Par un jugement n° 1303595 du 16 mai 2014, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 16 juillet 2014, le 21 décembre 2015, le 23 février 2016 et le 25 avril 2016, M. C..., représenté par la selarl Horus Avocats, demande à la Cour :
1°) à titre principal, d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 16 mai 2014 et lui renvoyer l'affaire ;
2°) à titre subsidiaire :
- d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 16 mai 2014 ainsi que la décision implicite du président de France Télécom rejetant son recours gracieux du 25 mars 2013 tendant à la reconstitution de sa carrière et à l'indemnisation de ses préjudices ;
- d'enjoindre à la société Orange, venant aux droits de France Telecom, de reconstituer sa carrière en le réintégrant au grade de chef de district, au 4ème échelon, à compter du 1er mai 1993 et de rétablir rétroactivement les promotions d'échelon jusqu'au 16 septembre 2007 ;
- de condamner la société Orange à lui verser la somme de 27 335,52 euros, représentant la perte de traitement qu'il a subie, après l'avoir indexée sur l'évolution annuelle du point d'indice et de procéder au versement des cotisations correspondantes au service des pensions de retraite de La Poste et de France Télécom, la somme de 10 000 euros, en réparation du préjudice subi du fait du retard pris pour reconstituer sa carrière, la somme de 30 000 euros, en réparation du refus illégal d'établir les listes d'aptitudes et des tableaux d'avancement depuis le 26 novembre 2004 et la somme de 70 232,39 euros en réparation du préjudice de retraite subi ;
3°) de mettre à la charge de la société Orange, outre les dépens, la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- à titre principal :
- les premiers juges ne se sont pas prononcés dans un premier temps sur son droit à obtenir la reconstitution de sa carrière ;
- le jugement n'a pas répondu à l'ensemble de ses conclusions telles celles qui tendaient à l'annulation du refus de son employeur de reconstituer sa carrière et à l'indemnisation de son préjudice de carrière ;
- le jugement est entaché d'une insuffisance de motivation ;
- l'annulation du jugement prononcée, l'affaire doit être renvoyée devant le tribunal afin de ne pas le priver d'un degré de juridiction ;
- à titre subsidiaire :
- le refus implicite de son employeur de reconstituer sa carrière est illégal au regard de l'arrêt du 7 juin 2011 de la cour administrative d'appel de Marseille ;
- il est fondé à solliciter la reconstitution de sa carrière en invoquant une illégalité sans avoir au préalable obtenu une annulation d'une décision par le juge de l'excès de pourvoir ;
- il est fondé, en tout état de cause, à solliciter la reconstitution de sa carrière dès lors qu'une décision de justice a reconnu qu'il a été privé d'une chance sérieuse de promotion et qu'une autre a annulé une décision du président de la société Orange rejetant implicitement la demande présentée par l'association de défense des intérêts des fonctionnaires de l'Etat P. et T. tendant à la mise en place d'un régime d'avancement propre au corps de reclassement ;
- il est fondé à se voir attribuer rétroactivement le grade de CDIS au 4ème échelon à compter du 1er mai 1993 ;
- l'annulation de la décision implicite de rejet implique le versement de la somme de 27 335,52 euros, en réparation de la perte de traitement subie entre le 1er mai 1993 et le 31 mars 2003 puis entre le 1er mai 2003 et le 16 septembre 2007 ;
- il est fondé à obtenir la réparation de son préjudice à hauteur de la somme de 10 000 euros résultant du retard pris par France Télécom pour reconstituer sa carrière dès lors que le lien de causalité entre le blocage fautif et son préjudice est patent ;
- il est fondé à obtenir la réparation de son préjudice né de la mise en oeuvre illégale des voies de promotions à compter du 26 novembre 2004 à hauteur de la somme de 30 000 euros dès lors que France Télécom n'a organisé qu'une seule voie de promotion, le concours, n'a pas respecté les règles relatives à la désignation des jurys de concours et d'examen, en l'absence de parité, et n'a pas procédé à la publicité exigée par les textes ;
- il est fondé à obtenir la réparation de son préjudice résultant de la minoration de ses droits à pension à hauteur de la somme de 70 232,39 euros, à parfaire, dans la mesure où il aurait dû atteindre le 10ème échelon du grade IN et seize mois d'ancienneté sur cet échelon au 7 septembre 2007 date de son départ à la retraite en cas de déroulement de carrière normal.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 18 juin 2015, le 29 janvier 2016, le 21 mars 2016, le 13 mai 2016 et le 6 juillet 2016, la société France Télécom Orange, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. C... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement n'est entaché d'aucune irrégularité ;
- aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Un mémoire a été présenté pour la société France Telecom Orange le 2 novembre 2016, et n'a pas été communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 90-568 du 2 juillet ;
- la loi n° 96-660 du 26 juillet 1996 ;
- le décret n° 72-420 du 24 mai 1972 ;
- le décret n° 90-1231 du 31 décembre 1990 ;
- le décret n° 92-932 du 7 septembre 1992 ;
- le décret n° 2004-1300 du 26 novembre 2004 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Massé-Degois,
- et les conclusions de M. Roux, rapporteur public.
