Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 2 février 2015, et des pièces et mémoires complémentaires enregistrés respectivement les 14 et 15 décembre 2015, Mme A... demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 23 décembre 2014 ;
2°) d'enjoindre au recteur de l'académie d'Aix-Marseille de la réintégrer dans ses fonctions avec les conséquences de droit, de reconstituer sa carrière et de régulariser sa situation financière, notamment en ce qui concerne le paiement des congés et des cotisations de retraite, et d'établir des fiches de paie rectifiées, dans un délai de 15 jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens, y compris la somme de 35 euros au titre de la contribution pour l'aide juridictionnelle versée en première instance.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier car le tribunal a soulevé d'office le fait que le préavis de licenciement prévu par les articles 46 et 47 du décret du 17 janvier 1986 n'est que d'un mois ;
- le jugement est irrégulier car le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce qu'elle n'avait pas bénéficié d'une formation adaptée à un enseignement dans un collège difficile ;
- elle n'a pas disposé d'un délai suffisant pour préparer sa défense entre la consultation de son dossier, et l'entretien préalable ;
- la circonstance que la commission administrative paritaire a siégé en formation disciplinaire a vicié la procédure car elle s'est défendue en pensant s'exposer à une sanction, et non à un licenciement pour insuffisance professionnelle ;
- étant en service depuis 2001, le préavis était de deux mois ; et ce préavis court à compter de la réception de la lettre de licenciement ; en outre, elle avait droit à 1,5 jours de congés puisqu'elle a été sous contrat 15 jours en septembre 2013; la combinaison des articles 10 du décret du 17 janvier 1986 et 1er du décret du 26 octobre 1984 imposent de rajouter deux jours au délai de préavis ;
- elle n'a pas bénéficié d'une formation pour enseigner à des élèves en établissements difficiles, de sorte qu'il ne peut lui être reproché une insuffisance professionnelle ;
- la décision de licenciement est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Un courrier du 24 août 2015 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
Par un mémoire, enregistré le 13 novembre 2015, et un mémoire complémentaire, enregistré le 29 décembre 2015, la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- la requérante a disposé d'un délai suffisant pour présenter sa défense ;
- la procédure devant la commission administrative paritaire a été régulière ;
- la requérante pouvait prétendre à un préavis limité à un mois ;
- en tout état de cause, le non respect du préavis ne rend illégale la décision de licenciement qu'en tant qu'elle prend effet avant l'expiration du délai de préavis, qui court à compter de la notification de la lettre de licenciement ;
- le licenciement pour insuffisance professionnelle était fondé.
Un avis d'audience portant clôture immédiate de l'instruction a été émis le 15 janvier 2016.
Un mémoire, présenté pour Mme A..., été enregistré le 18 janvier 2016, après la clôture de l'instruction.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la lettre du 15 janvier 2016 portant à la connaissance des parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, un moyen d'ordre public sur lequel la Cour serait susceptible de fonder d'office sa décision, tiré de l'irrecevabilité des conclusions aux fins d'exécution portant sur le paiement de congés annuels non pris, qui relèvent d'un litige distinct du litige principal.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Portail,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Mme A... ;
1. Considérant que Mme A... a été engagée par le recteur de l'académie d'Aix-Marseille, en qualité d'enseignante en lettres modernes non titulaire en contrat à durée déterminée, à compter de 2001 ; que le 27 juin 2012, le recteur de l'académie d'Aix-Marseille a conclu avec Mme A..., au nom de l'Etat, un contrat à durée indéterminée, à effet du 13 mars 2012, en qualité de professeur contractuel chargée d'assurer un service d'enseignement de lettres modernes à temps complet ; que, par arrêté du 13 septembre 2013, le recteur de l'académie d'Aix-Marseille a prononcé le licenciement de Mme A... pour insuffisance professionnelle à effet du 13 novembre 2013 ; que Mme A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler cette décision, ainsi que la décision du 26 septembre 2013 par laquelle le recteur de l'académie d'Aix-Marseille a rejeté son recours gracieux ; que, par un jugement du 23 décembre 2014, dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ;
2. Considérant que l'article 46 du décret susvisé du 17 janvier 1986 dispose : " L'agent recruté pour une durée indéterminée ainsi que l'agent qui, engagé à terme fixe, est licencié avant le temps fixé, a droit à un préavis qui est de : - huit jours pour les agents qui ont moins de six mois de services ; - un mois pour ceux qui ont au moins six mois et moins de deux ans de services ; - deux mois pour ceux qui ont au moins deux ans de services(...) " ;
3. Considérant, d'une part, qu'il résulte des dispositions précitées que la durée du préavis doit être déterminée en prenant en compte l'ensemble de la durée des services d'un agent non titulaire engagé en contrat à durée indéterminée qui fait l'objet d'un licenciement, y compris, le cas échéant, les services accomplis dans le cadre de contrats à durée déterminée avant que ne soit conclu un contrat à durée indéterminée ; que Mme A... ayant été recrutée par contrats à durée déterminée successifs depuis 2001, avant d'être recrutée en contrat à durée indéterminée à compter du 13 mars 2012, elle avait droit, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Nîmes, à un préavis de deux mois ;
4. Considérant, d'autre part, que le délai de préavis débutait le premier jour suivant celui de la notification de la lettre de licenciement ; qu'il est constant que la décision prononçant le licenciement de Mme A..., datée du 13 septembre 2013, lui a été notifiée le 16 septembre 2013 ; que le préavis expirait donc le 17 novembre 2013 ; que la décision attaquée, qui mentionne que le licenciement interviendra le 13 novembre 2013, a donc méconnu ce préavis ; qu'il suit de là que, faute d'avoir été précédée d'un tel préavis, la décision prise par le recteur de l'académie d'Aix-Marseille de licencier Mme A... est entachée d'illégalité ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement en litige, ni les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ; qu'elle est, dès lors, fondée à demander tant l'annulation de ce jugement que des décisions du recteur de l'académie d'Aix-Marseille en date des 13 septembre et 26 septembre 2013 ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ;
7. Considérant que le présent jugement implique nécessairement que le recteur de l'académie d'Aix-Marseille procède à la réintégration de Mme A... dans ses fonctions à compter du 13 novembre 2013 et à la reconstitution de sa carrière, notamment en ce qui concerne les cotisations de retraite; qu'il y a lieu de lui adresser une injonction en ce sens et d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction du prononcé d'une astreinte ; que, par contre, ce jugement n'implique pas l'obligation d'établir des feuilles de paie pour la période où Mme A... a été irrégulièrement évincée du service ; que par ailleurs, la demande de l'intéressée tendant au paiement de congés relève d'un litige distinct du présent litige, de sorte que les conclusions en ce sens ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme globale de 350 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de celles de l'article R. 761-1 relatives aux dépens, consistant en l'espèce à la contribution pour l'aide juridique acquittée par Mme A... en première instance ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 23 décembre 2014 du tribunal administratif de Nîmes et les décisions susvisées des 13 et 26 septembre 2013 du recteur de l'académie d'Aix-Marseille sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au recteur de l'académie d'Aix-Marseille de procéder à la réintégration de Mme A... dans ses fonctions d'enseignante non titulaire en lettres modernes, à compter du 13 novembre 2013, et à la reconstitution de sa carrière, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 350, (trois cent cinquante) euros à Mme A... en application des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et au recteur de l'académie d'Aix-Marseille.
Délibéré après l'audience 5 février 2016, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- M. Portail, président-assesseur,
- M. Argoud, premier conseiller;
Lu en audience publique, le 26 février 2016.
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N° 15MA00430