Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 24 novembre 2017, M.A..., représenté par la SCP d'avocats B...Clabeaut, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 26 septembre 2017 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) d'annuler la décision du 7 juillet 2015 du recteur de l'académie de Montpellier ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la sanction en litige est tardive, dès lors qu'un délai excessif s'est écoulé entre le moment où sa hiérarchie a été informée des faits reprochés en 2011 et la prise de la sanction en 2015 en application d'un principe général du droit et de l'article 36 de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 ;
- les faits reprochés ne peuvent être qualifiés de faute disciplinaire dès lors que ces faits se sont déroulés dans sa sphère privée et n'ont reçu aucune publicité extérieure ;
- la mention de sa condamnation pénale dans le bulletin n° 2 de son casier judiciaire sera un jour effacée en application de l'article L. 133-13 du code pénal ;
- la sanction de mise à la retraite d'office est disproportionnée par rapport aux faits reprochés ;
- son appartenance au corps de professeurs des écoles n'interdit pas son maintien au sein du ministère de l'Education nationale ;
- à la date de sa mise à la retraite d'office, il exerçait des fonctions de formation du corps enseignant et donnait toute satisfaction ;
- la cour d'appel de Nîmes dans son arrêt du 28 novembre 2013 ne lui a pas interdit de travailler ni auprès d'enfants, ni au sein du ministère de l'Education Nationale ;
- il a déjà fait l'objet en 2011 pendant quatre années de la sanction disciplinaire du déplacement d'office vers des fonctions administratives qui a engendré une perte de revenus.
Par un mémoire enregistré le 7 septembre 2018, le ministre de l'Education nationale conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
La présidente de la Cour a désigné Mme Simon en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée, portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Carassic,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me B...représentant M.A....
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., professeur des écoles, occupait l'emploi de directeur de l'école primaire de Sauzet dans le Gard depuis le 1er septembre 1989. Il a été suspendu de ses fonctions à compter du 31 mai 2011 en raison de sa mise en examen des chefs de consultation habituelle, détention, mise à disposition et diffusion en bande organisée d'images de mineurs présentant un caractère pornographique en utilisant un réseau de communication électronique. Il a été condamné pour ces faits, commis entre 2008 et mai 2011, par un jugement du tribunal correctionnel de Nîmes du 14 décembre 2012 à deux ans de prison avec sursis et interdiction définitive d'exercer une activité professionnelle impliquant un contact habituel avec les mineurs. Par un arrêt du 28 novembre 2013 de la cour d'appel de Nîmes, il a été reconnu coupable de ces faits et a été condamné définitivement à une peine d'emprisonnement de quinze mois avec sursis, assortie d'une obligation de suivre des soins et de la non-inscription de cette condamnation au bulletin n° 2 de son casier judiciaire. La cour de cassation a ordonné par arrêt du 17 septembre 2014 que la condamnation de M. A...soit inscrite au bulletin n° 2 de son casier judiciaire. Par la décision en litige du 7 juillet 2015, le recteur de l'académie de Montpellier, après avis de la commission administrative paritaire compétente réunie le 26 juin 2015, a prononcé à l'encontre de M. A...la sanction disciplinaire de la mise à la retraite d'office. Le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de M. A...tendant à l'annulation de cette sanction du 17 juillet 2015 par jugement du 26 septembre 2017, dont le requérant relève appel.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires a modifié l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et dispose qu'aucune procédure disciplinaire ne pourra désormais être engagée au-delà d'un délai de trois ans à compter du jour où l'administration a eu effectivement connaissance de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits passibles de sanction. Toutefois, ces dispositions ne sont, en l'espèce, pas applicables au litige dès lors que la décision attaquée a été prise le 7 juillet 2015, soit avant l'entrée en vigueur de la loi du 20 avril 2016. A la date de la décision litigieuse, aucun texte ni aucun principe général du droit n'enfermait dans un délai déterminé l'exercice de l'action disciplinaire à l'égard d'un fonctionnaire. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le moyen tiré de la tardiveté de l'engagement de la poursuite disciplinaire à son encontre devait être écarté. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que M. A...a été suspendu de ses fonctions de directeur d'école à compter du 31 mai 2011, dès que l'inspecteur d'académie du département du Gard a été informé, par courrier du 30 mai 2011 du Procureur de la république près du tribunal de grande instance de Nîmes, de la mise en examen de M. A...et de son placement sous contrôle judiciaire avec interdiction de toute activité professionnelle le mettant en contact avec des mineurs et que, ainsi qu'il a été dit au point 1, le tribunal correctionnel a rendu son jugement de condamnation le 14 décembre 2012, que la Cour d'appel de Nîmes s'est prononcée le 28 novembre 2013 et que la Cour de cassation a rendu son arrêt le 17 septembre 2014. Il ne peut ainsi être fait grief à l'administration, qui a attendu l'issue de la procédure pénale, d'avoir engagé le 20 mai 2015, soit moins d'un an après cette dernière décision pénale, la procédure disciplinaire à l'encontre de son agent.
