Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 octobre 2016 et 27 janvier 2017, la SCI de l'Aire et du Cros, représenté par la société d'avocats Bedel de Buzareingues -B...- Blazy, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 21 septembre 2016 ;
2°) de rejeter la demande du préfet de l'Hérault ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'État les entiers dépens.
Elle soutient que :
- la demande du préfet était irrecevable dès lors que le courrier de notification du recours gracieux n'était pas accompagné de celui-ci ;
- l'adaptation mineure aux règles du plan d'occupation des sols accordée par le maire est légale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 décembre 2016, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête en soutenant que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité de la demande pour tardiveté, le recours gracieux du préfet reçu par la commune le 23 septembre 2015 ayant été exercé postérieurement à l'expiration, le 18 août 2015, du délai de recours contentieux et n'ayant pu de ce fait interrompre le délai de recours contentieux.
Par un mémoire, enregistré le 20 septembre 2018, le préfet de l'Hérault a présenté ses observations en réponse au moyen d'ordre public lesquelles ont été communiquées.
Par un mémoire, enregistré le 24 septembre 2018, la SCI de l'Aire et du Cros a présenté ses observations en réponse au moyen d'ordre public lesquelles ont été communiquées.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Simon,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant la SCI de l'Aire et du Cros et de M. A..., représentant le préfet de l'Hérault.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI de l'Aire et du Cros a demandé le 8 décembre 2014 au maire de la commune de Cazevieille un permis de construire afin de régulariser la construction d'une maison d'habitation réalisée en méconnaissance d'un précédent permis de construire délivré en 2006. Le refus qui lui a été opposé le 29 décembre 2014 a été retiré le 7 avril 2015. A la suite de la demande, reçue le 13 avril suivant par la commune, de la SCI tendant à ce que sa demande du 8 décembre 2014 soit à nouveau instruite, le maire a attesté le 30 juillet 2015 que cette SCI était titulaire depuis le 14 juin 2015 d'un permis de construire tacite. La SCI de l'Aire et du Cros relève appel du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 21 septembre 2016 qui, à la demande du préfet de l'Hérault, a annulé cette autorisation.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. En premier lieu et, d'une part, aux termes de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales : " Le représentant de l'Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article L. 2131-2 qu'il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission (...) ". Parmi les actes mentionnés par l'article L. 2131-2 de ce code figure, au 6° : " Le permis de construire et les autres autorisations d'utilisation du sol et le certificat d'urbanisme délivrés par le maire ". L'article R. 424-1 du code de l'urbanisme prévoit que, à défaut d'une décision expresse dans le délai d'instruction, qui n'est pas un délai franc, le silence gardé par l'autorité compétente vaut permis de construire. Aux termes de l'article L. 424-8 du même code : " Le permis tacite et la décision de non opposition à une déclaration préalable sont exécutoires à compter de la date à laquelle ils sont acquis ". Et l'article R. 423-7 du même code dispose : " Lorsque l'autorité compétente pour délivrer le permis ou pour se prononcer sur un projet faisant l'objet d'une déclaration préalable est le maire au nom de la commune, celui-ci transmet un exemplaire de la demande ou de la déclaration préalable au préfet dans la semaine qui suit le dépôt ". D'autre part, lorsque des dispositions législatives ou règlementaires ont prévu que le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande d'autorisation ou sur une déclaration pouvant donner lieu à une opposition de la part de l'administration fait naître, à l'expiration du délai imparti à l'administration pour statuer, une décision implicite d'acceptation et que la décision expresse prise dans ce délai sur la demande ou sur la déclaration est, soit légalement rapportée par l'autorité compétente, soit annulée pour excès de pouvoir par le juge, cette décision expresse disparaît rétroactivement. Cette disparition ne rend pas le demandeur ou le déclarant titulaire d'une autorisation tacite. En revanche, elle oblige en principe l'autorité administrative à procéder à une nouvelle instruction de la demande dont cette autorité demeure saisie, mais un nouveau délai de nature à faire naître une décision implicite d'acceptation ne commence à courir qu'à dater du jour de la confirmation de la demande par l'intéressé.
3. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 424-8 du code de l'urbanisme que le permis tacitement délivré devient exécutoire à la date à laquelle il est acquis, sans qu'il y ait lieu de rechercher s'il a été transmis au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement. Toutefois, les dispositions de cet article ne dérogent pas à celles de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, en vertu desquelles le préfet défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article L. 2131-2 qu'il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission. Une commune doit être réputée avoir satisfait à l'obligation de transmission, dans le cas d'un permis de construire tacite, si elle a transmis au préfet l'entier dossier de la demande de permis de construire en application de l'article R. 423-7 du code de l'urbanisme. Le délai du déféré court alors de la date à laquelle le permis est acquis ou, si la commune ne satisfait à l'obligation de transmission que postérieurement à cette date, à compter de la date de cette transmission. Dans l'hypothèse du retrait d'un refus de permis de construire, le délai du déféré à l'encontre d'un permis tacite ne court qu'à compter du jour où le préfet a reçu l'entier dossier de demande mais également a eu connaissance de la naissance de ce permis par la transmission soit de la confirmation de sa demande par le pétitionnaire soit du certificat prévu par l'article R. 424-13 du code de l'urbanisme.
4. En l'espèce, le délai de deux mois de nature à faire naître un permis tacite a commencé à courir à compter du 13 avril 2015, jour de la confirmation de sa demande par la SCI de l'Aire et du Cros et a expiré le 13 juin suivant à 0 heure rendant ainsi titulaire la pétitionnaire d'une autorisation implicite à cette date. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, et en particulier de la lettre de la commune du 15 juin 2015 d'accompagnement portant le cachet de réception de la préfecture, que le préfet a eu communication de l'entier dossier de demande de permis le 17 juin 2015 sans que celui-ci ne puisse utilement se prévaloir de la circonstance que ce dossier ne comporte aucun tampon ou poinçon de la préfecture au motif qu'il n'aurait pas été transmis par les services de la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) au service du contrôle de légalité. Toutefois, il ressort également des pièces du dossier que ce n'est que le 24 août 2015 que le préfet a reçu copie de la demande de réexamen de la société ainsi que le certificat attestant de la délivrance d'un permis de construire tacite. Si la commune a produit une attestation de l'adjointe au maire du 24 septembre 2018 certifiant avoir communiqué dès le 15 juin 2015 copie de la confirmation de la demande de la société, cette pièce, établie pour les seules besoins de la cause le jour de la réception des observations faites par le préfet en réponse au moyen d'ordre public soulevé par la cour et le lendemain de la mise en ligne par le rapporteur public du sens de ses conclusions et alors que tant en première instance que devant la Cour la commune a indiqué avoir communiqué cette lettre de confirmation le 24 août 2015, est dénuée de toute valeur probante. Dans ces conditions, le délai de recours ouvert au représentant de l'Etat dans le département pour déférer à la censure du juge administratif le permis de construire tacite en litige n'a commencé à courir que le 24 août 2015. Par suite, il n'était pas expiré le 23 septembre 2015 lorsque le préfet a exercé un recours gracieux à son encontre.
5. En second lieu, il résulte des dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme que c'est une copie du texte intégral du recours formé contre une autorisation individuelle d'urbanisme qui doit être notifiée à l'auteur de cette décision ainsi qu'au bénéficiaire de celle-ci. Lorsque le destinataire de cette notification soutient que le pli qui lui a été adressé ne comportait pas de copie du recours gracieux, il lui incombe d'établir cette allégation en faisant état des diligences qu'il aurait vainement accomplies auprès de l'expéditeur pour obtenir cette copie ou par tout autre moyen.
