Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 14 avril 2017, la SARL Id Engineering, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 20 février 2017 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration a écarté le contrat de travail liant Mme B...à la société sans mettre en oeuvre la procédure des abus de droit, la privant ainsi des garanties attachées à cette procédure ;
- elle justifie du caractère réel et effectif de l'emploi de secrétaire occupé par Mme B... ;
- l'administration ne rapporte pas la preuve d'un manquement délibéré pour l'application des pénalités.
Par un mémoire, enregistré le 21 septembre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer à hauteur de 956 euros au titre des exercices en litige et au rejet du surplus des conclusions de la requête.
Il fait valoir que :
- les intérêts de retard sont dégrevés en application des dispositions de l'article 1756 du code général des impôts, la société étant en redressement judiciaire depuis le 7 décembre 2015 ;
- les moyens présentés par la SARL Id Engineering ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Boyer,
- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public.
1. Considérant que la SARL Id Engineering relève appel du jugement du 20 février 2017 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014 et des pénalités correspondantes ;
Sur l'étendue du litige :
2. Considérant que par décision du 1er juin 2017 l'administration fiscale a, en application de l'article 1756 du code général des impôts, accordé à la SARL Id Engineering le dégrèvement d'une somme de 956 euros correspondant aux intérêts de retard dont étaient assorties les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014 ; que les conclusions de la requête de la société sont, dans cette mesure, devenues sans objet ; qu'il n'y a pas lieu d'y statuer ;
Sur la procédure d'imposition :
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. / En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. / Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification. (...) " ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration n'a aucunement écarté le contrat de travail passé pour l'emploi de Mme B... comme ne lui étant pas opposable, mais s'est bornée, sur le fondement de l'article 39,1-1° du code général des impôts et dans le cadre de l'appréciation de la situation de fait, à remettre en cause la réalité du travail effectué par celle-ci pour rejeter, en conséquence, les charges correspondantes ; que, dès lors, la procédure prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales n'était pas applicable en l'espèce ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable pour la détermination de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'oeuvre (...) / Toutefois, les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursement de frais (...). / 5. Sont également déductibles les dépenses suivantes : / a) les rémunérations directes et indirectes, y compris les remboursements de frais versés aux personnes les mieux rémunérées ; / b) les frais de voyage et de déplacements exposés par ces personnes (...) / Les dépenses ci-dessus énumérées peuvent également être réintégrées dans les bénéfices imposables dans la mesure où elles sont excessives et où la preuve n'a pas été apportée qu'elles ont été engagées dans l'intérêt direct de l'entreprise (...) " ;
6. Considérant que si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions citées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;
7. Considérant que l'administration a réintégré dans les résultats imposables de la société requérante les dépenses afférentes à l'emploi de Mme B..., épouse du gérant, au motif qu'il n'est pas établi que cette dernière exerçait effectivement des fonctions au sein de la société ; que la société n'a produit au cours de la vérification aucun document de nature à établir la réalité des fonctions exercées ; qu'elle n'a produit devant le juge que six messages électroniques dont cinq intéressant la période en litige qui eu égard à leur objet et à leur caractère ponctuel ne sont pas de nature à justifier que Mme B... aurait rempli les fonctions attachées à l'emploi de secrétaire dont elle se prévaut ; que la seule existence d'un contrat de travail ne suffit pas à établir la réalité d'un travail effectué au profit de l'entreprise alors même qu'il a donné lieu comme en l'espèce à l'établissement de bulletins de paie et au paiement de cotisations sociales ; que la production d'attestations, datées de l'année 2016, établies par des personnes travaillant ou ayant travaillé dans l'entreprise ou dans des entreprises avec lesquelles la société requérante entretient des relations d'affaires, au sujet des fonctions exercées par l'intéressée, ne suffit pas à démontrer la réalité du travail effectué par cette dernière au cours des années en litige;
8. Considérant que l'administration a également réintégré dans les résultats de l'entreprise les frais afférents au véhicule mis à disposition de Mme B... ; qu'il résulte de ce qui a été dit plus haut que la société n'établissait pas la réalité du travail effectué par cette personne en son sein ; que, par suite, ces frais ne peuvent pas être regardés comme exposés dans l'intérêt direct de l'entreprise ;
Sur le bien-fondé des pénalités :
9. Considérant que la SARL Id Engineering reprend en appel le moyen tiré de ce que les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas fondées sans apporter d'élément nouveau ; qu'il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Montpellier ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL Id Engineering n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; que ses conclusions fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent par voie de conséquence être accueillies ;
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à la décharge des intérêts de retard ayant assorti les suppléments d'imposition mis à la charge de la SARL Id Engineering au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL Id Engineering est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Id Engineering et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.
Délibéré après l'audience du 17 avril 2018, où siégeaient :
- M. Antonetti, président,
- Mme Boyer, premier conseiller,
- Mme Carontenuto, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 mai 2018.
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N° 17MA01618
mtr