Par une requête enregistrée sous le n° 20NC01100 le 13 mai 2020, Mme A... C..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 30 janvier 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Doubs du 18 septembre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer : à titre principal, un certificat de résident algérien de dix ans dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente de la remise effective de ce titre, un récépissé avec droit au travail, dans un délai de huit jours suivant cette notification ; à titre subsidiaire, une carte " membre de la famille d'un citoyen de l'Union " d'une durée de cinq ans ; à titre infiniment subsidiaire, une autorisation provisoire de séjour assortie du droit au travail dans un délai de huit jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, à renouveler dans l'attente du réexamen du droit au séjour et sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration de ce délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me B... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- en l'absence de changement notable dans les circonstances de fait ou de droit, elle avait droit au renouvellement de son certificat de résident algérien de dix ans, délivré a priori de manière discrétionnaire par le préfet et acquis sans fraude en qualité de concubine d'un ressortissant communautaire et de mère d'enfants ressortissants de l'Union européenne ; son certificat de résidence de dix ans n'était pas périmé ;
- l'arrêté contesté est entaché d'un défaut d'examen sérieux de sa situation, au regard de la nationalité espagnole de ses enfants, qui sont donc ressortissants de l'Union européenne ;
- elle avait droit à tout le moins à la délivrance d'un titre de séjour, soit en qualité de membre de famille de ressortissants communautaires régulièrement scolarisés en France, soit en qualité de membre de famille de ressortissants communautaires disposant de revenus suffisants ;
- la présence de ses enfants mineurs pouvait ouvrir droit au séjour sous le visa de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale, dès lors, d'une part, que le refus de séjour est illégal et, d'autre part, qu'elle est la mère d'enfants mineurs ressortissants de l'Union européenne et régulièrement scolarisés en France.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juin 2020, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 11 mars 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles et ses avenants ;
- la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Favret, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... C..., ressortissante algérienne née en 1975, a résidé régulièrement sur le territoire français de 2004 à 2013 en bénéficiant d'abord, entre 2004 et 2009, de certificats de résidence délivrés sur le fondement du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, puis d'un certificat de résidence de dix ans valable du 23 juin 2009 au 22 juin 2019. Après avoir quitté le territoire français en 2013, elle est revenue s'y établir en 2018 avec ses deux enfants. Le 26 avril 2019, elle a sollicité le renouvellement de son certificat de résidence de dix ans. Toutefois, par un arrêté du 18 septembre 2019, le préfet du Doubs a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, au motif que le certificat de résidence de dix ans de Mme C... était périmée, dès lors que l'intéressée avait vécu plus de trois ans hors du territoire français, de 2013 à 2018. Mme C... fait appel du jugement du 30 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 18 septembre 2019 :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un ressortissant algérien qui aura quitté le territoire français pendant une période de plus de trois ans consécutifs est périmé. / Toutefois, il lui sera possible de demander la prolongation de la période visée au premier alinéa, soit avant son départ de France, soit par l'intermédiaire des Ambassades et Consulats français ".
3. En application de ces stipulations, un certificat de résidence n'est périmé qu'en cas d'absence du territoire français pendant une période de plus de trois années consécutives, qui n'est interrompue par aucun séjour en France ou par des retours qui, étant purement ponctuels, ne permettent pas de regarder l'intéressé comme ayant interrompu son absence du territoire national.
4. Il ressort des pièces du dossier et il n'est au demeurant pas contesté que Mme C... a quitté le territoire français avec ses enfants au cours de l'année 2013, à une date non déterminée, à la suite de son divorce avec le père, de nationalité espagnole, de ces derniers. Il ressort également des pièces du dossier qu'elle est revenue s'installer durablement en France à compter du 18 août 2018, soit plus de trois ans après avoir quitté le territoire français. Si la requérante a effectué des séjours très courts en France du 31 mars au 5 avril 2016, du 1er au 3 mai 2016 et du 13 au 19 novembre 2016, puis du 1er au 6 avril 2017, ces séjours, destinés, selon les dires mêmes de l'intéressée, à lui permettre de trouver une location et un emploi en vue d'une réinstallation effective et durable sur le territoire français, étaient purement ponctuels et ne permettent donc pas de regarder Mme C... comme ayant interrompu son absence du territoire national pendant une période de plus de trois années consécutives. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que son certificat de résidence de dix ans n'était pas périmé et qu'elle avait droit au renouvellement de ce certificat, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que ce titre de séjour, qui n'avait pas été délivré à l'intéressée en qualité de concubine d'un ressortissant communautaire ou de mère d'enfants ressortissants de l'Union européenne, n'avait pas été frauduleusement obtenu.
5. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Doubs n'aurait pas procédé à l'examen de la situation particulière de Mme C..., notamment au regard de la nationalité espagnole de ses enfants, avant d'opposer un refus à sa demande de renouvellement de son certificat de résidence algérien de dix ans. Dès lors, le moyen tiré de ce que préfet n'aurait pas procédé à un tel examen doit être écarté.
6. En troisième lieu, si Mme C... soutient qu'elle avait droit à tout le moins à la délivrance d'un titre de séjour, soit en qualité de membre de famille de ressortissants communautaires régulièrement scolarisés en France, soit en qualité de membre de famille de ressortissants communautaires disposant de revenus suffisants, il ressort des pièces du dossier qu'elle s'était bornée à solliciter le renouvellement de son certificat de résident d'Algérien de dix ans, certificat dont les motifs de délivrance ne concernent pas les membres de familles de ressortissants de l'Union européenne. Par suite, et alors qu'elle ne se prévaut que de jurisprudences relatives à la situation d'étrangers non ressortissants d'un État membre de l'Union européenne vivant maritalement avec un ressortissant de l'Union européenne, la requérante, qui avait divorcé du père de ses enfants en 2013, ne saurait utilement soutenir que le préfet du Doubs aurait dû lui délivrer un titre de séjour en application du droit de l'Union européenne.
7. En quatrième lieu, aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
8. Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
9. L'arrêté contesté n'a ni pour objet ni pour effet de séparer Mme C... de ses deux enfants et la requérante n'établit pas que la scolarité de ces derniers ne pourrait pas se poursuivre hors de France. Par ailleurs, la requérante souligne elle-même que le père de ses enfants refuse d'assumer ses obligations parentales. Par suite, l'arrêté contesté ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant.
10. En cinquième lieu, il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est fondée, ni à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision refusant de lui accorder un titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire.
11. Les dispositions invoquées par Mme C... de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, reprenant en droit interne le 1 de l'article 7 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, ne prévoient pas un droit au séjour pour des personnes qui ne sont pas citoyens de l'Union européenne ou ressortissants d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse. Dès lors, Mme C... ne peut utilement soutenir que, ayant droit à un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions, elle ne pourrait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Doubs du 18 septembre 2019. Ses conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées par voie de conséquence.
Sur les frais liés à l'instance :
13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
14. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de Mme C... demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Doubs.
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N° 20NC01100