Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 novembre 2018, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 12 juin 2018 ;
2°) d'annuler la décision implicite par laquelle l'OFII a refusé de lui accorder le bénéfice des conditions matérielles confirmée par la décision expresse du 13 octobre 2016 ;
3°) d'enjoindre à l'OFII de lui accorder sans délai le bénéfice de l'allocation de demandeur d'asile à compter du 6 juin 2016 sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à venir ;
4°) de mettre à la charge de l'OFII la somme de 2 400 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
-il n'a pas bénéficié d'un entretien personnel d'évaluation de sa vulnérabilité, en méconnaissance de l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision a été prise par une autorité incompétente ;
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle a été prise en méconnaissance du principe du contradictoire ;
- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des articles L. 744-8 et D. 744-37 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les dispositions de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont contraires aux dispositions de l'article 20.2 de à la directive (UE) 2013/33.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 18 octobre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive n° 2013/33/UE du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F..., présidente,
- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen, est, selon ses déclarations, entré sur le territoire français le 1er mars 2015. Il a sollicité le 6 juin 2016 la reconnaissance du statut de réfugié. Par une décision du 13 octobre 2016, le directeur territorial de l'OFII a refusé de lui accorder le bénéfice des conditions matérielles d'accueil, au motif qu'il s'était maintenu irrégulièrement en France plus de cent vingt jours sans présenter de demande d'asile et sans motif légitime. M. A... relève appel du jugement du 12 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision implicite :
2. Si M. A... demande l'annulation de la décision implicite par laquelle l'OFII a refusé de lui accorder le bénéfice des conditions matérielles confirmée par la décision expresse du 13 octobre 2016, il n'assortit ses conclusions, au demeurant nouvelles en appel et donc irrecevables, d'aucun moyen propre à en contester la légalité. Les conclusions dirigées contre cette décision ne peuvent donc qu'être rejetées.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 744-8 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Le bénéfice des conditions matérielles d'accueil peut être : (...) 3° Refusé si le demandeur présente une demande de réexamen de sa demande d'asile ou s'il n'a pas sollicité l'asile, sans motif légitime, dans le délai prévu au 3° du III de l'article L. 723-2. (...) La décision de suspension, de retrait ou de refus des conditions matérielles d'accueil est écrite et motivée. Elle prend en compte la vulnérabilité du demandeur. / La décision est prise après que l'intéressé a été mis en mesure de présenter ses observations écrites dans les délais impartis. ".
4. Par une décision du 1er juillet 2016, régulièrement publiée au bulletin officiel du ministère de l'intérieur du 15 août 2016, le directeur général de l'OFII a donné délégation de signature à M. B... D..., lui permettant de signer notamment les décisions relatives au bénéfice des conditions matérielles d'accueil. Par suite le moyen tiré de ce que la décision du 13 octobre 2016 aurait été prise par une autorité incompétente doit être écarté comme manquant en fait.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " A la suite de la présentation d'une demande d'asile, l'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de procéder, dans un délai raisonnable et après un entretien personnel avec le demandeur d'asile, à une évaluation de la vulnérabilité de ce dernier afin de déterminer, le cas échéant, ses besoins particuliers en matière d'accueil. Ces besoins particuliers sont également pris en compte s'ils deviennent manifestes à une étape ultérieure de la procédure d'asile. (...) ".
6. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant a bénéficié de la procédure d'entretien prévue par l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la mention d'un entretien individuel en date du 6 juin 2016 dans la décision litigieuse ne permettant pas à elle seule d'établir le contraire.
