Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 8 novembre 2017, Mme E..., représentée par la SCP d'avocats C...Clabeaut, demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 22 septembre 2017 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) d'annuler la décision du 6 octobre 2016 de la directrice générale du centre hospitalier universitaire de Nîmes ;
3°) d'enjoindre au centre hospitalier universitaire de Nîmes de prendre en charge ses arrêts de travail du 3 mai au 13 mai 2016 et du 13 juin au 24 juin 2016 au titre de la maladie imputable au service ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Nîmes la somme de 2 400 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa demande de première instance, qui exposait un moyen de légalité externe et un moyen de légalité interne, était motivée et n'était pas irrecevable ;
- le signataire de la décision en litige ne bénéficiait pas d'une délégation de signature ;
- la décision en litige, fondée sur des rapports de médecins généralistes, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2018, le centre hospitalier universitaire de Nîmes, représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme E... une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la demande de première instance de Mme E... était irrecevable en application de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;
- les conclusions d'appel de la requérante tendant à ce que le juge de l'excès de pouvoir reconnaisse ses arrêts de travail comme une rechute de sa maladie imputable au service sont présentées devant un juge incompétent pour en connaître ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par lettre du 19 septembre 2018, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et indiquant la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.
Une ordonnance du 18 décembre 2018, notifié à Mme E... le même jour à 14h37, a prononcé la clôture de l'instruction à la date de son émission, en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Un mémoire a été enregistré pour Mme E... le 18 décembre 2018 à 14h46, soit postérieurement à la clôture d'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Carassic,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant Mme E... et Me B..., représentant le centre hospitalier régional universitaire de Nîmes.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., adjoint administratif en poste au bureau des entrées du service des maladies respiratoires au centre hospitalier régional universitaire de Nîmes, a été atteinte en 2006 d'une péricardite rythmique d'origine virale. La commission de réforme, dans son avis du 27 novembre 2007, a reconnu cette pathologie comme imputable au service et a fixé sa date de guérison au 9 mars 2007. La requérante a fait une rechute en 2007, reconnue comme imputable au service, et en 2009, prise en charge au titre de la maladie ordinaire. Eu égard à l'apparition de troubles cardiaques en mai 2016, elle a dû interrompre son activité professionnelle du 3 mai 2016 au 13 mai 2016, puis du 13 juin 2016 au 24 juin 2016. Estimant que ces arrêts de travail résultaient d'une rechute de sa péricardite reconnue imputable au service, elle a demandé au centre hospitalier universitaire de Nîmes leur prise en charge au titre de la législation relative aux accidents de service. Par la décision en litige du 5 décembre 2016, la directrice générale du centre hospitalier a rejeté sa demande et a pris en charge ces arrêts de travail au titre des congés de maladie ordinaire. La requérante a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler cette décision. Par l'ordonnance attaquée, le président de la 2ème chambre a rejeté, sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, sa demande au motif qu'elle était entachée d'une irrecevabilité manifeste. La requérante relève appel de cette ordonnance.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. L'article R. 411-1 du code de justice administrative prévoit que : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les noms et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. ". Le premier juge, pour rejeter la demande présentée par Mme E..., l'a estimée irrecevable au regard de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, au motif que sa demande introductive d'instance ne contenait l'exposé d'aucun moyen de nature à venir au soutien de cette demande et qu'elle n'a été suivie d'aucun mémoire contenant de tel moyen avant l'expiration du délai de recours contentieux.
3. Toutefois, d'une part, la demande introductive d'instance de Mme E... était dirigée clairement, sur la première page de son mémoire, contre la décision du 5 décembre 2016, produite en annexe, rejetant sa demande d'imputabilité au service de ses deux arrêts de travail, alors même que la requérante demandait en fin de mémoire, à la suite d'une erreur matérielle, l'annulation d'une décision du 6 octobre 2016. D'autre part, cette demande invoquait sans ambigüité le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée et celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de cette décision au regard du défaut de spécialisation en cardiologie des médecins généralistes experts sur les rapports desquels s'était fondée la commission de réforme pour rendre son avis défavorable du 27 septembre 2016 à sa demande d'imputabilité au service de ses deux arrêts de travail, avis sur lequel s'est appuyé le centre hospitalier de Nîmes pour prendre la décision en litige. Dans ces conditions, sa demande introductive d'instance contenait des moyens à l'appui de ses conclusions identifiables. Dès lors, sa demande ne méconnaissait pas les dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative. Par suite, c'est à tort que le premier juge a rejeté comme irrecevable la demande dont il était saisi. L'ordonnance du 22 septembre 2017, qui est entachée d'irrégularité, doit, dès lors, être annulée.
4. Il y a lieu d'évoquer et, par là, de statuer en qualité de juge de première instance sur la demande présentée par Mme E... devant le tribunal administratif de Nîmes.
