Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 7 janvier 2019, sous le n° 19NC00031, M. D..., représenté par Me E..., demande à la cour
1°) d'annuler ce jugement du 4 décembre 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 9 octobre 2018 pris à son encontre par le préfet des Vosges ;
3°) d'enjoindre au préfet des Vosges, d'une part, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de trois jours à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, d'autre part, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " en application du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou, à titre subsidiaire, de l'admettre au séjour à titre exceptionnel en application de l'article L. 313-14 du même code, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement attaqué :
- le jugement ne répond pas au moyen tiré de l'absence de motivation de l'arrêté attaqué ;
- il ne répond pas au moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur l'obligation de quitter le territoire :
- elle n'est pas suffisamment motivée ;
- elle méconnaît le droit d'être entendu prévu par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la décision fixant le pays de destination :
- elle n'est pas suffisamment motivée ;
- elle méconnaît le droit d'être entendu prévu par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet s'est estimé lié par les décisions de l'office français de protection des réfugiés et apatrides et de la cour nationale du droit d'asile.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 4 février 2019.
Par une odonnance du 29 juin 2020, l'instruction a été close au 15 juillet 2020.
Un mémoire présenté après la clôture d'instruction par le préfet des Vosges le 31 août 2020 n'a pas été communiqué.
II. Par une requête enregistrée le 7 janvier 2019, sous le n° 19NC00032, Mme B..., épouse D..., représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 4 décembre 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 9 octobre 2018 pris à son encontre par le préfet des Vosges ;
3°) d'enjoindre au préfet des Vosges, d'une part, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de trois jours à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, d'autre part, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " en application du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou, à titre subsidiaire, de l'admettre au séjour à titre exceptionnel en application de l'article L. 313-14 du même code, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
Sur la régularité du jugement attaqué :
- le jugement ne répond pas au moyen tiré de l'absence de motivation de l'arrêté attaqué ;
- il ne répond pas au moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur l'obligation de quitter le territoire :
- elle n'est pas suffisamment motivée ;
- elle méconnaît le droit d'être entendu prévu par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la décision fixant le pays de destination :
- elle n'est pas suffisamment motivée ;
- elle méconnaît le droit d'être entendu prévu par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
-le préfet s'est estimé lié par les décisions de l'office français de protection des réfugiés et apatrides et de la cour nationale du droit d'asile.
Mme B..., épouse D..., a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 4 février 2019.
Par une ordonnance du 29 juin 2020, l'instruction a été close au 15 juillet 2020.
Un mémoire présenté après la clôture d'instruction par le préfet des Vosges le 31 août 2020 n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales;
- la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme F..., présidente-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme D..., ressortissants albanais, sont entrés en France en décembre 2017, accompagnés de leur fils mineur. Ils ont déposé des demandes tendant au bénéfice du statut de réfugiés qui ont été rejetées par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) du 30 mars 2018, refus confirmé par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 28 août 2018. Par des arrêtés du 9 octobre 2018, le préfet des Vosges leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits à l'expiration de ce délai. M. et Mme D... relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces décisions.
2. Les requêtes n° 19NC00031 et 19NC00032 présentées par M. et Mme D... concernent la situation des membres d'un même couple. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrê
Sur la régularité du jugement :
3. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
4. D'une part, contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ressort des motifs mêmes du jugement attaqué que le magistrat désigné a explicitement répondu au moyen tiré de l'absence de motivation des décisions portant refus de titre de séjour, moyen auquel il n'était d'ailleurs pas tenu de répondre dès lors qu'il était inopérant.
5. D'autre part, si les requérants soutiennent que le premier juge n'a pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il ressort du dossier de première instance qu'ils n'ont pas soulevé ce moyen, qui n'est pas d'ordre public, devant le magistrat désigné. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué ne peut qu'être écarté.
Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ". En l'espèce, les décisions obligeant M. et Mme D... à quitter le territoire français visent notamment les dispositions du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elles mentionnent également le rejet de leurs demandes d'asile par l'OFPRA, puis par la CNDA, l'insuffisance de leurs ressources ainsi que leur situation familiale. Par suite, ces décisions, dont les motifs révèlent que le préfet a procédé à un examen particulier de la situation des requérants, sont suffisamment motivées en droit et en fait. Par ailleurs, M. et Mme D... ne sauraient utilement se prévaloir d'une méconnaissance de l'article 12-1 de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, qui a été intégralement transposée dans l'ordre juridique interne. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit, dès lors, être écarté.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". Il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". L'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".
9. M. et Mme D... se prévalent de leur bonne intégration et de leur maîtrise de la langue française. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'ils vivaient sur le territoire français depuis moins d'un an, à la date des décisions contestées. Par ailleurs, les requérants ne démontrent pas qu'ils seraient dépourvus de toute attache familiale dans leur pays d'origine où ils ont vécu la majeure partie de leur vie. Excepté leur fils mineur, le seul membre de leur famille présent en France est le père de M. D... qui a également fait l'objet d'une mesure d'éloignement. De plus, les décisions contestées ne font pas obstacle à ce que les requérants reconstituent leur cellule familiale dans leur pays d'origine avec leur fils. Dans ces conditions, M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions contestées portant obligation de quitter le territoire français méconnaissent les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, non plus que les dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni qu'elles seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle.
Sur les décisions fixant le pays d'éloignement :
10. En premier lieu, les décisions en litige, qui visent les articles L. 511-1 et L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionnent que M. et Mme D... n'ont pas allégué être exposés, à titre personnel, à des peines et traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, elles sont suffisamment motivées en droit et en fait. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit donc être écarté.
11. En deuxième lieu, pour les mêmes raisons que celles indiquées au point 7, le préfet n'a pas, en fixant le pays de destination, méconnu l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Ce moyen doit donc être écarté.
12. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Et aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants ".
13. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier, comme en attestent les termes des décisions fixant le pays de renvoi de M. et Mme D..., que le préfet des Vosges se serait estimé lié par les décisions de l'OFPRA et de la CNDA.
14. D'autre part, si M. et Mme D... affirment qu'ils seront exposés à des risques de torture et de peines ou de traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans leur pays d'origine, ils ne produisent aucun élément de nature à établir la réalité des risques allégués. Au demeurant, ainsi qu'il a été indiqué plus haut, l'OFPRA et la CNDA ont rejeté leurs demandes d'asile.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont fondés à demander l'annulation ni du jugement du 4 décembre 2018 ni des arrêtés du 9 octobre 2018 par lesquels le préfet des Vosges leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par suite, leurs conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Les requêtes de M. et Mme D... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D..., à Mme D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Vosges.
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N° 19NC00031, 19NC00032