Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 18 mars, le 18 octobre, le 27 novembre et le 14 décembre 2020, la commune de Saint-Sauveur-Camprieu, représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 30 décembre 2019 ;
2°) de rejeter la requête de M. et Mme D... ;
3°) de mettre à la charge de M. et Mme D... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :
- la demande de première instance est irrecevable en raison de sa tardiveté dès lors que le courrier en date du 12 octobre 2017, adressé par M. et Mme D... et d'autres contribuables de la commune, qui ne constitue pas un recours gracieux, n'a pas eu pour effet de proroger le délai de recours à l'encontre du titre exécutoire du 25 août 2017 dûment notifié ;
- en toute hypothèse, la requête n'a pas été présentée dans un délai raisonnable au sens de la jurisprudence du Conseil d'Etat du 13 juillet 2016 " Czabaj " ;
- dans l'hypothèse où le courrier du 12 octobre 2017 devrait s'analyser comme un recours gracieux, la saisine du tribunal administratif serait en tout état de cause tardive dès lors que le rejet implicite de ce recours constitue une décision confirmative du titre exécutoire du 25 août 2017, qui, ayant été notifié le 25 août 2017, est définitif ;
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :
- c'est à tort que le tribunal a considéré que le dispositif de collecte en réseau d'assainissement faisait l'objet d'un entretien par la commune, financé par les usagers au moyen d'une redevance annuelle et que des frais de branchement étaient facturés aux propriétaires ;
- le réseau antérieur, qui n'était qu'un réseau de collecte des eaux usées ne présente pas le caractère d'un réseau d'assainissement collectif au sens des dispositions des articles L. 2224-8 et L. 2224-10 du code général des collectivités territoriales de sorte que les requérants n'étaient raccordés à aucun réseau d'assainissement collectif avant le 1er juillet 2012 ;
- les travaux entrepris en 2013 ont eu pour objet de créer un nouveau réseau d'assainissement, auquel les constructions du centre du village et du quartier des Poujadettes ont été raccordées ;
- la participation au financement de l'assainissement collectif est exigible lors du raccordement au nouveau réseau, ce qui est le cas en l'espèce ;
- l'article 30 de la loi du 14 mars 2012 prévoit que la participation au financement de l'assainissement collectif n'est pas exigible pour les propriétaires qui ont été astreints à verser la participation au raccordement à l'égout avant le 1er juillet 2012, ce qui n'est pas le cas de M. et Mme D... ;
- les bases de liquidation de la créance sont indiquées dans le titre exécutoire ;
- le signataire de ce titre exécutoire disposait d'une délégation régulière.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 octobre 2020, M. et Mme D..., représentés par Me G..., demandent à la Cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) à titre subsidiaire, de les décharger de l'obligation de payer la participation au financement de l'assainissement collectif et d'annuler le titre exécutoire émis pour avoir paiement de la participation au financement de l'assainissement collectif ;
3°) de mettre à la charge de la commune le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le courrier du 12 octobre 2017 constitue bien un recours gracieux dont la commune n'a pas accusé réception ;
- la requête, enregistrée devant le tribunal administratif moins d'un an avant la naissance de la décision implicite de rejet, n'est pas tardive ;
- la copie de la décision contestée a été produite devant le tribunal administratif ;
- la participation au financement de l'assainissement collectif n'est pas exigible en ce qui les concerne dès lors qu'ils étaient raccordés à un réseau de collecte des eaux usées avant le 1er juillet 2012, que les travaux entrepris en 2013 ont eu pour objet de moderniser, que la commune a effectivement entretenu le réseau, les usagers versant une redevance annuelle pour cet entretien, et que des frais de branchement ont été facturés aux propriétaires des constructions qui y étaient raccordés ;
- ni le titre exécutoire, ni le bordereau de titre de recettes ne comportent la signature du maire en violation de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales et de l'article L. 111 2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- le signataire du bordereau du titre de recettes était incompétent ;
- ses nom, prénom et qualité ne figurent pas sur le titre de recette ;
- le titre ne comporte pas d'indication des bases de liquidation ;
- ils n'ont pas l'obligation de payer la participation au financement de l'assainissement collectif.
