Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 5 février 2019, 23 mars 2020, 10 juillet 2020 et 22 septembre 2020, l'association Saint-Hilaire Durable, représentée par la SELARL 2AC2E, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 18 décembre 2018 ;
2°) à titre principal, d'annuler l'arrêté du 27 février 2017 et, à titre subsidiaire, d'annuler cet arrêté en tant que le permis d'aménager prévoit que les constructions édifiées sur les lots pourront recevoir des professions libérales non commerciales ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Hilaire-de-Brethmas une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le maire de Saint-Hilaire-de-Brethmas a commis une erreur manifeste d'appréciation en n'opposant pas un sursis à statuer à la demande de permis d'aménager de la SCI La Rouquette sur le fondement de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme ;
- le permis d'aménager en tant qu'il prévoit que les constructions édifiées sur les lots pourront recevoir des professions libérales non commerciales méconnaît les dispositions de l'article IIINA1du plan d'occupation des sols.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juin 2020, la SCI La Rouquette, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'association Saint-Hilaire Durable d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par l'association Saint-Hilaire Durable ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 septembre 2020, la commune de Saint-Hilaire-de-Brethmas, représentée par la SELAS d'avocats Circé, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'association Saint-Hilaire Durable d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme n'est pas fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de M. D..., représentant l'association Saint-Hilaire Durable, et de Me E..., représentant la commune de Saint-Hilaire-de-Brethmas.
Considérant ce qui suit :
1. L'association Saint-Hilaire Durable fait appel du jugement du 18 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 février 2017 par lequel le maire de Saint-Hilaire-de-Brethmas a délivré à la SCI La Rouquette un permis d'aménager pour la création d'un lotissement sur un terrain situé en zone IIINA au plan d'occupation des sols.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme dans sa version issue de l'ordonnance n° 2015-1174 du 23 septembre 2015, reprises du dernier alinéa de l'article L. 123-6 du même code : " A compter de la publication de la délibération prescrivant l'élaboration d'un plan local d'urbanisme, l'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 424-1, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan ".
3. La faculté ouverte par ces dispositions à l'autorité compétente de surseoir à statuer sur une demande d'autorisation d'urbanisme est donc subordonnée à la double condition que le projet litigieux soit susceptible de compromettre ou de rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan local d'urbanisme et que ce dernier ait atteint, à la date à laquelle elle statue, un état d'avancement suffisant.
4. Il ressort des pièces du dossier que par délibération du 21 juillet 2016, le conseil municipal de Saint-Hilaire-de-Brethmas, qui avait préalablement décidé de la révision du plan d'occupation des sols de la commune valant adoption du plan local d'urbanisme, a débattu des orientations du projet d'aménagement et de développement durables. Le premier axe de ce projet vise à l'organisation d'un " développement urbain raisonné et de qualité " et précise qu'il s'agit notamment de " maîtriser l'urbanisation " et d'urbaniser à l'intérieur de la limite de cohérence de l'enveloppe urbaine en évitant le mitage et l'étalement urbain ". Le deuxième a trait à l'amélioration " du cadre de vie en préservant l'environnement, les paysages et le patrimoine " ce qui implique notamment selon ce document de " préserver les paysages et les espaces naturels, valoriser les paysages et le patrimoine naturel de la commune et préserver les continuités écologiques ". Enfin, le troisième porte sur l'accompagnement du " développement économique de la commune " impliquant à la fois de " favoriser l'implantation de nouvelles activités économiques ", que ces activités soient situées sur les zones d'activités ou sur des sites particuliers sous réserve qu'elles restent compatibles avec l'habitat avoisinant et l'environnement mais également de " préserver l'activité agricole, protéger les terres agricoles et développer l'activité agricole ". Par ailleurs, dans le document de travail, sur la base duquel a eu lieu le débat sur le projet d'aménagement et de développement durables figurent des objectifs de modération de la consommation de l'espace fixée à 34 ha en quinze ans et indiquant que 20 ha étaient disponibles au sein des zones déjà urbanisées ainsi qu'une carte de synthèse des orientations du projet identifiant le terrain d'assiette du projet comme situé dans une zone représentée comme relevant de l'objectif de maintenir et développer les activités agricoles. Ainsi, et alors même que cette carte de synthèse est dénuée de valeur normative et que n'avait été établi aucun projet de règlement ni de zonage pour l'ensemble du