Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2016, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 15 décembre 2015 du magistrat délégué du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler les arrêtés du 10 décembre 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) en tout état de cause, de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la somme de 1 800 euros.
Il soutient que :
- le premier juge ayant substitué un motif qui n'a pas été évoqué dans les débats et sur lequel il n'a pas été mis à même de présenter ses observations, le jugement attaqué est, pour ce motif, irrégulier ;
- la motivation de l'arrêté portant obligation de quitter sans délai le territoire français ne répond pas aux exigences de la loi du 11 juillet 1979 ;
- l'arrêté en litige, qui a été pris dans le but exclusif de faire obstacle à son mariage avec une ressortissante française, est entaché de détournement de pouvoir et méconnaît les articles 8 et 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'arrêté portant assignation à résidence n'est ni motivé, ni justifié.
Par un courrier du 2 septembre 2016 adressé en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les parties ont été informées de la date ou de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et de la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
Un avis d'audience portant clôture immédiate de l'instruction a été émis le 10 novembre 2016.
Par lettre du 25 novembre 2016, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen d'ordre public relevé d'office, portant sur l'annulation de l'arrêté portant assignation à résidence par voie de conséquence de l'annulation prononcée par le premier juge.
Par mémoire, enregistré le 30 novembre 2016, M. A... a fait part à la Cour de ses observations sur le moyen relevé d'office par la Cour.
Un mémoire a été présenté par le préfet des Pyrénées-Orientales, le 1er décembre 2016, postérieurement à la clôture de l'instruction.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 avril 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Busidan,
- et les conclusions de M. Roux, rapporteur public.
1. Considérant que M. A..., ressortissant algérien né le 13 juin 1981, a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de deux arrêtés du 10 décembre 2015 pris à son encontre par le préfet des Pyrénées-Orientales, portant, pour l'un, obligation de quitter sans délai le territoire français, et pour l'autre, assignation à résidence au domicile de la ressortissante française avec laquelle il projetait de se marier ; que, par jugement rendu le 15 décembre 2015, le magistrat délégué auprès du tribunal administratif de Montpellier a annulé le refus du préfet des Pyrénées-Orientales d'octroyer un délai de départ volontaire à M. A... et a rejeté le surplus des conclusions de l'intéressé ; que M. A..., qui relève appel de ce jugement, doit être regardé comme en demandant l'annulation seulement en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à l'annulation de la mesure d'éloignement et de l'assignation à résidence ;
Sur les conclusions tendant à l'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 25 avril 2016 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Marseille ; que, par suite, les conclusions de l'appelant tendant à ce que la Cour l'admette à l'aide juridictionnelle provisoire ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Considérant que, pour écarter le moyen tiré du détournement de pouvoir tenant à ce que la mesure d'éloignement n'aurait eu pour but que d'empêcher le mariage de M. A... avec une ressortissante française, le magistrat délégué a mentionné, au point 5 du jugement attaqué, que l'intéressé pouvait épouser en Algérie la ressortissante française avec laquelle il projetait de se marier et faire transcrire ensuite son mariage sur les registres de l'état-civil français ; que, ce faisant, le premier juge n'a pas fondé la mesure d'éloignement en litige sur un motif nouveau et autre que celui présenté par l'administration, tenant à l'irrégularité du séjour de l'intéressé sur le territoire français, mais s'est borné à écarter un moyen de M. A... ; que, par suite, l'appelant n'est pas fondé à prétendre que le premier juge aurait effectué d'office une substitution de motifs et que le jugement attaqué serait irrégulier pour ce motif ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
4. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté en litige mentionne de nombreux éléments de fait propres à la situation personnelle du requérant et cite les textes dont il fait application ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté en litige doit être écarté ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que pas plus en appel qu'en première instance, M. A... ne verse au dossier d'éléments étayant la relation de concubinage prétendue avec la ressortissante française qu'il envisageait d'épouser ; que, selon les déclarations figurant au procès-verbal d'audition du 10 décembre 2015 versé au dossier de première instance, il se présente comme célibataire et sans enfant et admet s'être maintenu en situation irrégulière sur le territoire français depuis l'expiration du visa d'un mois sous l'empire duquel il serait