Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 4 mai 2018, M. C..., représenté par Me B... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 3 avril 2018 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 juin 2017 du préfet de l'Hérault ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention "commerçant", dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans le délai de 8 jours à compter de la notification du présent arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les pièces jointes au mémoire en défense du préfet de première instance auraient dû être écartées des débats en application de l'article R. 611-8-2 alinéa 5 du code de justice administrative ;
- le refus de changement de statut est insuffisamment motivé en droit ;
- il se fonde sur l'avis défavorable du maire sans préciser le fondement juridique qui justifie cette demande d'avis du maire par le préfet ;
- le préfet s'est cru à tort lié par l'avis négatif du maire sans procéder à un examen réel de sa situation ;
- le préfet s'est fondé sur l'alinéa 2 de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'il a demandé ce changement de statut sur le fondement de l'alinéa 3 de cet article ;
- ce refus litigieux est entaché d'une erreur de fait ;
- il est entaché d'une erreur de droit dès lors qu'il se fonde sur des motifs d'urbanisme étrangers à la condition de respect de la réglementation en vigueur dans le domaine d'activité en cause prévue par le 3° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il remplit les conditions prévues par le 3° de cet article pour se voir délivrer un titre de séjour portant la mention "entrepreneur/profession libérale" ;
- cette décision et l'obligation de quitter le territoire français sont entachées d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 janvier 2019, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France ;
- le décret n° 2016-1456 du 28 octobre 2016 pris pour l'application de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 et portant diverses dispositions relatives à l'entrée, au séjour et au travail des étrangers en France ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Carassic a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., de nationalité marocaine, a demandé le 26 juillet 2016 au préfet de l'Hérault son changement de statut de "stagiaire", qu'il avait obtenu sur le fondement de l'article L. 313-7-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en "commerçant" en vue de la création et de l'exploitation en France d'une succursale d'une entreprise de transport de marchandises implantée au Maroc. Par l'arrêté en litige du 19 juin 2017, le préfet a refusé de lui délivrer ce titre de séjour, lui fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Le tribunal administratif de Montpellier, par le jugement attaqué dont le requérant relève appel, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 19 juin 2017.
Sur le bien fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction résultant de l'article 12 de la loi du 7 mars 2016 : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : / (...)2° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée déterminée ou dans les cas prévus aux articles L. 1262-1 et L. 1262-2 du même code, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 dudit code. Cette carte est délivrée pour une durée identique à celle du contrat de travail ou du détachement, dans la limite d'un an. Elle est renouvelée pour une durée identique à celle du contrat de travail ou du détachement. Elle porte la mention " travailleur temporaire " / 3° Pour l'exercice d'une activité non salariée, économiquement viable et dont il tire des moyens d'existence suffisants, dans le respect de la législation en vigueur. Elle porte la mention " entrepreneur/ profession libérale " (...). ". Aux termes de l'article R. 313-16-1 du même code, dans sa rédaction résultant de l'article 8 du décret du 28 octobre 2016 : " Pour l'application du 3° de l'article L. 313-10, l'étranger qui demande la carte de séjour temporaire portant la mention " entrepreneur/ profession libérale " doit présenter à l'appui de sa demande, outre les pièces mentionnées aux articles R. 311-2-2 et R. 313-1, les justificatifs permettant d'évaluer, en cas de création, la viabilité économique de son projet. En cas de participation à une activité ou une entreprise existante, il doit présenter les justificatifs permettant de s'assurer de son effectivité et d'apprécier la capacité de cette activité ou de cette société à lui procurer des ressources au moins équivalentes au salaire minimum de croissance correspondant à un emploi à temps plein. Dans tous les cas, l'étranger doit justifier qu'il respecte la réglementation en vigueur dans le domaine d'activité en cause. Lorsqu'il envisage d'exercer une activité réglementée, il justifie en outre satisfaire aux conditions d'accès à l'activité en cause ". Ces dispositions, qui sont entrées en vigueur le 1er novembre 2016, s'appliquent en vertu du VI de l'article 67 de la loi du 7 mars 2016, aux demandes pour lesquelles aucune décision n'est intervenue à cette date d'entrée en vigueur. Par suite, ces dispositions s'appliquent à la demande de M. C..., créateur de l'activité en litige, qui a demandé son changement de statut en tant qu'"entrepreneur/profession libérale", alors même qu'il a sollicité ce changement le 26 juillet 2016, soit antérieurement à l'entrée en vigueur de ces dispositions.
