Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 9 août 2016, et un mémoire complémentaire, enregistré le 17 février 2017, M. E..., représenté par le cabinet d'avocat Jurisplus, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 16 juin 2016 ;
2°) d'annuler la décision du 17 février 2014 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Cavaillon la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- ni les photographies fondant les poursuites, ni la dénonciation manuscrite des prétendus faits qui lui étaient reprochés ne figuraient dans son dossier administratif ;
- l'administration lui a présenté ces photos, qu'il a pu consulter brièvement, sans qu'elles soient classées dans son dossier et elle a refusé de lui communiquer la dénonciation manuscrite dont il faisait l'objet ;
- l'administration a méconnu l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en refusant de lui communiquer cette lettre de dénonciation ;
- la matérialité des faits n'est pas établie ;
- la sanction de l'exclusion temporaire prononcée est disproportionnée.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 9 novembre 2016 et 11 avril 2017, la commune de Cavaillon, représentée par la SELARL d'avocats Itinéraires Droit Public, conclut au rejet de la requête, à ce que la Cour ordonne la suppression, dans le mémoire en réplique de M. E... enregistré le 17 février 2017, du passage figurant en page 6 de ce mémoire, aux points 3.1 à 3.4, commençant par " il a déjà été rappelé " jusqu'à " l'attitude étrange de la commune " et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de M. E... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
- les passages dont il est demandé la suppression présentent un caractère outrageant et injurieux.
Une ordonnance en date du 2 juin 2017 a fixé la clôture de l'instruction au 30 juin 2017 à 12 :00 heures, en application des dispositions de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Un mémoire, présenté pour M. E..., a été enregistré le 22 février 2018, postérieurement à la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Portail,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant M. E..., et de Me B..., représentant la commune de Cavaillon.
Une note en délibéré, présentée pour M. E..., a été enregistrée le 16 mai 2018.
1. Considérant que M. E..., technicien territorial de première classe, affecté au service des sports de la commune de Cavaillon, a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 17 février 2014 par laquelle le maire de la commune de Cavaillon a prononcé à son encontre la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions de trois jours ; qu'il relève appel du jugement du 16 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ;
Sur la fin de non recevoir opposée par la commune de Cavaillon à la demande de première instance :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 414-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'introduction de la demande de M. E... devant le tribunal administratif de Nîmes : " Lorsqu'elle est présentée par un avocat, un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public, la requête peut être adressée à la juridiction par voie électronique au moyen d'une application informatique dédiée accessible par le réseau internet. " ; que l'article R. 414-2 de ce code dispose : " L'identification de l'auteur de la requête, selon les modalités prévues par l'arrêté mentionné à l'article R. 414-1, vaut signature pour l'application des dispositions du présent code. " ;
3. Considérant que la demande de première instance a été adressée au tribunal administratif de Nîmes par voie électronique au moyen de l'application informatique Télérecours ; que l'identification de l'auteur de la requête dans cette application vaut signature de cette requête ; que, dès lors, la fin de non recevoir opposée par la commune de Cavaillon et tirée du défaut de signature de la demande de première instance doit être écartée ;
Sur la légalité de la décision du 17 février 2014 :
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. E... a été sanctionné pour avoir, en dehors du service, procédé à un dépôt sauvage de matériaux et d'autres déchets ; qu'il en ressort également que l'administration s'est fondée notamment sur une lettre de dénonciation de ces faits adressée à la commune, accompagnée de photographies des lieux du dépôt; que si M. E... a été mis en mesure de prendre connaissance de ces photographies, dont il n'a pas demandé copie, en revanche, l'administration, malgré sa demande, a refusé de communiquer au requérant la lettre de dénonciation dont il a fait l'objet ; qu'il appartenait, toutefois, à la commune de Cavaillon, après avoir occulté, si elle l'estimait nécessaire, les éléments permettant d'identifier l'auteur de la lettre, de mettre à même M. E... d'en prendre connaissance, afin de respecter les droits de la défense ; que, par suite, en refusant de lui communiquer cette lettre, le maire de la commune de Cavaillon a méconnu les droits de la défense et entaché sa décision d'irrégularité ; que l'accès, dans le cadre de la procédure disciplinaire, à l'ensemble des pièces sur lesquelles l'administration entend se fonder, dans des conditions et des délais permettant à l'intéressé de présenter utilement sa défense, constitue une garantie pour l'agent public ; que la décision attaquée est, dès lors, entachée d'illégalité ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande et à demander l'annulation de ce jugement et de la décision du maire de la commune de Cavaillon du 17 février 2014 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 741-2 du code de justice administrative :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 741-2 du code de justice administrative : " Sont également applicables les dispositions des alinéas 3 à 5 de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 ci-après reproduites : / " Art. 41, alinéas 3 à 5. - Ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux. / Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts. / Pourront toutefois les faits diffamatoires étrangers à la cause donner ouverture, soit à l'action publique, soit à l'action civile des parties, lorsque ces actions leur auront été réservées par les tribunaux et, dans tous les cas, à l'action civile des tiers. " " ;
7. Considérant que, contrairement à ce que soutient la commune de Cavaillon, les termes employés en page 6 du mémoire de M. E..., enregistré le 17 février 2017, n'excèdent pas les limites de la controverse entre parties dans le cadre d'une procédure contentieuse ; que, dès lors, il n'y a pas lieu d'en prononcer la suppression en application des dispositions précitées de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881, reproduites à l'article L. 741-2 du code de justice administrative ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. E..., qui n'est ni partie perdante ni tenu aux dépens dans la présente instance, au titre des frais exposés par la commune de Cavaillon et non compris dans les dépens; qu'en revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Cavaillon la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. E... et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 16 juin 2016 du tribunal administratif de Nîmes et la décision du 17 février 2014 du maire de la commune de Cavaillon sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Cavaillon fondées sur les articles L. 741-2 et L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La commune de Cavaillon versera à M. E... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E...et à la commune de Cavaillon.
Délibéré après l'audience du 15 mai 2018, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- M. Portail, président-assesseur,
- Mme D..., première-conseillère.
Lu en audience publique, le 29 mai 2018.
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N° 16MA03328