Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 16 juillet 2015 et 5 janvier 2017, Mme I...N..., M. K... G..., Mme E...C..., Mme I... F...et M. H... F..., représentés par la Selarlu Levanti, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 13 mai 2015 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 23 juillet 2012 du maire d'Evian-les-Bains ;
3°) de mettre à la charge de la commune d'Evian-les-Bains une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le délai de recours contentieux a été respecté alors qu'ils ont tous signé le recours gracieux formé le 18 septembre 2013 ;
- le projet architectural méconnaît les dispositions de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme, le dossier ne permettant pas d'apprécier l'insertion du projet par rapport aux constructions voisines ainsi que son insertion dans l'environnement lointain ;
- l'article UD 11 du règlement du plan local d'urbanisme a été méconnu compte tenu des proportions des bâtiments prévus;
- le II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme a été méconnu dès lors qu'il n'existe aucune justification dans le plan local d'urbanisme de l'extension de l'urbanisation résultant du projet, qui ne présente pas un caractère limité ;
Par des mémoires en défense enregistrés le 23 septembre 2015 et le 20 janvier 2017, la commune d'Evian-les-Bains, représentée par la Selas Adamas Affaires Publiques, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge des requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 5 novembre 2015, la SAS Pure Habitat, représentée par la SCP B...et Metral, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge des requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- il n'est pas justifié de ce que la requête a été introduite dans le délai d'appel ;
- MmeN..., MmeC..., M. et Mme F...ne sont pas recevables à contester son permis de construire dès lors que le recours gracieux formé contre ce permis n'a été signé que par M.G... ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 12 janvier 2017, la clôture d'instruction, initialement fixée au 6 janvier 2017 par ordonnance du 14 décembre 2016, a été reportée au 30 janvier 2017, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Segado, premier conseiller,
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,
- et les observations de Me B... pour la société Pure Habitat, et de Me L... pour la commune d'Evian-les-Bains ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la SAS Pure Habitat :
1. Considérant que, par arrêté du 23 juillet 2012, le maire d'Evian-les-Bains a délivré à la société Pure Habitat un permis de construire deux bâtiments collectifs à usage d'habitation sur un terrain situé route de Saint-Thomas ; que MmeN..., M. G..., Mme E...C..., Mme I...F...et M. H...F...relèvent appel du jugement du 13 mai 2015 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ce permis de construire et de la décision rejetant leur recours gracieux ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également : (...) / c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; / d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse. " ; que la circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable ;
3. Considérant que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le document graphique et les documents photographiques du dossier de demande du permis critiqué font apparaître le terrain d'assiette et l'insertion du projet dans le paysage proche et lointain avec une partie des constructions avoisinantes, son impact visuel et le traitement des accès et du terrain ; que le plan de masse, qui indique les positions des prises de vue, fait aussi état des constructions situées à proximité du terrain d'assiette et des aménagements prévus sur ce dernier ; que la notice précise que ce terrain d'assiette suit une pente orientée vers le lac, situé au nord, et qu'il est bordé dans cette direction par des propriétés bâties comptant des habitations individuelles, à l'est et au sud par une prairie où se trouvent des arbres de haute tige et, à l'ouest, au-delà de la route de Saint Thomas, par des habitations individuelles ; que cette notice explicite le choix de construire deux bâtiments afin de les inscrire dans des proportions proches de celles des maisons et petits immeubles collectifs avoisinants ; que le dossier permettait ainsi à l'administration d'apprécier en connaissance de cause l'environnement du projet ainsi que son insertion dans le site ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme doit être écarté ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme : " L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage ou des rives des plans d'eau intérieurs désignés à l'article 2 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 précitée doit être justifiée et motivée, dans le plan local d'urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau (...) " ;
5. Considérant, d'une part, que si le permis de construire ne peut être délivré que pour un projet qui respecte la réglementation d'urbanisme en vigueur, il ne constitue pas un acte d'application de cette réglementation ; que, si les requérants exposent que le permis critiqué a été délivré sous l'empire d'un document d'urbanisme illégal faute de justifier et de motiver l'extension limitée de l'urbanisation qu'il permet, ils ne font pas valoir que le permis de construire en litige méconnaît les dispositions d'urbanisme pertinentes que l'illégalité qu'ils allèguent aurait pour effet de remettre en vigueur ; que, dans ces conditions le moyen doit être écarté comme inopérant ;