7. Néanmoins, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.
8. En l'espèce, si M. A... soutient qu'il souffrait d'une grave pathologie qui l'aurait placé dans une situation de vulnérabilité particulière, ces allégations ne sont assorties d'aucune précision, ni d'aucun commencement de preuve. Dès lors, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'absence d'entretien, à la supposer avérée, aurait exercé, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise, ni qu'elle aurait privé l'intéressé d'une garantie. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure ne peut être accueilli.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article D. 744-37 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le bénéfice de l'allocation pour demandeur d'asile peut être refusé par l'Office français de l'immigration et de l'intégration : (...) 2° Si le demandeur, sans motif légitime, n'a pas présenté sa demande d'asile dans le délai prévu au 3° du III de l'article L. 723-2 (...) ". L'article D. 744-38 du même code dispose : " La décision de suspension, de retrait ou de refus de l'allocation est écrite, motivée et prise après que l'allocataire a été mis en mesure de présenter à l'Office français de l'immigration et de l'intégration ses observations écrites dans le délai de quinze jours. Elle prend en compte la vulnérabilité du demandeur (...) ".
10. D'une part, la décision de refuser le bénéfice des conditions matérielles d'accueil vise les articles L. 744-8, D. 744-37 et D. 744-38 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle mentionne également les différentes observations écrites transmises par le requérant et leur contenu. Par suite, la décision, qui comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée.
11. D'autre part, par un courrier du 6 juin 2016, M. A... a été invité à faire parvenir à l'OFII ses observations dans un délai de quinze jours. La décision du 13 octobre 2016 se réfère à l'ensemble des courriers par lesquels le requérant a fait valoir ses observations. Dès lors, la procédure contradictoire prévue aux articles L. 744-8 et D. 744-38 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'a pas été méconnue.
12. En quatrième lieu, M. A... soutient qu'il aurait été victime d'une grave pathologie nécessitant une prise en charge médicale et que son état de santé l'aurait empêché de réaliser des démarches administratives. Toutefois, en se bornant à procéder par allégations sans aucune pièce justificative, le requérant ne démontre aucunement être atteint par des troubles pathologiques. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de droit commise dans l'examen de la demande de M. A... et de l'erreur d'appréciation sur son état de santé ne peuvent qu'être écartés.
13. En dernier lieu, aux termes de l'article 20 de la directive du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale : " (...) 2. Les États membres peuvent aussi limiter les conditions matérielles d'accueil lorsqu'ils peuvent attester que le demandeur, sans raison valable, n'a pas introduit de demande de protection internationale dès qu'il pouvait raisonnablement le faire après son arrivée dans l'État membre. (...) 5. Les décisions portant limitation ou retrait du bénéfice des conditions matérielles d'accueil ou les sanctions visées aux paragraphes 1, 2, 3 et 4 du présent article sont prises au cas par cas, objectivement et impartialement et sont motivées. Elles sont fondées sur la situation particulière de la personne concernée, en particulier dans le cas des personnes visées à l'article 21, compte tenu du principe de proportionnalité. Les États membres assurent en toutes circonstances l'accès aux soins médicaux conformément à l'article 19 et garantissent un niveau de vie digne à tous les demandeurs (...) ".
14. Le cas de refus du bénéfice des conditions matérielles d'accueil prévu par les dispositions du 3° de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, issues de la loi du 29 juillet 2015, fait partie des hypothèses fixées à l'article 20 de la directive n° 2013/33/UE. En outre, ces dispositions de l'articles L. 744-8 écartent toute automaticité du refus et imposent un examen particulier de la situation du demandeur d'asile, en particulier sa vulnérabilité. Au demeurant, il ne ressort ni de ces dispositions, ni d'aucune autre que le refus ferait en toutes circonstances obstacle à l'accès aux autres dispositifs prévus par le droit interne répondant aux prescriptions de l'article 20, paragraphe 5, de la directive du 26 juin 2013 précitée, si l'étranger considéré en remplit par ailleurs les conditions, et notamment à l'application des dispositions de l'article L. 251-1 du code de l'action sociale et des familles relatives à l'aide médicale de l'Etat ou de l'article L. 345-2-2 du même code relatives à l'hébergement d'urgence. Par suite, le moyen tiré de ce que ces dispositions seraient incompatibles avec les objectifs de la directive n° 2013/33/UE ne peut qu'être écarté.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est fondé ni à demander l'annulation de la décision du 13 octobre 2016 par laquelle le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a refusé de lui renouveler le bénéfice du dispositif des conditions matérielles d'accueil, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII).
Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur.
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N° 18NC03023