1. Considérant que M. C..., fonctionnaire de l'Etat, agent des postes et télécommunications depuis l'année 1978 en qualité d'agent d'exploitation du service des lignes (AEXSL), a été promu au grade de conducteur de travaux en 1979, puis au grade de chef de secteur en 1987 à la suite de sa réussite au concours ouvert à ce titre ; qu'il a opté pour le maintien dans son corps d'origine en 1993 lors du changement de statut de son employeur ; qu'il a été admis à faire valoir ses droits à la retraite en 2007 ; que, par un arrêt du 7 juin 2011 devenu définitif, la cour administrative d'appel de Marseille a jugé que M. C... avait droit non seulement à une indemnité en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence à raison des fautes relevées, consistant à priver de manière générale les fonctionnaires " reclassés " de toute possibilité de promotion interne, mais qu'il pouvait être regardé également comme ayant été privé d'une chance sérieuse d'accéder au grade de chef de district à compter de l'année 1993 si des promotions avaient été organisées au bénéfice des fonctionnaires " reclassés " ; que, par ce même arrêt, la Cour a, en revanche, jugé que M. C... n'avait pas perdu de chance sérieuse d'être promu au grade d'inspecteur ; que le 25 mars 2013, M. C... a demandé au président de France Télécom, d'une part, qu'il soit procédé à la reconstitution de sa carrière à compter du 1er janvier 1993 au grade de chef de district, au 4ème échelon, avec rétablissement rétroactif des promotions d'échelon jusqu'au 16 septembre 2007, d'autre part, que lui soit versée la perte de traitement et de ses accessoires induite par cette reconstitution à hauteur de 27 335,52 euros, qu'il soit indemnisé, à hauteur de 10 000 euros, des préjudices subis du fait du retard pris pour procéder à la reconstitution de sa carrière, qu'il soit indemnisé, à hauteur de 30 000 euros, des préjudices subis du fait de l'illégalité du refus de France Télécom d'établir des listes d'aptitude et des tableaux d'avancement depuis le 26 novembre 2004 ; que M. C... relève appel du jugement du 16 mai 2014 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus implicite opposé à sa demande du 25 mars 2013 et à ce que la société Orange venant aux droits de France Telecom soit condamnée à lui verser les indemnités sollicitées ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que les premiers juges, après avoir rappelé que M. C... demandait l'annulation de la décision implicite de France Télécom rejetant sa demande préalable du 25 mars 2013, la reconstitution de sa carrière en tant que chef de district à compter du 1er mai 1993 jusqu'au 16 septembre 2007, la condamnation de France Télécom à lui payer 27 335,52 euros au titre de la perte de traitement et accessoires induit par cette reconstitution de carrière, 10 000 euros au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis du fait du retard pris pour reconstituer sa carrière, 30 000 euros en raison du refus illégal d'établir des listes d'aptitude et des tableaux d'avancement depuis le 26 novembre 2004 et 70 232 ,39 euros en réparation du préjudice financier de retraite et avoir qualifié ces demandes de " conclusions indemnitaires fondées sur les conséquences du fait qu'il devait être promu au grade chef de district dès le 1er mai 1993, puis nécessairement à celui d'inspecteur le 1er mai 2003 ", les a rejetées au motif que l'intéressé avait obtenu dans une instance précédente une juste réparation du préjudice de carrière subi ; qu'en outre, les conclusions à fin d'injonction dont le tribunal était également saisi ont été rejetées par le jugement attaqué au motif que le litige revêtait un caractère indemnitaire ; que, par suite, contrairement à ce que soutient M. C..., les premiers juges n'ont ni " dénaturé " ses écritures de première instance, ni omis de répondre à des conclusions ou moyens, ni entaché leur décision d'une insuffisance de motivation ;
Sur le fond :
En ce qui concerne la demande de reconstitution de carrière :