Sur les conclusions aux fins d'annulation du refus d'imputabilité au service des arrêts de travail de Mme E... :
5. Aux termes du deuxième alinéa du 2° de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 : " (...) si la maladie provient (...) d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ". Il résulte de ces dispositions que doivent être pris en charge au titre de l'accident de service les honoraires médicaux et frais directement entraînés par celui-ci, y compris, le cas échéant, s'ils sont exposés postérieurement à la date de consolidation constatée par l'autorité compétente.
6. Il ressort des pièces du dossier que pour prendre la décision en litige, le centre hospitalier s'est fondé sur les rapports médicaux de deux médecins généralistes agréés qui ont examiné la requérante à la demande du centre hospitalier. Le premier, daté du 27 juillet 2016, affirme qu'indépendamment de la péricardite virale reconnue en maladie professionnelle en 2006 et qui a été estimée guérie le 9 mars 2007, la requérante est traitée depuis 2007 pour des troubles du rythme cardiaque, qui ont récidivé en mai 2016 et conclut que ces troubles ne présentent pas de lien médicalement établi avec la péricardite d'origine virale reconnue imputable au service. Le second rapport, daté du 24 novembre 2016, de l'expert saisi par le centre hospitalier dans le cadre de la contestation par la requérante de l'avis défavorable du 27 septembre 2016 de la commission de réforme sur la prise en charge de ses arrêts de travail au titre d'une rechute, indique que la requérante présente, indépendamment de la péricardite, une cardiopathie rythmique d'allure bénigne d'origine indéterminée qui a pu être favorisée en 2007 par la péricardite d'origine virale "ce qui demeure incertain", se traduisant par des palpitations intempestives et conclut en affirmant que ces troubles du rythme cardiaque survenus en 2016 ne présentent pas de lien avec la péricardite reconnue comme imputable au service. Toutefois, il n'est pas contesté que la requérante ne présentait aucun antécédent cardiaque avant d'être victime en 2006 d'une affection cardiaque d'origine virale contractée dans l'exercice de ses fonctions. La requérante a été traitée depuis 2007 pour des troubles du rythme cardiaque et des palpitations intempestives, qui ont donné lieu à un traitement médicamenteux par son cardiologue jusqu'en novembre 2015. Ses arrêts de travail du 15 janvier 2007 au 9 mars 2007 ont été reconnus en lien avec la péricardite par la commission de réforme dans son avis du 27 novembre 2007 et imputables au service. En outre, la requérante produit un certificat médical daté du 21 juin 2016 de son cardiologue, qui la suit depuis l'année 2009, qui certifie que Mme E... est porteuse d'une "cardiopathie rythmique d'allure bénigne à la suite d'une péricardite" reconnue en 2006 comme maladie professionnelle et qu'elle a présenté en mai-juin 2016 une récidive d'arythmie avec dyspnée. Dans ces conditions, les troubles ayant donné lieu aux arrêts de travail en litige doivent être regardés comme présentant un lien direct et certain avec la pathologie initiale de la requérante reconnue imputable au service. Par suite, la requérante est fondée à soutenir que la décision en litige refusant de prendre en charge les arrêts de travail consécutifs à ces troubles au titre du régime des accidents de travail est entachée d'une erreur d'appréciation.
7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, que Mme E... est fondée à demander l'annulation de la décision du 6 octobre 2016 par laquelle la directrice générale du centre hospitalier universitaire de Nîmes a refusé de prendre en charge, au titre de la rechute de sa maladie déclarée imputable au service, ses arrêts de travail du 3 mai au 13 mai 2016 et du 13 juin au 24 juin 2016.
Sur les conclusions aux fins d'enjoindre au centre hospitalier universitaire de Nîmes de prendre en charge les arrêts de travail au titre de la maladie imputable au service :
8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".
9. Le présent arrêt, eu égard au motif qui le fonde, implique nécessairement que le centre hospitalier universitaire de Nîmes prenne une décision de reconnaissance des arrêts maladie de Mme E... pour les périodes du 3 mai 2016 au 13 mai 2016 et du 13 juin 2016 au 24 juin 2016 comme imputables au service. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au directeur du centre hospitalier universitaire de Nîmes de prendre cette mesure dans un délai d'un mois à compter de la notification au centre hospitalier universitaire de Nîmes du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une quelconque somme soit mise à la charge de Mme E..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Nîmes la somme de 2 000 euros à verser à la requérante au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1 : L'ordonnance du 22 septembre 2017 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Nîmes est annulée.
Article 2 : La décision du 6 octobre 2016 de la directrice générale du centre hospitalier universitaire de Nîmes est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au centre hospitalier de Nîmes, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, de reconnaître comme imputables au service les arrêts maladie de Mme E... pour les périodes du 3 mai 2016 au 13 mai 2016 et du 13 juin 2016 au 24 juin 2016.
Article 4 : Le centre hospitalier universitaire de Nîmes versera la somme de 2 000 euros à Mme E... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier universitaire de Nîmes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... E...et au centre hospitalier régional universitaire de Nîmes.
Délibéré après l'audience du 29 janvier 2019, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- Mme Simon, président-assesseur,
- Mme Carassic, première conseillère.
Lu en audience publique, le 12 février 2019.
4
N° 17MA04333