposer une condition non prévue par l'article A 2 du règlement du plan local d'urbanisme. Il en va ainsi quand bien même la notion de " surface minimale d'installation " avait été remplacée par celle de " surface minimale d'assujettissement " à la date de l'arrêté contesté. Dans ces conditions, et sans que les requérants puissent utilement invoquer le caractère limité des travaux d'extension en cause ainsi que la qualité de la rénovation du bâtiment existant réalisée en matériaux traditionnels, le maire de Palau-del-Vidre n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article A 2 du règlement du plan local d'urbanisme.
12. Il résulte de l'instruction que le maire de Palau-del-Vidre aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur le seul motif de refus tiré de l'article A 2 du règlement du plan local d'urbanisme. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu, pour la cour, de se prononcer sur les deux autres motifs de refus fondés, respectivement, sur l'article A 7 du même règlement et sur le règlement de la zone B3 du plan de prévention des risques d'inondation applicable sur le territoire de la commune de Palau-del-Vidre.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Palau-del-Vidre, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. et Mme D... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par la commune de Palau-del-Vidre.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Palau-del-Vidre au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... et Stéphanie D... et à la commune de Palau-del-Vidre.
Délibéré après l'audience du 30 mars 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Chazan, président,
- Mme Simon, président assesseur,
- M. C..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 avril 2021.
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N° 18MA05254