3. Considérant, d'une part, que les décisions administratives ne peuvent légalement disposer que pour l'avenir ; que, s'agissant des décisions relatives à la carrière des fonctionnaires ou des militaires, l'administration ne peut, en dérogation à cette règle générale, leur conférer une portée rétroactive que dans la mesure nécessaire pour assurer la continuité de la carrière de l'agent intéressé ou procéder à la régularisation de sa situation ;
4. Considérant, d'autre part, que ni la décision n° 266319 du 24 octobre 2005 par laquelle le Conseil d'Etat a annulé le refus du président de France Télécom de faire droit à une demande tendant à assurer aux fonctionnaires reclassés un avancement propre à leur corps de reclassement, ni l'arrêt précité n° 09MA01468 du 7 juin 2011 de la cour administrative d'appel de Marseille condamnant solidairement France Télécom et l'Etat, en raison des illégalités fautives commises, à indemniser M. C... de sa perte de chance sérieuse de promotion n'impliquent la reconstitution rétroactive de la carrière de l'intéressé ou la régularisation de sa situation ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C..., qui n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision implicite par laquelle le président de la société Orange venant aux droits de France Télécom a rejeté sa demande tendant à la reconstitution de sa carrière et à sa nomination rétroactive au 4ème échelon du grade de chef de district à compter du 1er mai 1993, n'est pas plus fondé, par voie de conséquence, à demander à ce qu'il soit enjoint au président d'Orange de reconstituer sa carrière en le réintégrant au 4ème échelon du grade de chef de district à compter du 1er mai 1993 ;
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :
6. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des points qui précèdent, qu'en refusant de reconstituer la carrière de M. C... et de le nommer rétroactivement dans le corps de chef de district à compter du 1er mai 1993, la société Orange, venant aux droits de France Telecom, n'a commis aucune illégalité fautive de nature à engager sa responsabilité ; que, par suite, les conclusions de M. C... à tendant obtenir la somme de 27 335,52 euros en réparation de la perte de traitement et des accessoires induite par la reconstitution de carrière après l'avoir indexée sur l'évolution annuelle du point d'indice et le versement des cotisations correspondantes au service des pensions de retraites de La Poste et de France Télécom ainsi que celles tendant à obtenir la somme de 10 000 euros au titre du préjudice qu'il allègue avoir subi du fait du retard pris dans la reconstitution de sa carrière ne peuvent qu'être rejetées de même que celles liées au montant de sa retraite ;
7. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 26 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 : " En vue de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent une proportion de postes susceptibles d'être proposés au personnel appartenant déjà à l'administration (...) non seulement par voie de concours selon les modalités définies au troisième alinéa (2°) de l'article 19 ci-dessus, mais aussi par la nomination de fonctionnaires (...) suivant l'une des modalités ci-après : 1° Examen professionnel ; 2° Liste d'aptitude établie après avis de la commission administrative paritaire du corps d'accueil, par appréciation de la valeur professionnelle et des acquis de l'expérience professionnelle des agents. Chaque statut particulier peut prévoir l'application des deux modalités ci-dessus, sous réserve qu'elles bénéficient à des agents placés dans des situations différentes. " ; qu'aux termes de l'article 19 de cette loi : " Les fonctionnaires sont recrutés par voie de concours organisés suivant l'une des modalités ci-après ou suivant l'une et l'autre de ces modalités : 1° Des concours ouverts aux candidats justifiant de certains diplômes ou de l'accomplissement de certaines études. (...); 2° Des concours réservés aux fonctionnaires de l'Etat (...) " ; qu'en vertu de l'article 10 de la même loi : " (...) Les statuts particuliers de corps interministériels ou communs à plusieurs départements ministériels ou établissements publics de l'Etat peuvent déroger, après avis du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat, à certaines des dispositions du statut général qui ne correspondraient pas aux besoins propres à l'organisation de la gestion de ces corps au sein de chacun de ces départements ministériels ou établissements. " ; qu'aux termes de l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de La Poste et à France Télécom : " Les dispositions de l'article 10 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée s'appliquent à l'ensemble des corps de fonctionnaires de La Poste et de France Télécom. " ;
