Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 24 mars 2019 et un mémoire complémentaire enregistré le 1er juillet 2020, M. D..., représenté par Me Lenoir, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures, :
1°) d'annuler ce jugement du 5 octobre 2018 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 novembre 2016 du maire de Chalabre ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Chalabre la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, à verser à Me Lenoir, sous réserve qu'elle renonce au bénéficie de la contribution au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- en méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, le jugement attaqué mentionne un autre nom comme partie que celui du requérant ;
- l'avis de la commission d'accessibilité est entaché d'illégalité, car elle a méconnu sa compétence et elle aurait dû être consultée ;
- la décision d'examen au cas par cas rendue par le préfet de l'Aude concernant la réalisation d'une étude d'impact est entachée d'illégalité car il y a une différence notable entre le projet décrit dans la demande d'examen au cas par cas et celui décrit dans la demande de permis d'aménager ; le préfet n'a pas été informé de la réalisation d'une station d'épuration pour un équivalent de 75 EH ni de la reprise de la fosse septique existante et il n'a pas pu se prononcer en connaissance de cause ;
- le permis d'aménager méconnaît l'article NB 3 du règlement du plan d'occupation des sols applicable en zone NB g ;
- le permis d'aménager méconnaît l'arrêté du préfet de l'Aude du 28 octobre 2015 relatif à la sécurité des terrains de camping.
Par un mémoire enregistré le 26 juillet 2019, la commune de Chalabre, représentée par Me Jeanjean, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge du requérant de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 26 juillet 2019, M. C..., représenté par Me Jeanjean, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge du requérant de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 septembre 2019 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de l'environnement ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Portail,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me Borkowski, représentant la commune de Chalabre et M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. D... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 2 novembre 2016 par lequel le maire de la commune de Chalabre a délivré à M. C... un permis d'aménager portant sur un parc résidentiel de loisir et la construction d'une maison d'habitation pour gardiennage sur des parcelles cadastrées section B n° 255, 256, 352, 353, 407, 408, 436, 607, 609, 678, 682, 689, 691 au lieu-dit " Le Bourdil ", sur territoire de la commune. M. D... relève appel du jugement du 5 octobre 2018 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
Sur la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance :
2. Aux termes de l'article R. 600 2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de non opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424 15. ". L'article R. 424 15 du même code dispose : " Mention du permis explicite ou tacite ou de la déclaration préalable doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté ou dès la date à laquelle le permis tacite ou la décision de non opposition à la déclaration préalable est acquis et pendant toute la durée du chantier (...) ". Aux termes de l'article A. 424 16 de ce code : " Le panneau prévu à l'article A. 424 1 (1) indique le nom, la raison sociale ou la dénomination sociale du bénéficiaire, la date et le numéro du permis, la nature du projet et la superficie du terrain ainsi que l'adresse de la mairie où le dossier peut être consulté. /Il indique également, en fonction de la nature du projet : a) Si le projet prévoit des constructions, la superficie du plancher hors œuvre nette autorisée ainsi que la hauteur de la ou des constructions, exprimée en mètres par rapport au sol naturel ; b) Si le projet porte sur un lotissement, le nombre maximum de lots prévus ; c) Si le projet porte sur un terrain de camping ou un parc résidentiel de loisirs, le nombre total d'emplacements et, s'il y a lieu, le nombre d'emplacements réservés à des habitations légères de loisirs. d) Si le projet prévoit des démolitions, la surface du ou des bâtiments à démolir ".
3. En imposant que figurent sur le panneau d'affichage du permis de construire diverses informations sur les caractéristiques de la construction projetée, les articles R. 600-2, R. 424-15 et A. 424-16 du code de l'urbanisme ont pour objet de permettre aux tiers, à la seule lecture de ce panneau, d'apprécier l'importance et la consistance du projet, le délai de recours contentieux ne commençant à courir qu'à la date d'un affichage complet et régulier.
4. Il ressort du constat d'huissier produit en défense que l'affichage du permis d'aménager portait les mentions : " nature des travaux : aménagement d'un parc résidentiel de loisir, superficie terrain 9,5 hectares, superficie de plancher 1150 m².... ", et ne mentionnait pas le nombre d'emplacements réservés à des habitations légères de loisirs, en l'occurrence au nombre de 36. Cette omission a empêché les tiers d'apprécier l'importance et la consistance du projet et a fait ainsi obstacle au départ du délai de recours. La fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance en raison de sa tardiveté doit dès lors être écartée.
Sur le bien-fondé du jugement :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation : " Les travaux qui conduisent à la création, l'aménagement ou la modification d'un établissement recevant du public ne peuvent être exécutés qu'après autorisation délivrée par l'autorité administrative qui vérifie leur conformité aux règles prévues aux articles L. 111-7, L. 123-1 et L. 123-2. / (...) ". Selon l'article R. 123-2 du même code : " Pour l'application du présent chapitre, constituent des établissements recevant du public tous bâtiments, locaux et enceintes dans lesquels des personnes sont admises, soit librement, soit moyennant une rétribution ou une participation quelconque, ou dans lesquels sont tenues des réunions ouvertes à tout venant ou sur invitation, payantes ou non. / Sont considérées comme faisant partie du public toutes les personnes admises dans l'établissement à quelque titre que ce soit en plus du personnel ".
