Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 19NC01955 le 20 juin 2019, complétée par un mémoire enregistré le 5 octobre 2020, M. et Mme H... D..., représentés par Me C..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 30 avril 2019 ;
2°) d'annuler la décision du maire de Vieilley du 26 juillet 2017 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Vieilley une somme de 3 000 euros à leur verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la minute du jugement ne comporte pas la signature manuscrite des membres de la formation de jugement qui ont siégé lors de l'audience du 2 avril 2019 ;
- la décision contestée méconnaît les principes de la domanialité publique en vertu desquels une servitude conventionnelle de droit privé peut être maintenue sur une parcelle appartenant au domaine public, à la double condition, d'une part, d'avoir été consentie antérieurement à l'incorporation de cette parcelle dans le domaine public, lorsque cette incorporation est elle aussi antérieure à l'entrée en vigueur du code général de la propriété des personnes publiques et, d'autre part, d'être compatible avec son affectation ; le passage caillouteux rejoignant le chemin des Taillerots et passant sur la parcelle cadastrée section ZE n° 62 caractérise une servitude par destination du père de famille ; il suffirait de déplacer légèrement la clôture pour leur permettre d'emprunter ce passage caillouteux.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 septembre et 13 octobre 2020, la commune de Vieilley, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. et Mme D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Un mémoire présenté pour M. et Mme D..., tendant aux mêmes fins que ses écritures précédentes par les mêmes moyens, a été enregistré le 29 octobre 2020, avant la clôture de l'instruction, et n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Favret, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Peton, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., pour M. et Mme D..., ainsi que celles de Me F... substituant Me E..., pour la commune de Vieilley.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme H... D... sont propriétaires à Vieilley (Doubs) d'une maison implantée sur la parcelle cadastrée section ZE n° 63, attenante à la parcelle cadastrée section ZE n° 62, qui appartient au domaine public communal. S'ils ont pu longtemps accéder à leur parcelle en empruntant un passage caillouteux situé sur la parcelle appartenant à la commune et reliant le chemin de Taillerots à leur propriété, la commune de Vieilley a décidé, en 2016, de clôturer sa parcelle, les privant ainsi de cet accès. N'ayant pas obtenu du juge judiciaire la reconnaissance de l'existence, à leur profit, d'une servitude de passage sur la parcelle communale, M. et Mme D... ont demandé au maire de Vieilley de leur reconnaître un droit de passage sur cette parcelle. Par une décision du 26 juillet 2017, le maire a rejeté leur demande. M. et Mme D... font appel du jugement du 30 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande d'annulation de cette décision.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ".
3. Il résulte de l'examen de la minute du jugement attaqué que celle-ci comporte les signatures manuscrites requises par ces dispositions. Par suite, M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Il résulte des principes de la domanialité publique qu'une servitude conventionnelle de droit privé constituée avant l'entrée en vigueur, au 1er juillet 2006, du code général de la propriété des personnes publiques peut être maintenue sur une parcelle appartenant au domaine public à la double condition d'avoir été consentie antérieurement à l'incorporation de cette parcelle dans le domaine public, lorsque cette incorporation est elle aussi antérieure à l'entrée en vigueur du code, et d'être compatible avec son affectation.
5. Aux termes de l'article 637 du code civil : " Une servitude est une charge imposée sur un héritage pour l'usage et l'utilité d'un héritage appartenant à un autre propriétaire ". L'article 639 du même code prévoit que : " Elle dérive ou de la situation naturelle des lieux, ou des obligations imposées par la loi, ou des conventions entre les propriétaires ". Aux termes de l'article 692 du même code : " La destination du père de famille vaut titre à l'égard des servitudes continues et apparentes ". Enfin, l'article 693 du même code dispose que : " Il n'y a destination du père de famille que lorsqu'il est prouvé que les deux fonds actuellement divisés ont appartenu au même propriétaire, et que c'est par lui que les choses ont été mises dans l'état duquel résulte la servitude ".
6. La destination du père de famille vaut titre à l'égard des servitudes discontinues, lorsqu'existent, lors de la division du fonds, des signes apparents de servitude et que l'acte de division ne contient aucune stipulation contraire à leur maintien. La servitude par destination du père de famille suppose notamment un aménagement suffisamment permanent pour révéler la volonté du constituant d'assujettir les fonds l'un à l'autre.
7. Il est constant que M. G... a, par acte notarié en date du 24 octobre 1974, cédé aux époux Maitre-Mauvilly une partie du terrain dont il était propriétaire, correspondant à la parcelle désormais cadastrée section ZE n° 63, puis, par acte notarié en date du 3 décembre 1980, cédé à la commune de Vieilley la seconde partie de son terrain, correspondant à la parcelle désormais cadastrée section ZE n° 62. La parcelle communale cadastrée section ZE n° 62 et la parcelle cadastrée section ZE n° 63 dont les époux D... sont propriétaires résultent ainsi de la division d'une parcelle unique ayant appartenue, avant l'année 1974, à M. G....
8. Si les requérants soutiennent qu'ils bénéficient d'une servitude conventionnelle par destination du père de famille, constituée par le passage caillouteux situé sur la parcelle communale et reliant le chemin de Taillerots à leur propriété, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des photographies et attestations produites par les époux D..., que la servitude dont ils se prévalent existait depuis le début des années 1970, et en particulier en 1974. A cet égard, ni l'acte notarié en date du 24 octobre 1974, ni celui du 3 décembre 1980, pas plus que l'acte notarié établi par Me J... le 23 mai 1992 relatif à la vente entre les époux Maitre-Mauvilly et les époux D... de la parcelle n° 63, ne mentionnent l'existence d'une telle servitude. En outre, dès lors que les attestations de M. I... et de Mme A... se bornent à indiquer que M. Maitre-Mauvilly accédait à sa parcelle en empruntant le passage caillouteux, elles ne permettent pas d'établir que la situation des lieux comportait un signe apparent de servitude à la date de la division du fonds intervenue en 1974. Les seules circonstances que ce chemin serait recouvert de cailloux et que des piquets de clôture y seraient plantés ne suffisent pas pour considérer qu'il a fait l'objet, avant le 24 octobre 1974, d'un aménagement suffisamment permanent pour révéler la volonté de M. G... d'assujettir les parcelles cadastrées section ZE n° 62 et 63 l'une à l'autre. Par suite, les requérants ne peuvent clairement pas se prévaloir d'une servitude par destination du père de famille.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande d'annulation de la décision du maire de Vieilley du 26 juillet 2017.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Vieilley, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. et Mme D... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme D... une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Vieilley au titre des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme H... D... est rejetée.
Article 2 : M. et Mme D... verseront à la commune de Vieilley une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme H... D... et à la commune de Vieilley.
Copie en sera adressée au préfet du Doubs.
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N° 19NC01955