8. Considérant, d'une part, que si M. C... soutient que France Telecom a commis une faute en raison de l'organisation d'une seule voie de promotion interne entre le 26 novembre 2004 et le 19 septembre 2007, date à laquelle il a fait valoir ses droits à la retraite, il n'allègue, toutefois, ni avoir présenté sa candidature au mode de promotion interne tel qu'organisé par la décision n° 14 du 2 juillet 2004 entre le 26 novembre 2004 et le 19 septembre 2007 ni que l'accès à l'un des concours internes organisés par France Télécom pour prétendre au bénéfice du grade d'inspecteur de catégorie A lui aurait été refusé ; qu'en s'abstenant, en outre, de produire aux débats ses fiches d'évaluation des années 2004 à 2007 de nature à établir la qualité de ses services au cours de cette période et ainsi à justifier le bénéfice probable d'une promotion, M. C... n'établit pas l'existence d'une perte de chance d'obtenir une promotion interne si des listes d'aptitude ou un examen professionnel avaient été mis en place par France Télécom dès le mois de novembre de l'année 2004 ; qu'enfin, M. C... n'apporte, concernant le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence qu'il soutient subir à raison de l'organisation d'une seule voie de promotion interne par France Telecom, aucune précision de nature à en établir l'existence et à permettre d'en évaluer la consistance ;
9. Considérant, d'autre part, que si M. C... soutient que la décision n° 14 du 2 juillet 2004 " relative aux modalités d'organisation des promotions des personnels fonctionnaires à FTSA " est irrégulière dès lors que la composition des jurys ne respecte pas l'équilibre entre les hommes et les femmes prescrit par les articles 20 bis, 26 bis et 58 bis de la loi du 11 janvier 1984, il est constant que cette décision qui prévoit que les jurys " doivent comprendre au moins trois membres d'un niveau hiérarchique supérieur à celui pour lequel la promotion est organisée ", n'implique pas pour autant le non respect du principe de représentation équilibrée entre les hommes et les femmes ;
10. Considérant, enfin, que si M. C... soutient que France Télécom ne procède, depuis 2004, à aucune mesure de publicité sur l'organisation du concours interne et les modalités de remise des candidatures, il résulte de l'instruction que l'entreprise a largement diffusé en son sein un document intitulé " la promotion des fonctionnaires titulaires d'un grade de reclassement ", et a permis à de nombreux agents " reclassés " de bénéficier d'une promotion dont le nombre a varié de 400 à 600 selon les années à compter de 2005 ; que, dès lors, le moyen manque en fait ;
11. Considérant que, par suite, la demande de M. C... tendant à la condamnation de la société Orange venant aux droits de France Telecom à lui payer 30 000 euros en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence qu'il allègue avoir subis du fait de la mise en oeuvre illégale des voies de promotions à compter du 26 novembre 2004 ne peut qu'être rejetée ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, tant ses conclusions aux fins d'injonction que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, en revanche et dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Orange au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société Orange sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C...et à la société Orange.
Délibéré après l'audience du 18 novembre 2016, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- M. Portail, président-assesseur,
- Mme Massé-Degois, première conseillère.
Lu en audience publique, le 6 décembre 2016.
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N° 14MA03135