Les parties ont été informées, par lettre du 7 décembre 2020 en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de l'irrecevabilité des moyens tirés de ce que le titre de recettes ou le bordereau de titre de recettes n'ont pas été signés par le maire, de l'absence sur le titre exécutoire des nom, prénom et qualité du signataire de ce titre et de ce que le titre ne comporte pas les bases de liquidation, dès lors qu'ils relèvent d'une cause juridique distincte de celle dont relevaient les moyens soulevés en première instance à l'appui des conclusions en annulation.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de M. Roux, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme D... sont propriétaires d'un bien à Saint-Sauveur-Camprieu. Par une délibération du 16 juillet 2015, le conseil municipal a instauré la participation pour le financement de l'assainissement collectif sur l'ensemble du territoire de la commune, en vue de financer des travaux entrepris en 2013 qui ont porté, notamment, sur le réseau de collecte des eaux usées et la mise en place d'une station d'épuration. Sur le fondement de cette délibération, un titre exécutoire correspondant au premier tiers de la participation a été émis le 25 août 2017. M. et Mme D..., ainsi que d'autres habitants de la commune, ont contesté l'obligation de payer cette participation par un courrier du 12 octobre 2017 adressé au maire de la commune, et resté sans réponse. A la suite du rejet implicite de cette contestation, M. et Mme D... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes de les décharger de l'obligation de payer la participation mise à leur charge et d'annuler le titre exécutoire du 25 août 2017. Par un jugement du 30 décembre 2019 dont la commune relève appel, le tribunal administratif de Nîmes a déchargé M. et Mme D... de cette obligation.
Sur la demande de décharge :
2. Aux termes de l'article L. 1331-2 du code de la santé publique : " Lors de la construction d'un nouveau réseau public de collecte ou de l'incorporation d'un réseau public de collecte pluvial à un réseau disposé pour recevoir les eaux usées d'origine domestique, la commune peut exécuter d'office les parties des branchements situées sous la voie publique, jusque et y compris le regard le plus proche des limites du domaine public (...) ". La même disposition prévoit que la commune est autorisée à se faire rembourser par les propriétaires intéressés tout ou partie des dépenses entraînées par les travaux de branchement au nouveau réseau. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 1331-7 du même code : " Les propriétaires des immeubles soumis à l'obligation de raccordement au réseau public de collecte des eaux usées en application de l'article L. 1331-1 peuvent être astreints par la commune, (...) pour tenir compte de l'économie par eux réalisée en évitant une installation d'évacuation ou d'épuration individuelle réglementaire ou la mise aux normes d'une telle installation, à verser une participation pour le financement de l'assainissement collectif. (...) Cette participation s'élève au maximum à 80 % du coût de fourniture et de pose de l'installation mentionnée au premier alinéa du présent article, diminué, le cas échéant, du montant du remboursement dû par le même propriétaire en application de l'article L. 1331-2. La participation prévue au présent article est exigible à compter de la date du raccordement au réseau public de collecte des eaux usées de l'immeuble, de l'extension de l'immeuble ou de la partie réaménagée de l'immeuble, dès lors que ce raccordement génère des eaux usées supplémentaires (...). "
3. Aux termes du II de l'article 30 de la loi du 14 mars 2012: " Le I est applicable aux immeubles qui ont été raccordés au réseau public de collecte des eaux usées à compter du 1er juillet 2012. Il ne s'applique pas aux immeubles pour lesquels les propriétaires ont été astreints à verser la participation prévue à l'article L. 1331-7 du code de la santé publique, dans sa rédaction antérieure à la publication de la présente loi. ".
4. Il résulte de ces dispositions que la participation pour le financement de l'assainissement collectif prévue à l'article L. 1331-7 du code de la santé publique qui s'est substituée, à compter du 1er juillet 2012, à la participation au financement du réseau public de collecte des eaux usées, a pour objet d'assurer le financement de la réalisation d'un réseau collectif d'assainissement et peut être imposée par la collectivité aux propriétaires des immeubles soumis à l'obligation de raccordement au réseau public de collecte des eaux usées en application de l'article L. 1331-1 du code de la santé publique, afin de tenir compte de l'économie qu'ils réalisent en évitant une installation d'évacuation ou d'épuration individuelle réglementaire ou la mise aux normes d'une telle installation. Pour les collectivités qui ont décidé d'instituer la participation pour le financement de l'assainissement collectif, cette participation est applicable aux immeubles raccordés au réseau public de collecte des eaux usées à compter du 1er juillet 2012.
