Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2016, Mme B..., représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 8 novembre 2016 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) d'annuler la décision du 10 juillet 2014 du maire de la commune de Théziers, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Théziers la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué a estimé à tort que la commune concluait dans sa lettre enregistrée le 18 août 2015 au rejet de la requête ;
- le tribunal aurait dû soulever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'incompétence négative du maire signataire de la décision en litige ;
- les trois motifs du maire ne peuvent fonder le certificat d'urbanisme en litige indiquant que l'opération qu'elle projette n'est pas réalisable ;
- le règlement du plan local d'urbanisme méconnaît l'article R. 123-8 du code de l'urbanisme, en ce qu'il classe en zone N naturelle des secteurs de la commune au seul motif illégal qu'ils sont soumis au risque d'inondation ;
- le classement dans sa totalité du terrain d'assiette du projet en zone N du PLU est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la desserte de la parcelle par les réseaux nécessite de simples travaux de raccordement et non l'extension de ces réseaux ;
- le tribunal n'a pas vérifié si le maire avait accompli les diligences prévues par l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme auprès du gestionnaire du réseau ;
- le maire ne justifie pas que le risque d'inondation porterait atteinte à la sécurité publique au sens de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.
La requête a été communiquée à la commune de Théziers qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Carassic,
- et les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... a déposé une demande de certificat d'urbanisme opérationnel afin de savoir si elle pouvait réaliser une villa et une piscine sur la parcelle cadastrée AL 523, d'une superficie 823 m², située à Massay sur le territoire de la commune de Théziers. Par la décision en litige du 10 juillet 2014, le maire de la commune lui a délivré un certificat d'urbanisme indiquant que le terrain objet de la demande ne pouvait pas être utilisé pour la réalisation de l'opération envisagée. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler ce certificat d'urbanisme. Par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Pour déclarer l'opération de construction d'une maison d'habitation et d'une piscine projetée par Mme B... non réalisable, le maire de Théziers s'est fondé sur trois motifs tirés de ce que, d'abord, le projet est situé en zone naturelle N du plan local d'urbanisme qui interdit les constructions nouvelles, ensuite, qu'il n'est pas desservi en eau, électricité et assainissement et que, enfin, par sa situation en zone inondable du Gardon, il porte atteinte à la sécurité publique au sens de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en augmentant la population dans la zone soumise au risque d'inondation.
3. En premier lieu, l'article R. 123-8 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors applicable prévoit que les zones naturelles et forestières sont dites " zones N " et que peuvent être classés en zone naturelle et forestière, " les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : a) soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; b) soit de l'existence d'une exploitation forestière ; c) soit de leur caractère d'espaces naturels (...) ". Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Ils peuvent être amenés, à cet effet, à classer en zone naturelle, pour les motifs énoncés à l'article R. 123-8, un secteur qu'ils entendent soustraire, pour l'avenir, à l'urbanisation. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.
4. Le règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Théziers définit le caractère de la zone naturelle ainsi : " La zone naturelle, dite N, est à protéger en raison de la grande qualité du site et des paysages, des sites d'intérêt archéologique, en outre elle permet de constituer le champ d'expansion des crues du Rhône et des ruisseaux de Tribes et du Briançon, étant de ce fait soumise au risque d'inondation pour partie. / Elle inclut aussi des quartiers où des habitations récentes ont été édifiées dans des secteurs inondables (...) ". L'article N1 de ce règlement interdit toutes les occupations et utilisations du sol à l'exception des constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif et des travaux et aménagements prévus à l'article N2. Il précise que, dans le secteur soumis à risque d'inondation, défini au document graphique n° 3 et comprenant la zone définie au plan de prévention des risques d'inondation "Confluence Rhône Gardon Briançon", sont en outre interdites toutes les occupations et utilisations du sol à l'exception de celles soumises à conditions prévues à l'article N2. Cet article N2 précise que sont autorisés sous conditions dans le secteur soumis à risque d'inondation notamment les seules surélévations des constructions et logements existants, les seules réhabilitations de logements existants et le changement de destination des locaux d'activités à condition de ne pas créer de logements.
