Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 juillet 2019, M. D..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 3 avril 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 janvier 2019 en tant que le préfet du Doubs lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir en lui délivrant, dans l'attente, dans un délai de huit jours, un récépissé de titre de séjour l'autorisant à travailler ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Doubs de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir en lui délivrant, dans l'attente, un récépissé l'autorisant à travailler dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il a retenu à tort que la requête était irrecevable ;
- l'arrêté méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du 10° de l'article L. 511-4 du même code ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle est dépourvue de base légale ;
- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 octobre 2019, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 18 juin 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C..., présidente-assesseure,
- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant mauritanien, est, selon ses déclarations, entré en France le 11 décembre 2017. Le 8 juin 2018, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du 17 janvier 2019, le préfet du Doubs a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit. M. D... fait appel du jugement du 3 avril 2019 par lequel le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Lorsque, dans l'hypothèse mentionnée à l'article L. 311-6, un refus de séjour a été opposé à l'étranger, la mesure peut être prise sur le seul fondement du présent 6° (...) " Aux termes du I de l'article L. 512-1 du même code : " L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 3°, 5°, 7° ou 8° du I de l'article L. 511-1 ou sur le fondement de l'article L. 511-3-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 511-1 ou au sixième alinéa de l'article L. 511-3-1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. (...) ". Aux termes également de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".
3. Il résulte de l'ensemble des termes de l'arrêté litigieux que la décision portant obligation de quitter le territoire français est fondée, non pas sur le 6° de l'article L. 511-1, I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mais sur le 3° de ce même article. Le requérant disposait donc, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, d'un délai de recours de trente jours à compter de la notification de cette décision en vertu des dispositions de l'article L. 512-1 précitées pour introduire son recours. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté a été notifié à M. D... le 19 janvier 2019. Si cette notification était accompagnée d'un formulaire relatif aux voies et délais de recours ouverts à l'encontre de l'arrêté, elle ne comportait pas de mention du délai de recours de trente jours légalement applicable. Ce délai n'était donc pas opposable. Dans ces conditions, la demande présentée devant le tribunal administratif de Besançon le 8 février 2019, qui, en tout état de cause, a été enregistrée moins de trente jours après la notification de l'arrêté litigieux, n'était pas tardive. Par suite, le jugement du tribunal administratif de Besançon, qui a retenu à tort l'irrecevabilité de la demande de première instance, est entaché d'irrégularité. Il y a dès lors lieu de l'annuler et de statuer sur cette demande par la voie de l'évocation.
Sur la légalité des décisions attaquées :
4. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes également de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".
5. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte-tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle.
6. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tout élément permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
7. Il ressort des pièces du dossier que M. D... souffre d'un diabète déséquilibré de type 1 et d'une hépatite B. Il est également atteint de la syphilis. En raison de ses pathologies, le requérant bénéficie d'un suivi régulier dans différentes disciplines médicales, et notamment en hépatologie et en diabétologie, ainsi que d'un traitement médicamenteux. Pour remettre en cause la présomption d'indisponibilité des soins résultant de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) le 26 novembre 2018, le préfet du Doubs, qui ne conteste pas la gravité de l'état de santé du requérant, se prévaut d'un courrier électronique du conseiller de santé auprès de la direction générale des étrangers en France au ministère de l'intérieur du 29 novembre 2018 selon lequel le traitement de l'intéressé est disponible en Mauritanie. Ce courriel est toutefois rédigé dans des termes généraux qui ne peuvent suffire à remettre en cause la présomption d'indisponibilité des soins en Mauritanie pour le cas précis de M. D.... De plus, le préfet ne produit pas la liste des médicaments disponibles en Mauritanie mentionnée dans ce courriel. Par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. D..., qui justifie d'un avis du conseil des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable, est fondé à soutenir que c'est à tort que le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité et à demander pour ce motif l'annulation de l'arrêté du 17 janvier 2019 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et, par voie de conséquence, en tant qu'il fixe le pays de destination.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. L'exécution du présent arrêt implique seulement que le préfet statue à nouveau sur le cas de M. D... et que, dans cette attente, soit délivrée à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour en application des dispositions de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Doubs de statuer à nouveau sur le cas de M. D... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de délivrer à l'intéressé, dans l'attente d'une nouvelle décision à intervenir, une autorisation provisoire de séjour.
Sur les frais liés à l'instance :
9. M. D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me A..., avocat de M. D..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me A... de la somme de 1 200 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1900265 du 3 avril 2019 du tribunal administratif de Besançon est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet du Doubs du 17 janvier 2019 est annulé en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Doubs de statuer à nouveau sur le cas de M. D... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de délivrer à l'intéressé, dans l'attente d'une nouvelle décision à intervenir, une autorisation provisoire de séjour.
Article 4 : L'Etat versera à Me A..., avocat de M. D..., une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me A... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Doubs.
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N° 19NC02362