2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 7 décembre 2017 par lequel le préfet du Haut-Rhin a décidé de le transférer auprès des autorités italiennes en charge de l'examen de sa demande d'asile et, d'autre part, l'arrêté du 31 janvier 2018 par lequel le préfet du Haut-Rhin l'a assigné à résidence durant quarante-cinq jours ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et un formulaire de demande d'asile, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me A... de la somme de 1 200 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. D... soutient que :
S'agissant de la décision de transfert :
- il n'a pas bénéficié d'un entretien individuel effectif ;
- la décision est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors que les autorités italiennes se trouvent en grande difficulté pour traiter les demandes d'asile, que l'asile doit être accepté en France en application de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, et qu'il a fait l'objet de menaces en Italie du fait de son homosexualité ;
- elle est contraire à l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne interdisant les traitements inhumains et dégradants, ainsi qu'aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision portant assignation à résidence :
- il n'a pas reçu l'information prévue par l'article L. 561-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision est insuffisamment motivée en droit et en fait ;
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de transfert ;
- elle porte atteinte à la liberté d'aller et venir et au droit de mener une vie familiale normale;
- le préfet ne démontre pas en quoi il était justifié et proportionné de l'assigner à résidence durant quarante-cinq jours, en lieu et place de lui accorder un délai de départ volontaire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 novembre 2018, complété par des pièces enregistrées le 30 novembre 2018, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Le préfet du Haut-Rhin soutient que :
- la requête est irrecevable, à titre principal, parce qu'elle est tardive et, à titre subsidiaire, parce que le requérant se contente de reprendre ses moyens de première instance, sans apporter d'arguments ou d'éléments nouveaux ;
- les moyens soulevés par le requérant, qui est regardé comme ayant pris la fuite, ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 4 mars 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 25 mars 2019.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 19 juin 2018.
Par un courrier en date du 29 novembre 2018, les parties ont été informées de ce que la cour était, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, susceptible de soulever d'office le moyen tiré du non-lieu à statuer sur les conclusions à fins d'annulation de la décision de transfert attaquée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Favret, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., de nationalité camerounaise, est entré irrégulièrement en France en juin 2017 et y a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile le 23 octobre suivant. Estimant que sa demande d'asile relevait de la compétence de l'Italie, le préfet du Haut-Rhin a pris à son encontre, d'une part, un arrêté du 7 décembre 2017 portant décision de transfert de l'intéressé auprès des autorités italiennes en charge de l'examen de sa demande d'asile et, d'autre part, un arrêté du 31 janvier 2018 par lequel il a assigné M. D... à résidence durant quarante-cinq jours. Par le jugement attaqué du 6 février 2018, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de M. D... tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.
Sur l'arrêté du 7 décembre 2017 portant transfert auprès des autorités italiennes :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 (Dublin III) : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que M. D..., a reçu toutes les informations requises en application de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et, d'autre part, que l'entretien individuel a été mené par Mme B..., agent préfectoral au service de l'immigration et de l'intégration et compétente pour conduire l'entretien, en vertu d'un arrêté du 26 septembre 2017 portant délégation de signature au directeur de la réglementation et des libertés publiques de la préfecture du Haut-Rhin. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que l'intéressé n'aurait pas bénéficié d'un entretien individuel effectif doit être écarté.
4. En deuxième lieu, en se bornant à évoquer la situation générale qui prévaudrait en Italie à l'égard des demandeurs d'asile, le requérant, déclaré en fuite, n'apporte aucun élément probant relatif à sa situation personnelle dans ce pays, notamment au regard de son orientation sexuelle. En outre, en dépit des difficultés passagères que rencontre l'Italie dans le traitement des demandes d'asile, aucun élément du dossier ne permet d'affirmer que la demande d'asile de l'intéressé ne serait pas instruite, dans ce pays, dans des conditions conformes aux garanties exigées par le respect du droit d'asile. M. D... n'est ainsi pas fondé à soutenir que la décision contestée serait entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation.
5. En troisième lieu, l'Italie étant membre de l'Union européenne et partie à la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée méconnaîtrait les stipulations de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la décision portant assignation à résidence :
6. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à exciper, de l'illégalité de la décision portant transfert aux autorités italiennes, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision d'assignation à résidence.
7. En deuxième lieu, M. D... a reçu au cours de l'entretien de notification de la décision de transfert vers l'Italie, comme en atteste le document signé de sa part produit en défense, toutes les informations prévues par l'article L. 561-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.
8. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que la décision assignant le requérant à résidence comporte les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement. Dès lors, le moyen tiré de ce qu'elle serait insuffisamment motivée doit être écarté.
9. En quatrième lieu, aux termes du 2° de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, l'autorité administrative peut, jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, l'autoriser à se maintenir provisoirement sur le territoire français en l'assignant à résidence, dans les cas suivants : 2° Si l'étranger doit être remis aux autorités d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ou transféré vers l'Etat responsable de sa demande d'asile en application de l'article L. 742-3 ".
10. En l'espèce, la mesure en cause a été prise en application de ces dispositions, dès lors qu'il existe une perspective raisonnable de transférer M. D... vers l'Etat responsable de sa demande d'asile. En outre, M. D..., célibataire et sans enfant, est démuni de tous documents de voyage. Le moyen tiré de ce que la décision contestée porterait atteinte à la liberté d'aller et venir et au droit de l'intéressé de mener une vie familiale normale doit ainsi être écarté.
11. En cinquième lieu, en se bornant à soutenir que le préfet du Haut-Rhin ne démontre pas en quoi il était justifié et proportionné de l'assigner à résidence durant quarante-cinq jours, plutôt que de lui accorder un délai de départ volontaire, sans assortir ses allégations des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé, M. D... n'établit pas que la décision contestée serait manifestement disproportionnée par rapport aux buts poursuivis.
12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du préfet du Haut-Rhin des 7 décembre 2017 et 31 janvier 2018. Ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et un formulaire de demande d'asile, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard doivent être rejetées, par voie de conséquence.
Sur les frais liés à l'instance :
13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
14. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de M. D... demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
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N° 18NC02049