5. Il ressort des pièces du dossier que le classement de la parcelle AL 523 en litige en zone naturelle N n'est fondé que sur sa seule situation dans le secteur soumis à risque d'inondation par le plan de prévention des risques d'inondation du Gard du bassin aval du Gardon, au sens de l'article N1 du règlement du plan d'occupation des sols, qui interdit pour ce motif les constructions nouvelles, sans aucunement répondre à l'objectif de protection soit des milieux naturels et des paysages, soit d'une exploitation forestière, soit des espaces naturels auquel est subordonnée, en vertu de l'article R. 123-8 du code de l'urbanisme, l'institution d'une zone N. En se fondant sur le seul caractère inondable de la zone où se situe la construction projetée et sans faire référence à la vocation de la zone N telle que prévue par l'article R. 123-8 du code de l'urbanisme, Mme B... est fondée à soutenir que le classement de sa parcelle en zone N par les auteurs du plan local d'urbanisme est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, et à exciper de son illégalité à l'appui de sa demande d'annulation du certificat d'urbanisme en litige qui lui a été délivré par le maire de la commune de Théziers. Elle est, par suite, fondée à soutenir que le maire ne pouvait légalement se fonder sur le classement de son terrain en zone N pour prendre la décision contestée.
6. En deuxième lieu, l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme alors en vigueur prévoit que : " Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés. (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'un permis de construire doit être refusé lorsque, d'une part, des travaux d'extension ou de renforcement de la capacité des réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou d'électricité sont nécessaires à la desserte de la construction projetée et, d'autre part, lorsque l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés, après avoir, le cas échéant, accompli les diligences appropriées pour recueillir les informations nécessaires à son appréciation.
7. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle en litige est entourée de constructions à usage d'habitation au sud et à l'ouest qui sont nécessairement desservies par les réseaux. Le maire ne produit aucun élément de nature à établir que les réseaux et équipements publics existants, auxquels la construction projetée pourrait être aisément raccordée, ou les équipements prévus susceptibles de desservir la parcelle en litige ne permettraient pas, sans extension ou renforcement, de desservir en eau, électricité et assainissement la construction projetée sur ce terrain. Par suite, c'est à tort que le tribunal a estimé que la parcelle AL 523 était insuffisamment desservie par les réseaux publics. Dès lors, Mme B... est fondée à soutenir que le maire de la commune de Théziers ne pouvait légalement, pour lui délivrer le certificat d'urbanisme en litige, se fonder sur ce second motif.
8. En troisième lieu, l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme prévoit que : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ". Le plan de prévention des risques inondation situe le terrain d'assiette du projet dans la zone de précaution R-U définie comme une "zone urbanisée exposée à un aléa résiduel en cas de crue supérieure à la crue de référence". Le règlement de cette zone permet de réaliser des travaux et projets nouveaux sous certaines prescriptions. En se bornant à soutenir que le projet porterait atteinte à la sécurité publique au sens de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en augmentant la population dans la zone soumise au risque d'inondation, la commune ne justifie pas de ce que celui-ci serait de nature à porter atteinte à la sécurité publique au sens de cet article. Par suite, Mme B... est fondée à soutenir que le maire de la commune de Théziers ne pouvait pas légalement, pour lui délivrer le certificat d'urbanisme en litige, se fonder sur ce troisième et dernier motif.
9. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Elle est, dès lors, fondée à demander tant l'annulation de ce jugement que de la décision du 10 juillet 2014 du maire de la commune de Théziers, ensemble la décision implicite rejetant le recours gracieux de Mme B....
Sur les frais liés au litige :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Théziers, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 8 novembre 2016 du tribunal administratif de Nîmes est annulé.
Article 2 : La décision du 10 juillet 2014 du maire de la commune de Théziers et la décision implicite rejetant le recours gracieux de Mme B... sont annulées.
Article 3 : La commune de Théziers versera la somme de 1 500 euros à Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B...et à la commune de Théziers.
Copie sera adressée au Procureur de la République près du tribunal de grande instance de Nîmes.
Délibéré après l'audience du 25 septembre 2018, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- Mme Simon, président-assesseur,
- Mme Carassic, première conseillère.
Lu en audience publique, le 9 octobre 2018.
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N° 16MA04868