entré en France le 8 novembre 2013 ; que, dans ces conditions, et compte tenu notamment des conditions et de la durée du séjour en France de M. A..., le préfet des Pyrénées-Orientales, en prenant la mesure d'éloignement en litige, n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise ; qu'ainsi, il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui protègent un tel droit ; que, pour les mêmes motifs, la mesure d'éloignement en litige n'est entachée d'aucune erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'il est constant que le procureur de la République a sursis au mariage de M. A... avec une ressortissante française ; qu'ainsi, c'est dans le cadre d'instructions transmises par le procureur de la République que les services de la direction départementale de la police aux frontières (SPAF) ont procédé à une enquête sur la réalité de l'intention matrimoniale de l'intéressé ; que l'irrégularité de son séjour en France a été constatée à l'occasion des déclarations de M. A... effectuées devant l'officier de police judiciaire de la SPAF de Perpignan le 10 décembre 2015 ; que, quand bien même il a pris l'obligation de quitter le territoire français en litige ce même jour sans attendre la décision du procureur de la République, le préfet des Pyrénées-Orientales, par cette décision, a voulu mettre fin à la situation irrégulière de M. A... sur le territoire, et non pas contrecarrer son mariage ; que, par suite, doivent être écartés les moyens tirés de ce que la mesure d'éloignement serait entachée de détournement de pouvoir ou méconnaîtrait l'article 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, selon lequel " A partir de l' âge nubile, l'homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois nationales régissant l' exercice de ce droit " ;
En ce qui concerne l'assignation à résidence :
7. Considérant qu'en raison des effets qui s'y attachent, l'annulation pour excès de pouvoir d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, emporte, lorsque le juge est saisi de conclusions recevables, l'annulation par voie de conséquence des décisions administratives consécutives qui n'auraient pu légalement être prises en l'absence de l'acte annulé ou qui sont en l'espèce intervenues en raison de l'acte annulé ; qu'il en va ainsi, notamment, des décisions qui ont été prises en application de l'acte annulé et de celles dont l'acte annulé constitue la base légale ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable à la date de la décision en litige : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1 l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. (...) " ; que l'article L. 551-1 du même code alors en vigueur disposait : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé " ;
9. Considérant que le premier juge a annulé la décision par laquelle le préfet des Pyrénées-Orientales avait refusé d'accorder à M. A... un délai de départ volontaire ; que cette décision constituait, en vertu des dispositions combinées des articles précités du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la base légale de l'arrêté portant assignation à résidence ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen soulevé par M. A... contre cette dernière mesure, cette assignation à résidence doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus d'accorder à M. A... un délai de départ volontaire ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 décembre 2015 portant assignation à résidence ; qu'il est, dès lors, fondé à demander, dans cette mesure, la réformation du jugement attaqué et l'annulation de cet arrêté ;
Sur les conclusions en injontion :
11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas.// Si la décision de ne pas accorder de délai de départ volontaire ou la décision d'assignation à résidence est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin rappelle à l'étranger son obligation de quitter le territoire français dans le délai qui lui sera fixé par l'autorité administrative en application du II de l'article L. 511-1 ou du sixième alinéa de l'article L. 511-3-1. Ce délai court à compter de sa notification. " ; qu'en vertu des dispositions qui précèdent, l'exécution du présent arrêt n'a d'autre effet que la fin de l'assignation à résidence de M. A...; que par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint sous astreinte au préfet des Pyrénées-Orientales de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour doivent être rejetées ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
12. Considérant que M. A...étant la partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : L'arrêté du 10 décembre 2015 du préfet des Pyrénées-Orientales portant assignation à résidence de M. A... est annulé.
Article 2 : Le jugement du 15 décembre 2015 du magistrat délégué du tribunal administratif de Montpellier est réformé en ce qu'il est contraire à l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet des Pyrénées-Orientales.
Délibéré après l'audience du 2 décembre 2016, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- M. Portail, président assesseur,
- Mme Busidan, première conseillère.
Lu en audience publique, le 16 décembre 2016.
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N° 16MA00178