3. En deuxième lieu, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
4. L'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 prévoit que : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale. ". L'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée dispose : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. Premier groupe : - l'avertissement ; - le blâme. Deuxième groupe : - la radiation du tableau d'avancement ; l'abaissement d'échelon ; - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ; - le déplacement d'office. Troisième groupe : - la rétrogradation ; - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans. Quatrième groupe : - la mise à la retraite d'office ; - la révocation. ".
5. Pour prononcer la sanction en litige du 7 juillet 2015, le recteur de l'académie de Montpellier s'est fondé sur la circonstance que M. A...a commis des faits de consultation habituelle, détention, mise à disposition et diffusion en bande organisée d'images d'un mineur présentant un caractère pornographique en utilisant un réseau de communication électronique, dont la matérialité a été reconnu par le juge pénal et sur le motif tiré de l'incompatibilité de ces faits avec son maintien dans les fonctions d'enseignant.
6. Il ressort des pièces du dossier que par arrêt du 17 septembre 2014, la Cour de cassation a ordonné que la condamnation pénale de M. A...soit mentionnée au bulletin n° 2 de son casier judiciaire. A supposer même que cette condamnation soit un jour effacée de ce bulletin par l'effet du temps, cette circonstance est sans incidence sur l'engagement d'une procédure disciplinaire en raison de ces faits, dès lors que les procédures pénales et disciplinaires engagées à l'occasion d'un acte ou d'un comportement reprochés à un fonctionnaire ont des objectifs différents et sont indépendantes l'une de l'autre. En raison de leur gravité, ces faits, bien qu'ils aient été commis dans la sphère privée du requérant et qu'ils se soient déroulés en dehors de son activité d'enseignant, étaient de nature à déconsidérer la fonction enseignante et, ainsi, à justifier une sanction disciplinaire. Dès lors, l'autorité disciplinaire a pu à bon droit estimer que les faits reprochés, dont la matérialité est établie par le juge pénal et qui n'est d'ailleurs pas contestée par M.A..., constituaient une faute de nature à justifier une sanction.
7. Il ressort des pièces du dossier que la cour d'appel dans son arrêt du 28 novembre 2013 a ordonné la non-inscription de la condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire de M. A... "pour qu'il puisse conserver un poste au sein de l'éducation nationale" compte tenu notamment du suivi psychologique entamé par le requérant et de son excellente manière de servir professionnelle et qu'elle n'a pas assortie sa condamnation de la peine complémentaire d'interdiction d'exercer les fonctions d'enseignant auprès de mineurs. Toutefois, eu égard à l'exigence d'exemplarité et d'irréprochabilité qui incombe aux enseignants dans leurs relations avec des mineurs, y compris en dehors du service, et compte tenu de l'atteinte portée, du fait de la nature des fautes commises par l'intéressé, à la réputation du service public de l'éducation nationale, le recteur de l'académie de Montpellier a pu à bon droit estimer que les faits reprochés, qui se sont en outre répétés entre l'année 2008 et mai 2011 date de sa suspension, étaient incompatibles avec son maintien dans les fonctions qu'il avait vocation à exercer en sa qualité de professeur des écoles au sein du ministère de l'Education nationale, alors même que ses qualités professionnelles étaient reconnues et qu'aucune des proposition de sanction, y compris celle de ne pas proposer de sanction, n'a obtenu l'accord de la majorité des membres présents lors de la commission administrative paritaire départementale compétente à l'égard du corps des professeurs des écoles siégeant en formation disciplinaire dans sa séance du 26 juin 2015. Par suite, le recteur de l'académie de Montpellier n'a pas prononcé une sanction disproportionnée aux faits reprochés en prononçant la mise à la retraite d'office de M.A....
8. En dernier lieu, à supposer même que le requérant ait entendu soutenir qu'il a été condamné deux fois pour les mêmes faits en méconnaissance du principe "non bis in idem", la suspension de fonctions dont a fait l'objet M. A... le 31 mai 2011 constituait une mesure conservatoire prise à titre provisoire dans l'intérêt du service et non une sanction disciplinaire comme il le prétend. Par suite, et alors même que ce changement d'affectation dans l'intérêt du service a entraîné une perte de revenus en raison de la suspension des indemnités afférentes à ses fonctions de directeur d'école, ce moyen a été écarté à bon droit par les premiers juges.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté prononçant sa mise à la retraite d'office. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1 : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'Education nationale.
Copie pour information sera adressée au recteur de l'académie de Montpellier.
Délibéré après l'audience du 13 novembre 2018, où siégeaient :
- Mme Simon, président-assesseur, présidant la formation du jugement en application de l'article R. 222.26 du code de justice administrative,
- Mme Carassic, première conseillère,
- MmeD..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 27 novembre 2018.
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N° 17MA04421