Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 et 17 novembre 2017, M. C..., représenté par la SCP DESSALCES, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 10 octobre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 mai 2017 du préfet de l'Hérault ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault, à titre principal, de lui délivrer, sous peine d'astreinte de 100 euros par jour de retard, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et, à titre subsidiaire, de procéder à une nouvelle instruction de sa demande dans un délai de deux mois sous peine d'astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à son conseil qui renonce dans ce cas à percevoir la part contributive de l'Etat due au titre de l'aide juridictionnelle et, si l'aide juridictionnelle ne lui est pas accordée, à lui verser ladite somme.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce que les conditions posées par l'article L. 732-1 du code de justice administrative n'étaient pas remplies ;
S'agissant de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
- le préfet aurait dû consulter la commission du titre de séjour eu égard aux dispositions tant de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que de l'article L. 313-14 du même code ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa demande ;
- ce refus est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation ;
- il méconnaît tant les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français
- elle est entachée d'erreur de droit en ce que le préfet s'est cru en compétence liée pour édicter une telle mesure ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
S'agissant de l'interdiction de retour sur le sol français pendant une durée de un an :
- cette mesure est manifestement excessive.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mai 2018, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête en soutenant que les moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés.
M. D...C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 janvier 2018.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Simon a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 18 mai 2017, le préfet de l'Hérault a rejeté la demande de titre de séjour que lui avait présentée le 20 avril précédent M.C..., ressortissant marocain, sur le fondement de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours mentionnant le pays de destination ainsi que d'une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de un an. M. C...fait appel du jugement du 10 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 732-1 du code de justice administrative : " Dans des matières énumérées par décret en Conseil d'Etat, le président de la formation de jugement peut dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, d'exposer à l'audience ses conclusions sur une requête, eu égard à la nature des questions à juger. ". Pour l'application de ces dispositions, l'article R. 732-1-1 du même code fixe la liste des contentieux dans lesquels une telle dispense est possible, dont ceux relatifs à l'entrée, au séjour et à l'éloignement des étrangers, à l'exception des expulsions ;
3. Il résulte de ces dispositions que le président de la formation de jugement peut, après examen du dossier par le rapporteur public, le dispenser, sur sa proposition, de prononcer à l'audience des conclusions sur une requête entrant dans le champ d'application de l'article R. 732-1-1. S'il appartient au juge d'appel et, le cas échéant, au juge de cassation, saisi d'un recours dirigé contre un jugement rendu dans ces conditions, de vérifier que le litige relevait de l'un des contentieux mentionnés à l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative, il ne peut en revanche être utilement soutenu en appel ni en cassation que les particularités de la requête ne permettaient pas de dispenser le rapporteur public de prononcer des conclusions. Par suite, le moyen soulevé par M.C..., et tiré de ce qu'en raison des particularités de sa requête, le rapporteur public du tribunal ne pouvait être dispensé de prononcer des conclusions à l'audience ne peut qu'être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le refus de délivrance d'un titre de séjour :
4. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté en litige que, contrairement à ce que soutient l'appelant, le préfet n'a pas mis en doute le fait qu'il est le père des trois enfants de Mme A...mais s'est borné à constater qu'il n'en apportait pas la preuve au stade de l'instruction de son dossier de demande. Dans ces conditions, le moyen tiré du défaut d'examen réel et sérieux de sa demande doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " et aux termes de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : ... 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L.311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République.". L'article R.313-21 du même code dispose : " Pour l'application du 7º de l'article L.313-11, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de la vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine. ". Par ailleurs, il appartient au préfet, saisi d'une demande de titre de séjour par un étranger en vue de régulariser sa situation, de vérifier que la décision de refus qu'il envisage de prendre ne comporte pas de conséquences d'une gravité exceptionnelle sur la situation personnelle de l'intéressé et n'est pas ainsi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
6. D'une part, M.C..., qui a fait l'objet de refus de séjour assortis de mesures d'éloignement les 9 mars 2000 et 20 septembre 2012 et d'arrêtés de reconduite à la frontière les 10 mai 2001 et 31 juillet 2007, ne justifie pas par les seules pièces qu'il produit, essentiellement des documents médicaux et bancaires, qu'il réside habituellement sur le sol français depuis 1999. D'autre part, il n'est pas contesté que l'appelant ne réside pas avec la mère de ses trois enfants et ceux-ci. Dans ces conditions, et alors que l'intéressé ne peut utilement se prévaloir de la circulaire ministérielle du 28 novembre 2012 laquelle est dépourvue de valeur réglementaire, le préfet de l'Hérault, en prenant la décision de refus contestée, n'a pas, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, porté une atteinte au respect de sa vie privée et familiale disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris, et n'a, par suite, méconnu ni les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché son refus d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.
7. En dernier lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 312- 2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent les conditions prévues aux articles L. 313-11, L. 314-11, L. 314-12 et L. 431-3 et auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non du cas de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Or, pour les motifs indiqués au point 6, M. C...ne remplissait pas les conditions prévues par ces dispositions. Ainsi, le préfet n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour précitée avant de rejeter sa demande. Le moyen tiré du vice de procédure à raison du défaut de saisine de cette commission préalablement à l'édiction de l'arrêté en litige doit, dès lors, être écarté.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, aux termes du I de l'article L 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger (...) ".
9. Il ressort des pièces du dossier que le préfet a procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressé avant de prendre la mesure contestée et ne s'est pas cru en compétence liée par le refus d'admission au séjour prononcé le même jour.
10. En deuxième lieu, en l'absence d'argumentation spécifique au soutien de la contestation de l'obligation de quitter le territoire français, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6.
11. En dernier lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : "Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale". Il résulte de ces dispositions, qui peuvent utilement être invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
12. L'appelant qui, comme il a été dit au point 6, ne réside pas avec ses trois enfants, ne justifie pas par ailleurs entretenir une quelconque relation avec eux. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que la mesure en litige méconnaît les stipulations précitées.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le sol français pendant une durée de un an :
13. Aux termes du III de l'article L 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence des cas prévus au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de uitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français.(...) ".
14. En l'espèce, eu égard aux conditions de séjour du requérant telles qu'exposées précédemment et compte tenu en particulier des mesures d'éloignement déjà prononcées à son encontre, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que le préfet de l'Hérault a décidé d'interdire à M. C...de retourner sur le territoire français pendant une durée de un an.
15. Il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 mai 2017. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...C..., au ministre de l'intérieur et à la SCP DESSALCES.
Copie pour information en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 9 octobre 2018, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- Mme Simon, président-assesseur,
- MmeB..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 23 octobre 2018.
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N° 17MA04331