5. Il résulte de l'instruction que la commune de Saint-Sauveur-Camprieu a établi, en 2011, un schéma directeur de l'assainissement prévoyant la création d'un réseau séparatif en lieu et place du réseau unitaire qui collectait à la fois les eaux usées et les eaux pluviales. Dans ce cadre, elle a prévu la création d'un réseau de collecte des eaux usées, entièrement nouveau, comportant la mise en place de deux collecteurs concernant le centre du village et le quartier des Poujadettes et le raccordement des habitations situées à proximité, ainsi qu'un dispositif de traitement des eaux collectées. Ces travaux ont été exécutés en 2013. Ce nouveau réseau comporte non seulement de nouvelles canalisations, mais aussi un tracé différent de celui de l'ancien réseau ainsi que cela ressort d'une part, de l'attestation de l'ingénieur chef de projet au sein de la société qui a exécuté les travaux, d'autre part, du schéma après travaux établi par la société Cereg. Si l'immeuble de M. et Mme D... était raccordé au réseau unitaire collectant notamment les eaux usées avant le 1er juillet 2012, il n'est pas contesté qu'il a été raccordé au nouveau réseau collectant spécifiquement les eaux usées, postérieurement au 1er juillet 2012. Dès lors, ils étaient assujettis au paiement de la participation au financement de l'assainissement collectif. La circonstance, à la supposer établie, que le raccordement à l'ancien réseau ait donné lieu à des frais de branchement et ait fait l'objet d'un entretien en partie mis à la charge de ses usagers, n'est pas de nature à dispenser les requérants de l'obligation de payer la participation au financement au nouveau réseau.
6. Il résulte de ce qui précède, que c'est à tort que le tribunal administratif de Nîmes s'est fondé sur le fait que le raccordement de M. et Mme D... à l'ancien réseau de collecte des eaux usées ne permettait pas de leur réclamer la participation au financement de l'assainissement collectif, en dépit de leur raccordement au nouveau réseau postérieurement au 1er juillet 2012.
7. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme D... devant la Cour.
8. M. et Mme D... ont fait valoir, devant le tribunal administratif de Nîmes, que l'ancien propriétaire de leur logement s'était acquitté d'une participation pour le raccordement à l'égout et qu'un même bien ne peut se voir imposer deux fois la même participation. Cependant, ainsi qu'il a été dit, le bien de M. et Mme D... a été raccordé à un réseau entièrement nouveau, pour lequel aucune participation n'a été versée depuis leur raccordement. Dans ces conditions, la circonstance, à la supposer établie, que l'ancien propriétaire du bien de M. et Mme D... ait acquitté une participation pour le raccordement à l'ancien réseau n'est pas de nature à les dispenser de l'obligation de payer la participation au financement du nouveau réseau.
9. Il résulte de ce qui précède que la commune de Saint-Sauveur-Camprieu est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a déchargé M. et Mme D... de l'obligation de payer la participation au financement de l'assainissement collectif.
Sur le titre exécutoire :
10. Si M. et Mme D... soutiennent que la preuve de la délégation de compétence régulièrement publiée au profit de M. C... n'est pas rapportée par la commune, il résulte de l'instruction que M. H... C..., premier adjoint au maire délégué aux affaires financières, bénéficiait bien, par un arrêté portant délégation de fonctions au premier adjoint du 10 février 2016, régulièrement publié le 23 février 2016, d'une délégation permanente de signature à l'effet " de signer les documents concernant les finances communales : titre de recettes, mandats de paiement, bordereaux et tous les courriers qui y sont relatifs ". Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire du bordereau du titre de recettes doit être écarté.
11. A l'appui de leurs conclusions en annulation du titre exécutoire du 25 août 2017, M. et Mme D..., se sont bornés, devant le tribunal administratif, à contester le bien-fondé de la participation au financement de l'assainissement collectif à laquelle correspond ce titre. Ils soulèvent, en appel, des moyens tirés de l'irrégularité de la signature du titre, et de l'insuffisante précision des bases de liquidation, qui se rattachent à la régularité du titre exécutoire. Ces moyens n'étant pas d'ordre public, et ne se rattachant pas à la même cause juridique que les moyens de première instance, lesquels relevaient du bien-fondé du titre exécutoire, sont, par suite, irrecevables.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce la somme que M. et Mme D... demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens soit mise à la charge de la commune de Saint-Sauveur-Camprieu, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, en revanche de mettre à la charge de M. et Mme D... une somme de 200 euros au titre des frais exposés par la commune de Saint-Sauveur-Camprieu et non compris dans les dépens. Enfin, la présente instance ne comportant pas de dépens, les conclusions de la commune de Saint-Sauveur-Camprieu tendant à la condamnation de M. et Mme D... aux dépens ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 30 décembre 2019 est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par M. et Mme D... devant le tribunal administratif de Nîmes et devant la Cour sont rejetées.
Article 3 : M. et Mme D... verseront à la commune de Saint-Sauveur-Camprieu une somme de 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la commune de Saint-Sauveur-Camprieu est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Sauveur-Camprieu et à M. et Mme E... D....
Délibéré après l'audience du 6 janvier 2021, où siégeaient :
- M. A..., président,
- Mme Simon, président assesseur,
- Mme F..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2021.
7
N° 20MA01272