6. Le permis d'aménager autorisé par le maire de Chalabre porte sur des bâtiments ou installations formant un ensemble à vocation de loisirs avec une gestion unique. Cet ensemble est destiné à recevoir du public dans les conditions prévues à l'article R. 123-2 du code de la construction. En application des dispositions des articles R. 111-19-23 à R. 111-19-25 du code de la construction et de l'habitation, dans leur rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué portant permis d'aménager, l'autorité chargée d'instruire la demande de permis d'aménager doit consulter pour avis la commission d'accessibilité sur le projet au regard des règles d'accessibilité des personnes handicapées. Si le projet porte sur un établissement recevant du public dont certains bâtiments ont été réalisés en exécution d'un permis d'aménager délivré en 2001, il comporte de nouvelles constructions, en l'occurrence un local poubelles. En outre, la notice architecturale jointe au dossier de demande de permis d'aménager prévoit le rafraichissement des bâtiments accueil et sanitaires avec éventuellement révision de la structure Contrairement à l'avis rendu le 10 août 2016 par le directeur départemental des territoires et de la mer, le projet ne porte pas uniquement sur un logement de gardiennage et aurait dû être soumis à la sous-commission d'accessibilité. Et cette irrégularité a eu une incidence sur le sens de la décision attaquée. Le requérant est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a écarté le moyen tiré de l'absence de consultation de cette sous-commission.
7. En deuxième lieu, aux termes des deux premiers alinéas de l'article L. 122-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. - Les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements publics et privés qui, par leur nature, leurs dimensions ou leur localisation sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine sont précédés d'une étude d'impact. / Ces projets sont soumis à étude d'impact en fonction de critères et de seuils définis par voie réglementaire et, pour certains d'entre eux, après un examen au cas par cas effectué par l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement ". Aux termes du I de l'article R. 122-3 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Pour les projets relevant d'un examen au cas par cas en application de l'article R. 122-2, l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement, définie à l'article R. 122-6, examine, au regard des informations fournies par le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage, si le projet doit faire l'objet d'une étude d'impact ". Il ressort des pièces des que le préfet de l'Aude a, par une décision du 28 mai 2016, dispensé d'étude d'impact le permis d'aménager litigieux.
8. La décision du préfet de l'Aude de ne pas soumettre à étude d'impact le projet de permis d'aménager souligne que les impacts prévisibles du projet sur l'environnement ne devraient pas être significatifs compte tenu notamment de ce que le terrain d'implantation du village de vacances est déjà viabilisé. Toutefois, il ressort du dossier de demande de permis d'aménager que le projet prévoit la réalisation d'une station d'épuration d'une capacité de 75 EH, ce qui implique que le terrain n'est pas entièrement viabilisé. La décision de ne pas soumettre le projet à étude d'impact est dès lors entachée d'erreur de fait, et cette illégalité a eu une incidence sur le sens de la décision attaquée.
9. En troisième lieu, le moyen tiré de ce que le projet est desservi par une voie publique d'une largeur insuffisante au regard de l'arrêté du préfet de l'Aude du 28 octobre 2015 relatif à la sécurité des terrains de camping, qui ne concerne pas la règlementation d'urbanisme, est sans influence sur la légalité de la décision contestée.
10. En quatrième lieu, aux termes de de l'article NB3 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Chalabre, en vigueur à la date de l'arrêté en litige, " article NB 3- accès et voirie 1) Accès : Tout terrain enclavé est Inconstructible à moins que son propriétaire ne produise une servitude de passage suffisante Instituée en application de l'article 682 du code civil. Lorsque le terrain est riverain de deux ou plusieurs voles publiques, l'accès sur celle des voies qui présenterait une gêne ou un risque pour la circulation est interdit...Toute opération doit prendre le minimum d'accès sur les voies publiques. Les accès doivent être adaptés à l'opération et aménagés de façon à apporter la moindre gêne à la circulation publique. ".
11. Il ressort des pièces du dossier que l'accès à la résidence de loisirs, qui comportera 36 habitations légères de loisirs et des locaux d'accueil et de réunion des vacanciers, s'effectue sur une petite route de campagne de 2,7 mètres de large. La notice architecturale du projet précise " que " la voie principale prendra naissance près du bâtiment d'accueil avec une entrée et sortie séparées par un ilot décoré sur la voie communale. ". Si la commune de Chalabre produit une attestation du maire du 8 février 2018 indiquant que la commune s'engage à aménager la création d'accès de croisement pour permettre une circulation normale sur cette voie, en faisant référence à un courrier adressé à la direction départementale de l'équipement en 2001, elle n'a pas produit à l'instance ce courrier, qui est antérieur de 15 ans à la délivrance du permis d'aménager. La réalisation de cet équipement imprécis est dans ces conditions des plus incertaines. Eu égard à la taille du projet et à la largeur de la route d'accès, nonobstant l'avis favorable donné par le services départemental d'incendie et de secours, l'accès n'est pas adapté à l'opération. M. D... est fondé à soutenir que le permis d'aménager méconnaît l'article NB3 précité et à en demander l'annulation.
12. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'apparaît susceptible de fonder l'annulation de l'arrêté contesté.
13. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen relatif à la régularité de la procédure suivie devant les premiers juges, que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande et à demander l'annulation de ce jugement et de l'arrêté du 2 novembre 2016 portant permis d'aménager.
Sur les frais liés au litige :
14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Chalabre la somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 à verser à Me Lenoir, sous réserve qu'elle renonce au bénéficie de la contribution au titre de l'aide juridictionnelle. En revanche, il y a lieu de rejeter les conclusions de la commune de Chalabre et de M. C... fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 5 octobre 2018 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 2 novembre 2016 du maire de Chalabre portant permis d'aménager est annulé.
Article 3 : La commune de Chalabre versera à Me Lenoir la somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, à verser à Me Lenoir, sous réserve qu'elle renonce au bénéficie de la contribution au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à la commune de Chalabre, à M. B... C... et à Me Julie Lenoir.
Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Carcassonne.
Délibéré après l'audience du 14 septembre 2021 où siégeaient :
M. Portail, président par interim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Carassic, première conseillère,
- M. Point, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 septembre 2021.
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N°19MA01345