Par une requête, enregistrée le 7 novembre 2018, Mme E... D..., épouseC..., représentée par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 15 juin 2018 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 novembre 2017 par lequel le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et lui a interdit de retourner sur le territoire français durant une période d'un an ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois, sous astreinte de cent euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, de la somme de 2 000 euros en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré du défaut de base légale de la décision portant interdiction de retour en France ;
- ils ont omis de statuer sur le moyen tiré de la consultation obligatoire de la commission du titre de séjour au titre de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- sa présence en France depuis 2007 étant attestée par les trois demandes d'asile qu'elle a déposées et qui ont été instruites d'août 2007 à juin 2012, par son admission au séjour de juin à septembre 2012 et par une nouvelle demande d'asile en 2015, le préfet devait saisir la commission du titre de séjour avant de prendre l'arrêté contesté ;
- l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant interdiction de retour a été prise sur une base illégale ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la procédure introduite en première instance n'était pas dilatoire et c'est à tort que le tribunal a décidé le retrait du bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 février 2019, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme D...épouse C...ne sont pas fondés.
Mme D...épouse C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 7 septembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Slimani,
- et les observations de MeA..., substituant MeB..., représentant Mme D... épouseC....
Considérant ce qui suit :
1. MmeD..., épouseC..., ressortissante arménienne née en 1959, a sollicité le 23 octobre 2017, auprès des services de la préfecture de l'Hérault, son admission au séjour. Le 20 novembre 2017, le préfet de l'Hérault a pris à son encontre un arrêté portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français durant une période de un an. Par le jugement du 15 juin 2018 dont Mme D...épouse C...relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et a retiré l'aide juridictionnelle accordée à l'intéressée.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Dans sa requête enregistrée au greffe du tribunal administratif, l'intéressée a soulevé le moyen tiré du défaut de la consultation obligatoire de la commission du titre de séjour au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort de l'examen du jugement attaqué que si le tribunal administratif a répondu au moyen tiré du défaut de consultation de la commission du titre de séjour au regard des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du même code, il n'a, toutefois, pas répondu à ce moyen au regard des dispositions de l'article L. 313-14 de ce code, qui n'était pas inopérant. Le tribunal a ainsi entaché son jugement d'irrégularité.
3. Par suite, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen de régularité du jugement attaqué, Mme C...est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué. Il y a lieu d'évoquer et, par-là, de statuer en qualité de juge de première instance sur la demande présentée par l'intéressée devant le tribunal administratif de Montpellier.
Sur la légalité de l'arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire attaqué :
4. En premier lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) " et aux termes des dispositions de l'article L. 313-11 du code de 1'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit (. . .). 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".
5. Si MmeD..., épouseC..., fait valoir qu'elle réside en France depuis l'année 2007 avec son époux, lequel est en situation irrégulière, chez un de ses fils titulaire d'une carte de résident, que ses filles résident également sur le territoire national en situation régulière, elle a vécu la plus grande partie de sa vie dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de 48 ans et ne justifie pas d'une insertion professionnelle réussie en France alors que, par ailleurs, l'intéressée a fait l'objet de six refus d'admission au séjour, assortis de mesures d'éloignement, non exécutées, prononcés à son encontre les 17 avril 2009, 28 janvier 2010, 28 septembre 2012, 21 août 2013, 30 juillet 2015 et le 12 septembre 2016. Tous les recours à l'encontre de ces décisions ont été rejetés par la juridiction administrative. En outre, elle ne fait état d'aucune circonstance faisant obstacle à ce que sa cellule familiale se reconstitue dans son pays d'origine. Ainsi, compte tenu de la durée et des conditions de son séjour sur le territoire national, l'arrêté contesté n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris. Cet arrêté n'a dès lors méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En deuxième lieu, l'état de santé de son époux n'est pas de nature à démontrer que la décision attaquée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que l'intéressée ne produit aucune pièce suffisamment probante attestant de la nécessité impérative pour son époux de rester en France afin de bénéficier d'un traitement médical.
7. Enfin, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) ".
8. Mme D...épouse C...n'établit pas sa présence continue en France dix ans au moins avant la date de l'arrêté en litige. Par suite, alors même que le préfet s'est prononcé sur le droit de l'intéressée à une éventuelle admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-14 au titre des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels, le moyen selon lequel le préfet aurait dû soumettre sa demande pour avis à la commission du titre de séjour doit être écarté.
Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire national pendant un an :
9. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) / / La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français / (...) ".
10. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.
11. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
12. D'une part, si la décision attaquée ne fait pas mention d'une menace pour l'ordre public, elle analyse toutefois les conditions du séjour en France de la requérante et les refus de titre de séjour dont elle a fait l'objet et sa motivation atteste de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressée qui est mariée à un compatriote en situation irrégulière et qui s'est maintenue sur le territoire français irrégulièrement malgré six refus de délivrance d'un titre de séjour, de l'ensemble des critères prévus par la loi. Ainsi, elle est suffisamment motivée.
13. D'autre part, eu égard aux conditions du séjour en France de l'appelante, telles que décrites précédemment, et au fait qu'elle n'a pas exécuté plusieurs mesures d'éloignement, le préfet de l'Hérault n'a pas méconnu les dispositions précitées ni entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en prenant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
14. Enfin, si l'intéressée soutient que l'autorité préfectorale ne pouvait pas prendre la décision portant interdiction de retour dès lors qu'un délai de départ volontaire d'un mois lui a été octroyé, il résulte des dispositions citées au point 9 que lorsque l'étranger n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour satisfaire à cette obligation, ainsi qu'il a été dit au point 13, il appartient au préfet d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Par suite, le moyen tiré du défaut de base légale de la décision en litige doit être écarté.
15. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 20 novembre 2017 présentées par Mme C...doivent être rejetées. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat au titre des frais non compris dans les dépens et versée à Me B...sur le fondement des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 15 juin 2018 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme D...épouse C...devant le tribunal administratif de Montpellier est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme D...épouse C...est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D... épouseC..., au ministre de l'intérieur et à MeB....
Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 26 février 2019, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- Mme Simon, président-assesseur,
- M. Slimani, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 mars 2019.
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N° 18MA04733