2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet du Doubs du 16 février 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et durant ce temps de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans le délai de cinq jours ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me C... d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. A... B... soutient que :
- le préfet du Doubs ne pouvait pas, sans méconnaître l'autorité de chose jugée, refuser à nouveau la délivrance du titre de séjour en se fondant sur la fraude ;
- il pouvait prétendre à un titre de séjour sur le fondement du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnait le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le refus de titre de séjour étant illégal, les décisions portant obligation de quitter le territoire, fixant un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination sont elles-mêmes illégales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 novembre 2018, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 4 mars 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 26 mars 2019.
M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 10 juillet 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Favret, premier conseiller a été entendus au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant tchadien se déclarant mineur, est entré irrégulièrement en France le 25 septembre 2012. Il a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance du Doubs le 26 novembre 2012. Il a sollicité, le 10 mars 2015, son admission au séjour sur le fondement du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le tribunal administratif de Besançon ayant annulé, par un jugement du 23 mai 2017, l'arrêté du préfet du Doubs du 2 janvier 2017 ayant rejeté cette demande, le dossier de l'intéressé a été réexaminé mais, par un arrêté du 16 février 2018, le préfet du Doubs a, de nouveau, refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... B... fait appel du jugement du 17 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce second arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 16 février 2018 :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 2° bis À l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigée (...) ".
3. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Ces dispositions posent une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère. Il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question.
4. Pour estimer qu'était entaché d'erreur de fait le motif tiré de ce que l'âge exact de M. A... B... au moment de sa prise en charge par l'aide sociale à l'enfance n'était pas établi et annuler, par suite, le premier arrêté de refus de titre de séjour que lui avait opposé le préfet du Doubs le 2 janvier 2017, le tribunal administratif de Besançon avait, par son jugement du 23 mai 2017, pris en compte un acte de notoriété du 7 décembre 2016 émanant de la sous-préfecture de Hajer-Hadid (Tchad) aux termes duquel l'intéressé serait né le 10 mars 1997 à Alacha. Si, dans le cadre du réexamen de la demande de M. A... B..., le préfet du Doubs s'est fondé sur l'information communiquée par le directeur interdépartemental de la police aux frontières de Pontarlier, selon laquelle cet acte de notoriété constituait un faux, il est constant que M. A... B... avait également produit un nouvel acte de naissance, une carte d'identité consulaire délivrée par l'ambassade du Tchad ainsi qu'un passeport, délivré le 22 juin 2017, qui tous mentionnent qu'il est né le 10 mars 1997. Le préfet ne pouvant utilement se borner à soutenir, pour les écarter, que ces actes auraient été délivrés par les autorités tchadiennes sur la base de l'acte de notoriété argué de faux sans avoir procédé à la vérification de cette assertion auprès de ces autorités, il n'apporte pas, dans ces conditions, la preuve, qui lui incombe, que les informations sur l'état civil de M. A... B... figurant dans ces documents ne correspondent pas à la réalité. Il en résulte qu'en estimant, dans son arrêté du 16 février 2018, qu'il n'était pas établi qu'à la date à laquelle l'intéressé a été confié à l'aide sociale à l'enfance, il était âgé de moins de seize ans, le préfet du Doubs a commis une erreur de fait.
5. Il résulte de ce qui précède que M. A... B... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Doubs du 16 février 2018 qui a refusé de lui délivrer une carte de séjour sur le fondement des dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qui lui a fait obligation de quitter le territoire français dans les trente jours, en fixant le pays de destination.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".
7. Il ressort des pièces du dossier que M. A... B..., qui n'a plus de liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et dont le parcours de formation donnait toute satisfaction, remplissait les autres conditions prévues par les dispositions précitées du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu, par suite et dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre au préfet de délivrer à l'intéressé une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés à l'instance :
11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me C... d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me C... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1800405 du 17 mai 2018 du tribunal administratif de Besançon est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet du Doubs du 16 février 2018 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Doubs de délivrer à M. A... B... une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me C... la somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me C... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... B..., au ministre de l'intérieur et au préfet du Doubs.
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N° 18NC02096