Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 10 janvier 2017, et un mémoire en réplique enregistré le 7 mars 2017, M.B..., représenté par MeE..., demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du 29 décembre 2016 du juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) de condamner la commune de Buschwiller à lui verser une provision de 36 477,36 euros ;
A défaut
3°) de condamner la commune de Buschwiller à lui verser une provision de 36 477,36 euros ;
4°) de condamner la commune au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre du préjudice moral ;
5°) de condamner la commune aux entiers frais et dépens et à lui verser une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- la décision du 19 mai 2014 par laquelle le maire de la commune de Buschwiller a fait exercice de son droit de préemption urbain sur la parcelle cadastrée 16 n° 507/253 a été annulée par jugement du 26 mai 2016 du tribunal administratif de Strasbourg ;
- cette décision illégale a nécessairement engagé la responsabilité fautive de la commune ;
- il est fondé à demander réparation du préjudice que cette décision lui a causé ;
- l'absence d'une promesse de vente s'explique par le fait que l'acheteur potentiel de son bien et lui-même s'étaient entendus par le biais d'un accord verbal ;
- la signature d'une promesse de vente n'est en rien obligatoire ;
- un mandat avait été donné au notaire pour initier la procédure par l'envoi de la déclaration d'intention d'aliéner (DIA) ;
- la réalité d'un engagement de vendre est établie ;
- l'acte de vente qui lui a été transmis le 3 janvier 2017 permet de matérialiser son préjudice ;
- l'acte régularisant la vente de propriété à M. A...n'a pu intervenir que le 5 août 2016 alors que la signature de l'acte aurait dû intervenir le 23 juin 2014 ;
- il est fondé à demander réparation du fait du non-paiement des rentes viagères pendant cette période ;
- il est également fondé à demander réparation de son préjudice moral ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 février 2017, la commune de Buschwiller, représentée par Me C...demande à la cour :
1°) de rejeter la requête de M.B... ;
2°) de mettre à la charge de M. B...une somme de 3 000 euro à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- le juge ne saurait engager la responsabilité pour faute d'une personne publique lorsqu'il est saisi sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative ;
- la réalisation de la vente à la date à laquelle la commune a exercé son droit de préemption présente un caractère incertain incompatible avec le versement d'une provision sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative ;
- il appartient au requérant de soumettre au juge les éléments de nature à faire établir l'existence, avec un degré suffisant de certitude, de l'obligation dont il se prévaut ;
- l'existence d'un accord de vente n'est étayé par aucune production ;
- les éléments avancés par M. B...sont, eu égard au formalisme attaché à la passation d'un acte de vente immobilière, très largement insuffisants ;
- la production de la DIA est insuffisante pour tenir comme certaine la réalisation de la vente ;
- le préjudice allégué est incertain ;
- le préjudice dont se prévaut le requérant ne présente pas de lien de causalité direct et certain avec l'illégalité de la décision de préemption ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., propriétaire sur le ban de la commune de Buschwiller d'une parcelle de terrain d'une superficie de 1 613 m², aurait convenu dans le courant de l'année 2014, par accord verbal, du principe d'une vente en viager de ce terrain au profit de M.A.... A la suite du jugement du 26 mai 2016, devenu définitif, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 19 mai 2014 du maire de la commune de Buschwiller faisant exercice du droit de préemption urbain sur ce terrain, M. B...a saisi le juge des référés de ce tribunal d'une demande tendant à condamner la commune de Buschwiller à lui verser une provision de 35 161,64 euros à valoir sur l'indemnisation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de cette décision de préemption illégale et une somme de 3 000 euros au titre de son préjudice moral. M. B... interjette appel de l'ordonnance du 29 décembre 2016 du juge des référés rejetant sa demande et mettant à sa charge une somme de 1 000 euros à verser à la commune au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur le bien-fondé de la demande de provision :
2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. (...) ". Il résulte de ces dispositions que pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui paraît revêtir un caractère de certitude suffisant.
3. A l'issue d'une procédure de préemption qui n'a pas abouti, le propriétaire du bien en cause peut, si la décision de préemption est entachée d'illégalité, obtenir réparation du préjudice que lui a causé de façon directe et certaine cette illégalité. Lorsque le propriétaire a cédé le bien après renonciation de la collectivité, son préjudice résulte en premier lieu, dès lors que les termes de la promesse de vente initiale faisaient apparaître que la réalisation de cette vente était probable, de la différence entre le prix figurant dans cet acte et la valeur vénale du bien à la date de la décision de renonciation. Il subit un autre préjudice qui résulte, lorsque la vente initiale était suffisamment probable, de l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé de disposer du prix figurant dans la promesse de vente entre la date de cession prévue par cet acte et la date de vente effective, dès lors que cette dernière a eu lieu dans un délai raisonnable après la renonciation de la collectivité.
4. En premier lieu, M. B...sollicite l'octroi d'une provision correspondant au montant des rentes viagères qu'il n'a pu percevoir entre la date prévue de la vente de son terrain et la date de vente effective.
5. La commune de Buschwiller soutient que la réalisation de la vente de la parcelle litigieuse ne pouvait être regardée comme probable dès lors qu'aucun compromis de vente ou promesse de vente n'avait été signé préalablement à la transmission de la déclaration d'intention d'aliéner (DIA) à la mairie le 22 avril 2014.
6. Il résulte de l'instruction que cette DIA mentionne que l'objet de la vente portait sur un terrain cadastré section 16 n° 507/253 d'une superficie de 1 613 m², pour un montant de 200 000 euros, décomposé en une somme de 140 000 euros pour la vente de la nue-propriété et une rente viagère de 16 560 euros annuels, soit 1 380 euros mensuels, pour le solde. Elle précisait, par ailleurs, les nom et coordonnées de M.A..., l'acheteur disposé à acquérir ce bien.
7. A la suite du jugement du 26 mai 2016 du tribunal administratif annulant la décision de préemption litigieuse, la vente effective a été réalisée, selon les modalités indiquées dans la DIA, par acte authentique du 5 août 2016 produit en appel,.
8. En admettant que les mentions indiquées dans la DIA, relatives à la chose vendue, au prix et à l'identité de l'acquéreur, puissent être regardées comme un commencement de preuve d'un accord de volontés de vente et d'achat de la parcelle litigieuse entre les parties, la date à laquelle cette cession était prévue demeure indéterminée. La circonstance, évoquée par le notaire de M. B...dans une attestation établie le 27 décembre 2016, selon laquelle cette vente aurait pu être actée le 23 juin 2014, soit deux mois après le délai dont disposait la commune pour faire connaître son intention d'exercer ou non son droit de préemption, n'est pas de nature à faire regarder cette date de cession comme certaine. Dans ces conditions, l'obligation dont M. B...se prévaut à l'encontre de la commune de Buschwiller, au titre de l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé de percevoir les rentes viagères auxquelles il aurait pu prétendre, ne saurait être regardée comme revêtant un caractère non sérieusement contestable tel que défini au point 2.
9. En second lieu, en se bornant à demander l'indemnisation d'un préjudice moral fixé à 3 000 euros, M. B...ne l'établit pas. Par suite, l'obligation dont il se prévaut à ce titre ne peut être regardée comme non sérieusement contestable.
10. Il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'ordonnance par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Buschwiller, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Buschwiller sur le même fondement.
ORDONNE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Buschwiller présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. D...B...et à la commune de Buschwiller.
Fait à Nancy, le 12 avril 2017.
La présidente de la Cour
Signé : Françoise SICHLER
La République mande et ordonne au préfet du Haut-Rhin, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
Pour expédition conforme
Le Greffier,
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17NC00040