6. En l'espèce, comme il a été dit précédemment, le préfet de l'Hérault a formé contre la décision en litige un recours gracieux du 18 septembre 2015 qui a été notifié à la commune de Cazevieille le 23 septembre 2015. A cette même date du 18 septembre 2015, le préfet a adressé à la SCI de l'Aire et du Cros copie de ce recours. Ce courrier mentionnait explicitement qu'une copie de ce recours était jointe à cet envoi. Pour justifier de ce que la notification du recours gracieux qui lui a été adressée était en réalité incomplète, la SCI de l'Aire et du Cros fait valoir que, le 9 octobre 2015, une assistante de direction des sociétés orchestra et Prémaman-Baby 2000 a demandé par courrier électronique, pour le compte d'un des co-gérant de la SCI de l'Aire et du Cros, la copie du recours gracieux, celle-ci n'étant pas jointe, selon elle, au courrier le lui notifiant. L'agent en charge du dossier répondait alors que, d'une part, le recours gracieux avait été envoyé dans le même pli, et que d'autre part, il ne pouvait communiquer un tel document à des tiers et qu'il appartenait à la SCI ou à son conseil de formuler une telle demande. Le conseil de la SCI était informé, par l'assistante de direction précitée, de cette réponse le 14 octobre 2015 sans y donner toutefois de suite. Dans ces conditions, et au regard de la réponse de l'agent en charge du dossier, la SCI ne peut être regardée comme ayant effectué les diligences nécessaires pour obtenir communication de cette pièce et ne peut, par suite, opposer au préfet de l'Hérault que le recours gracieux n'aurait pas interrompu le délai de recours contentieux. Dès lors, la demande de première instance enregistrée le 7 janvier 2016, moins de deux mois après la réception par le préfet le 16 novembre 2015 de la décision de rejet par la commune de ce recours gracieux, n'était pas tardive ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal.
Sur le bien-fondé du jugement :
7. Aux termes de l'article 1 du règlement de la zone ND du plan d'occupation des sols de la commune de Cazevieille : " Ne sont admises que les occupations et utilisations du sol suivantes : 1) (...) Pour les Mas, Hameaux, ou métairies de Tourière (...), leur extension est autorisée dans la limite de 30 % des surfaces hors oeuvre existantes à la date d'approbation du POS et sous réserve : a) de ne pas modifier la destination initiale des lieux, b) et d'une extension réalisée : - soit en continu du bâti existant - soit par de nouvelles implantations distantes au maximum de 50 m des constructions existantes. ". En application de l'article L. 123-1-9 du code de l'urbanisme alors en vigueur : " Les règles et servitudes définies par un plan local d'urbanisme ne peuvent faire l'objet d'aucune dérogation, à l'exception des adaptations mineures rendues nécessaires par la nature du sol, la configuration des parcelles ou le caractère des constructions avoisinantes. ".
8. Le maire de la commune de Cazevieille a accordé à la SCI de l'Aire et du Cros un permis l'autorisant à implanter un bâtiment à 56 mètres des constructions existantes au bénéfice d'une adaptation mineure des règles d'implantation afin de permettre la préservation d'arbres à haute tige conformément à une recommandation donnée en 2007 par la commission d'urbanisme de la commune. Toutefois, d'une part, l'atteinte portée à l'article ND 1 est d'une importance telle qu'elle ne saurait être regardée comme une adaptation mineure. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier et en particulier des photographies produites que, alors que l'implantation autorisée ne conduit qu'à la préservation d'un seul arbre, la configuration de la parcelle n'aurait pas permis une implantation conforme à la règle posée par l'article ND 1, notamment en modifiant l'architecture du projet. En outre, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que cette implantation aurait été rendue nécessaire par la nature du sol ou le caractère des constructions avoisinantes Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont annulé le permis de construire en litige au motif tiré de la violation des dispositions de l'article ND 1 du règlement du plan d'occupation des sols. Dès lors, la SCI de l'Aire et du Cros n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé le permis de construire contesté.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
10. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la SCI de l'Aire et du Cros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SCI de l'Aire et du Cros est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière de l'Aire et du Cros et au ministre de la cohésion des territoires.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault et au maire de Cazevieille.
Délibéré après l'audience du 25 septembre 2018, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- Mme Simon, président-assesseur,
- Mme C..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 9 octobre 2018.
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N° 16MA03877