6. Considérant, d'autre part, que, pour déterminer si un terrain peut être qualifié d'espace proche des rives d'un plan d'eau intérieur au sens des dispositions citées ci-dessus du code de l'urbanisme, trois critères doivent être pris en compte, à savoir la distance séparant ce terrain des rives du plan d'eau, les caractéristiques des espaces l'en séparant et les conséquences à tirer de l'existence ou de l'absence d'une covisibilité entre le terrain et ce plan d'eau ; que les dispositions du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ont vocation à s'appliquer indépendamment du caractère urbanisé ou non de l'espace dans lequel se situe la construction envisagée ; qu'une opération de construction qu'il est projeté de réaliser dans des espaces déjà urbanisés peut être regardée comme une " extension de l'urbanisation " au sens de ces dispositions si elle conduit à étendre ou à renforcer de manière significative l'urbanisation de quartiers périphériques ou si elle modifie de manière importante les caractéristiques d'un quartier, notamment en augmentant sensiblement la densité des constructions ; que le caractère limité de l'extension de l'urbanisation au sens de ces mêmes dispositions s'apprécie compte tenu de l'implantation, de l'importance, de la densité et de la destination des constructions envisagées, ainsi que des caractéristiques topographiques de la partie concernée de la commune ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet en litige est situé sur les hauteurs d'Evian et n'est distant que d'un peu plus de 1 200 mètres de la rive du lac Léman qu'il surplombe, avec lequel il est en covisibilité ; que ce terrain, bien qu'il en soit séparé par une zone urbanisée, constitue ainsi un espace proche des rives de ce plan d'eau au sens des dispositions précitées du code de l'urbanisme ; que le projet critiqué porte sur l'édification, en zone UDc du plan d'occupation des sols de la commune et à proximité notamment du lotissement situé, à l'ouest, en zone UD de ce plan et dont il n'est séparé que par la route de Saint-Thomas, de deux bâtiments à usage d'habitation collective de deux étages comptant respectivement 14 et 18 logements, d'une hauteur ne dépassant pas 10 mètres et d'une surface de plancher totale de 1 891 m² sur un terrain d'assiette de 6 309 m² ; qu'eu égard en particulier à sa localisation et au caractère raisonnable de ses dimensions et de sa densité, ce projet doit, contrairement à ce que soutiennent les requérants, être regardé comme relevant en l'espèce d'une extension limitée de l'urbanisation au sens du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ; que le moyen tiré de la méconnaissance de cet article doit être écarté ;
8. Considérant, en dernier lieu, que selon la section 0 des dispositions applicables aux zones UD du règlement du plan d'occupation des sols (POS) de la commune : " Zones situées en partie haute et sud de la commune (coteau). / Les règles définies dans cette zone ont pour objectif de favoriser l'habitat résidentiel de faible densité, tout en tenant compte du caractère particulier des secteurs suivants : - Zone UDc : prévoyant des règles incitatives à l'habitat " intermédiaire " (individuel groupé ou petit collectif) (...) " ; qu'aux termes de l'article UD11 du règlement dudit plan relatif à l'aspect extérieur des constructions : " 1- Généralités : (...) Pour toute construction neuve, il est demandé de composer des volumes, des façades et des toitures dont les proportions ne soient pas en rupture avec celles des constructions existantes dans le voisinage immédiat, notamment dans les proportions des ouvertures et l'emploi des matériaux, en façade comme en toiture, sans toutefois exclure l'innovation et la création architecturales, ni faire obstruction (en zone UDc) à la densification progressive de la zone (...) 2 - Implantation et volume : L'implantation, le volume et les proportions des constructions dans tous leurs éléments doivent être déterminés en tenant compte de l'environnement et en s'y intégrant le mieux possible, en particulier par leur adaptation au terrain et par leurs aménagements extérieurs (...) " ;
9. Considérant que, si les requérants font valoir l'importance des constructions projetées et en particulier de leur longueur, qui s'établit à 28 et 36 mètres, le projet litigieux consiste, ainsi qu'il a été exposé au point 7, en la construction de deux immeubles collectifs à usage d'habitation dont les dimensions demeurent... ; qu'il ressort en outre des pièces du dossier que les bâtiments projetés, qui présentent le caractère de " petit collectif " s'inscrivant dans la perspective de la densification progressive de la zone, sont couverts d'une toiture à quatre pans et comportent une façade nord revêtue d'un bardage en bois en vue d'en améliorer l'insertion dans le voisinage ; que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UD11 du plan d'occupation des sols de la commune doit être écarté ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme N... et autres ne sont pas fondés à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions des requérants formées au titre des frais d'instance et dirigées contre la commune d'Evian, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces mêmes dispositions et de mettre à la charge des requérants le versement de la somme globale de 1 500 euros à la commune d'Evian-les-Bains ainsi qu'à la SAS Pure Habitat au titre des frais d'instance qu'elles ont exposés ;
DECIDE
Article 1er : La requête de Mme N...et autres est rejetée.
Article 2 : Mme N...et autres verseront une somme globale de 1 500 euros à la commune d'Evian-les-Bains en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Mme N...et autres verseront une somme globale de 1 500 euros à la SAS Pure Habitat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme I...N..., M. K... G..., Mme E...C..., Mme I... F...et à M. H... F..., ainsi qu'à la commune d'Evian-les-Bains et à la Société Pure Habitat.
Délibéré après l'audience du 21 mars 2017, à laquelle siégeaient :
M. Antoine Gille, président de la formation de jugement,
M. Juan Segado et Mme J...M..., premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 11 avril 2017.
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N° 15LY02356