3. Il ressort des pièces du dossier que M. C... s'est inscrit en France dans un centre de formation, pour laquelle il a obtenu un visa D de long séjour "stagiaire" valable du 22 décembre 2015 au 22 décembre 2016 afin de suivre une formation permettant d'obtenir l'attestation de capacité professionnelle à diriger de manière permanente et effective une activité de transport et a obtenu ce diplôme. Il a immatriculé le 7 septembre 2016 sa future entreprise au registre du commerce et des sociétés. Dans le cadre de sa demande de changement de statut, la direction générale des finances publiques a émis un avis favorable le 22 septembre 2016 sur la viabilité de la société. Il ressort des termes mêmes de la décision en litige que le préfet, pour refuser le changement de statut sollicité par le requérant, s'est uniquement fondé sur l'avis défavorable du 4 janvier 2017 émis par le maire de la commune de Saint-Jean de Védas, commune d'implantation du projet de la création d'entreprise de transport de M. C..., que l'administration avait sollicité sur le fondement du 2° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, "afin que le maire se prononce sur la conformité de l'établissement créé ayant une activité liée au transport des marchandises". Le maire a motivé son avis défavorable sur la circonstance que, d'une part, le terrain de stockage des véhicules de transport de l'entreprise projetée était situé en zone naturelle du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune et en zone bleue et rouge de précaution du plan de prévention des risques d'inondation, que, d'autre part, ce terrain avait fait l'objet antérieurement d'abattages d'arbres et d'exhaussements de sols sans autorisation. La méconnaissance de cette réglementation d'urbanisme de la commune, à la supposer même établie, ne peut être regardée comme une méconnaissance de la réglementation en vigueur dans le domaine de l'activité des transports au sens de l'article R. 313-16-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le requérant est fondé à soutenir que le préfet, auquel il appartenait de se prononcer sur l'ensemble des critères prévus par le 3° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a commis une erreur de droit en estimant que le requérant ne remplissait pas, pour ce seul motif, les conditions exigées par le 3° de cet article et à demander l'annulation de l'arrêté en litige.
4. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête qui ne sont pas de nature à entraîner également l'annulation de l'arrêté en litige ni sur la recevabilité des pièces produites par le préfet, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande. Il est, dès lors, fondé à demander tant l'annulation de ce jugement que de l'arrêté en litige du 19 juin 2017 du préfet de l'Hérault. Par voie de conséquence, l'obligation de quitter le territoire français en litige et la décision fixant le pays de destination sont dépourvues de base légale et doivent, dès lors, être annulées.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ".
6. Compte tenu du motif retenu par le présent arrêt, alors qu'aucun autre moyen n'est de nature à entraîner également l'annulation de l'arrêté contesté, et en l'absence de tout changement dans les circonstances de fait et de droit, l'annulation de l'arrêté en litige n'implique pas nécessairement que le préfet de l'Hérault délivre la carte de séjour "entrepreneur/profession libérale " à M. C..., mais implique seulement qu'il se prononce à nouveau sur la demande du requérant. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Hérault de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
7. Il a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 3 avril 2018 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 19 juin 2017 du préfet de l'Hérault est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de réexaminer la situation de M. C... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. C... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'intérieur et au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 28 mai 2019, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- Mme Carassic, première conseillère,
- Mme D..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 18 juin 2019.
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N°18MA02126