Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 22 juin 2018, la commune d'Orthoux-Sérignac-Quilhan, représentée par la SCP d'avocats Margall-D'Albenas, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 23 mai 2018 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) de rejeter la demande de M. A... ;
3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le classement de la parcelle A n° 380 en zone agricole n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'article R. 123-7 du code de l'urbanisme n'exige pas que soit démontré le potentiel agricole de la parcelle en litige ;
- la situation de la parcelle à proximité d'une vaste zone agricole exploitée justifie ce classement ;
- la coupure d'urbanisation constituée par la voie ferrée crée un compartiment distinct de celui du hameau d'Orthoux situé en limite d'urbanisation au sens de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme ;
- ce classement respecte l'objectif de protection des espaces agricoles défini au point 5 du projet d'aménagement et de développement durables (PADD) ;
- le zonage en litige est cohérent avec le rapport de présentation du plan local d'urbanisme ;
- elle s'en rapporte à ses écritures de première instance s'agissant de sa réponse aux moyens de légalité externe invoqués par M. A....
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2018, M. A..., représenté par la SCP d'avocats Fontaine et Floutier associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable à défaut pour la commune d'établir qu'elle a respecté les formalités prévues par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;
- à titre principal, les moyens de la requête de la commune ne sont pas fondés ;
- à titre subsidiaire, la commune n'établit ni l'affichage en mairie, ni la publication par voie de presse de la délibération approuvant le plan local d'urbanisme et cette délibération n'est donc pas exécutoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code général des collectivités territoriales
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Carassic,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant la commune d'Orthoux-Sérignac-Quilhan.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., propriétaire d'une parcelle, cadastrée A n° 380, située au lieu dit "Mas du Gentilhomme" sur le territoire de la commune d'Orthoux-Sérignac-Quilhan, a demandé au maire de cette commune, par courrier du 2 juin 2017, d'abroger le plan local d'urbanisme de la commune approuvé le 17 mars 2014 en tant qu'il classe cette parcelle en zone agricole. Ce courrier est resté sans réponse. Saisi par M. A..., le tribunal administratif de Nîmes a, par le jugement attaqué dont la commune relève appel, annulé la décision implicite de rejet du maire de la commune d'Orthoux-Sérignac-Quilhan d'abroger partiellement le plan local d'urbanisme en tant qu'il procède à ce classement.
Sur le bien fondé du jugement attaqué :
2. Les premiers juges ont annulé le refus implicite du maire de commune d'Orthoux-Sérignac-Quilhan d'abroger le plan local d'urbanisme approuvé le 17 mars 2014 en tant qu'il classe cette parcelle en zone agricole au motif que le classement de cette parcelle était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
3. Aux termes de l'article R. 123-22-1 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable au litige : " L'abrogation d'un plan local d'urbanisme est prononcée par le conseil municipal après enquête publique (...) ". L'article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales, relatif à la convocation du conseil municipal, dispose que : " Toute convocation est faite par le maire. Elle indique les questions portées à l'ordre du jour (...) ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que si le conseil municipal est seul compétent pour abroger tout ou partie du plan local d'urbanisme de la commune, c'est au maire qu'il revient d'inscrire cette question à l'ordre du jour d'une réunion du conseil municipal. Par suite, le maire a compétence pour rejeter une demande tendant à l'abrogation du plan local d'urbanisme ou de certaines de ses dispositions. Toutefois, il ne peut légalement prendre une telle décision que si les dispositions dont l'abrogation est sollicitée sont elles-mêmes légales. Dans l'hypothèse inverse, en effet, il est tenu d'inscrire la question à l'ordre du jour du conseil municipal, pour permettre à celui-ci, seul compétent pour ce faire, de prononcer l'abrogation des dispositions illégales.
4. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Ils peuvent être amenés, à cet effet, à modifier le zonage ou les activités autorisées dans une zone déterminée. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.
5. L'article R. 123-7 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors applicable prévoit que " Les zones agricoles sont dites " zones A ". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles. ". Le règlement du PLU en litige de la zone A autorise notamment, par son article A2, les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole et les constructions à usage d'habitation à condition d'être nécessaires à l'exploitation agricole, d'être intégrées ou accolées aux bâtiments d'exploitation existant, et dans la limite de 120 m² de surface de plancher totale affectée à l'habitation. L'article A1 interdit en zone A toutes les constructions ou installations autres que celles visées à l'article A2.
6. Le point 5 du projet d'aménagement et de développement durables (PADD) du plan local d'urbanisme de la commune et les objectifs de délimitation des zones indiqués dans le rapport de présentation de ce plan tendent tous les deux à ce que certaines zones à fort potentiel agronomique ou paysager soient préservées de toute urbanisation. Le règlement de la zone A du plan local d'urbanisme en litige est cohérent avec ce PADD. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'extrait de plan cadastral, ainsi que du site Géoportail accessible tant au juge qu'aux parties, que la parcelle A 380, d'une superficie d'environ 1 560 m², supporte uniquement le mas Gentihomme et qu'elle est incluse dans un vaste tènement foncier appartenant à M. A..., classé également en zone A, qui présente un état de lande et de friche et n'est pas cultivé. Alors même qu'elle se situe à proximité d'une vaste plaine agricole, cette parcelle entièrement bâtie ne peut, eu égard à ses caractéristiques propres, présenter un potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles, condition exigée pour un classement en zone agricole par l'article R. 123-7 du code de l'urbanisme contrairement à ce que soutient la commune. Ce tènement jouxte à l'ouest une vaste zone naturelle boisée classée en zone N, au sud et à l'est la route départementale de Nîmes qui le sépare nettement de la vaste plaine agricole qui s'étend au-delà de cette voie, et au nord par un secteur classé en zone Ub caractérisé par un habitat résidentiel récent et par le hameau d'Orthoux classé en zone Ua, dont elle est naturellement reliée par deux chemins carrossables enjambant la voie ferrée, laquelle est désaffectée. La commune ne peut utilement invoquer l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme dès lors que la commune est dotée d'un plan local d'urbanisme. Le rapport de présentation de ce PLU identifie cette parcelle A n° 380 comme comprise dans une zone de "bâti diffus" ou de "territoires artificialisés" et non, respectivement, comme un secteur de "pelouses et pâturages" ou de "territoires agricoles" et, alors même qu'elle en est séparée par la voie ferrée, indique que cette parcelle qui accueille le mas Gentihomme fait partie du centre ancien du hameau d'Orthoux. Par suite et eu égard au parti d'urbanisme retenu pour ce secteur, les auteurs du plan local d'urbanisme ont commis une erreur manifeste d'appréciation en classant en zone agricole cette parcelle A n° 380.
7. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non recevoir opposée à la requête d'appel par M. A..., que la commune d'Orthoux-Sérignac-Quilhan n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision implicite de rejet du maire de la commune d'Orthoux-Sérignac-Quilhan de soumettre au conseil municipal l'abrogation dans cette mesure du plan local d'urbanisme de la commune.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme sur le fondement de cet article. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune d'Orthoux-Sérignac-Quilhan la somme de 2 000 euros au titre des frais engagés par M. A... et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la commune d'Orthoux-Sérignac-Quilhan est rejetée.
Article 2 : La commune d'Orthoux-Sérignac-Quilhan versera la somme de 2 000 euros à M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Orthoux-Sérignac-Quilhan et à M. B... A....
Délibéré après l'audience du 12 mars 2019, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- Mme Simon, président-assesseur,
- Mme Carassic, première conseillère.
Lu en audience publique, le 26 mars 2019.
2
N° 18MA02938