territoire communal, l'état d'avancement des travaux d'élaboration de ce nouveau document d'urbanisme permettait, dès l'adoption du projet d'aménagement et de développement durable, de connaître le parti pris d'urbanisme des auteurs du plan local d'urbanisme qui avaient l'intention de lutter contre l'étalement urbain, de modérer la consommation des espaces à l'extérieur du périmètre des zones urbanisées, de préserver les paysages, et de soutenir et développer l'activité agricole, notamment en intégrant le terrain d'assiette du projet en future zone agricole. Si le comité de pilotage du PLU a décidé, lors d'une réunion du 11 janvier 2017 ayant pour but de préciser les attentes des élus pour l'écriture du règlement en fonction du zonage, de charger le bureau d'études de proposer un zonage spécifique sur le secteur de la Rouquette correspondant à l'usage actuel de la zone et que celui-ci a établi un pré-zonage dans le courant du mois de février 2017 classant le terrain d'assiette de la SCI la Rouquette en zone urbaine touristique, il ne ressort pas des pièces du dossier que ledit comité ait approuvé cette proposition du bureau d'études laquelle, de surcroît, méconnaît le parti pris d'urbanisme exprimé par les auteurs du PLU concernant cette zone dans le PADD. Dans ces conditions, à la date de la décision attaquée, le projet de la SCI La Rouquette qui entraînera l'urbanisation de 143 744 m² notamment destinés à la construction de résidences de tourisme et de loisir sur des terres agricoles de la commune, au coeur d'un secteur très peu bâti présentant un intérêt paysager identifié et se trouvant en dehors des parties urbanisées et éloigné de celles-ci, favorisant par suite un étalement urbain, la disparition d'une superficie importante de terres agricoles, une atteinte aux paysages et une surconsommation de l'espace en opposition avec le parti pris d'urbanisme et les orientations claires du PADD, est de nature à compromette l'exécution du futur plan. Il suit de là que, en s'abstenant d'user de la faculté, que lui ouvre l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme, de surseoir à statuer sur la demande dont il était saisi, le maire Saint-Hilaire-de-Brethmas a commis une erreur manifeste d'appréciation.
5. En second lieu, aux termes de l'article IIINA1 du règlement du plan d'occupation des sols de Saint-Hilaire-de-Brethmas " Sont admises, réalisées individuellement ou dans le cadre d'opération d'ensemble, et sous réserve du respect d'un schéma d'aménagement cohérent à l'échelle de la zone IIINA : Les constructions et les installations nécessaires aux activités de plein air, du tourisme et du loisir notamment : - les terrains de campagne et de caravanage,- les constructions légères de loisirs,- les parcs résidentiels de loisirs, Les parcs d'attractions et les aires de jeux ou de sports ouvertes au public, Les constructions nécessaires au fonctionnement, aux services ou au gardiennage des installations réalisées, Les équipements techniques nécessaires au fonctionnement des installations réalisées, les piscines. ". Et l'article IIINA2 du règlement dispose que : " Sont interdites toutes formes d'utilisation des sols non mentionnées à l'article IIINA1 ci-dessus ".
6. Il ressort des pièces du dossier que le projet de la SCI La Rouquette prévoit que si les lots A et B sont réservés aux activités de tourisme et de loisirs ainsi qu'aux résidences de vacances et de plein air, " toutefois les constructions édifiées sur ces lots pourront recevoir des professions libérales non commerciales ". Cette dernière destination n'entre cependant dans aucune des catégories limitativement énumérées à l'article IIINA1 précité. Par suite, l'appelante est également fondée à soutenir que le projet est illégal dans cette mesure.
7. Il résulte de ce qui précède que l'association Saint-Hilaire Durable est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 février 2017 et à demander l'annulation de cet arrêté et du jugement du tribunal.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'association Saint-Hilaire Durable, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse à la commune de Saint-Hilaire-de-Brethmas et à la SCI La Rouquette les sommes qu'elles demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Saint-Hilaire-de-Brethmas une somme de 2 000 euros en application de ces dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : L'arrêté du 27 février 2017 du maire de la commune de Saint-Hilaire-de-Brethmas et le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 18 décembre 2018 sont annulés.
Article 2 : La commune de Saint-Hilaire-de-Brethmas versera à l'association Saint-Hilaire Durable une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Saint-Hilaire-de-Brethmas et la SCI La Rouquette sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Saint-Hilaire Durable, à la commune de Saint-Hilaire-de-Brethmas et à la SCI La Rouquette.
Copie en sera adressée au procureur de la République près du tribunal judicaire d'Alès.
Délibéré après l'audience du 16 mars 2021, où siégeaient :
- M. Chazan, président,
- Mme A..., président assesseur,
- Mme B..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2021.
N° 19MA00564 5