Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 20NC00549 le 2 mars 2020, Mme C... B..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 15 octobre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Moselle du 6 mai 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement de réexaminer sa situation dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me A... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision de refus de séjour :
- le préfet n'a pas étudié sa demande au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne s'est donc pas livré à un examen particulier de sa situation personnelle ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'elle est à la charge exclusive de sa fille qui l'héberge et qu'elle fait l'objet de menaces au Gabon du fait de l'engagement politique de sa fille ;
- le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence et s'est cru à tort en situation de compétence liée pour refuser de l'admettre au séjour en qualité d'ascendant à charge de Français, faute de production d'un visa de long séjour ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'elle est à la charge exclusive de sa fille qui l'héberge et qu'elle fait l'objet de menaces au Gabon du fait de l'engagement politique de sa fille ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est insuffisamment motivée, car elle n'indique pas les considérations de fait propres à sa situation, en particulier s'agissant des risques qu'elle serait susceptible d'encourir en cas de retour dans son pays d'origine ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 décembre 2020, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 11 février 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Favret, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... B..., ressortissante gabonaise, née le 4 novembre 1956, est entrée en France le 24 avril 2017, pour y solliciter l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 9 février 2018, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 18 octobre 2018. Elle a alors sollicité son admission au séjour en qualité d'ascendante à charge d'une ressortissante française. Par un arrêté du 6 mai 2019, le préfet de la Moselle a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... fait appel du jugement du 15 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, si la décision contestée ne mentionne pas l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle précise que le préfet de la Moselle n'a pas jugé opportun d'admettre Mme B... au séjour, " à titre dérogatoire ou pour des motifs exceptionnels ou humanitaires ". En outre, elle indique qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée aux droits de l'intéressée au respect de sa vie familiale et que Mme B... n'a pas justifié être exposée à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet ne s'est pas livré à un examen particulier de sa situation personnelle et qu'il s'est cru en situation de compétence liée pour refuser de l'admettre au séjour en qualité d'ascendant à charge de Français, faute de production d'un visa de long séjour.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : (...) 2° A l'enfant étranger d'un ressortissant de nationalité française si cet enfant est âgé de dix-huit à vingt et un ans ou dans les conditions prévues à l'article L. 311-3 ou s'il est à la charge de ses parents ainsi qu'aux ascendants d'un tel ressortissant et de son conjoint qui sont à sa charge, sous réserve qu'ils produisent un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ".
4. Outre qu'il est constant que Mme B... ne justifiait pas du visa requis par ces dispositions, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle était à la charge exclusive de sa fille Carmelle, ressortissante française, à la date de la décision contestée. Par suite, la requérante, qui par ailleurs n'est pas isolée au Gabon où résident notamment quatre de ses enfants, n'est pas fondée à soutenir que cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
5. En troisième lieu, Mme B... ne saurait utilement soutenir qu'elle encourt des risques pour sa sécurité en cas de renvoi dans son pays d'origine, dès lors que la décision lui refusant un titre de séjour n'implique pas, par elle-même, un retour au Gabon.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision refusant de lui accorder un titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire.
7. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux développés au point 4 du présent arrêt, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle serait à la charge exclusive de sa fille qui l'héberge.
8. En troisième lieu, si la requérante soutient que la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'elle fait l'objet de menaces au Gabon du fait de l'engagement politique de sa fille Carmelle, laquelle ferait partie du mouvement dit " Trop c'est trop ", militerait tantôt à Genève tantôt à Washington, ainsi que sur les réseaux sociaux, sous un pseudonyme, elle n'établit pas, par les pièces qu'elle produit, qu'elle risquerait d'être personnellement exposée à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour au Gabon, alors que sa demande d'asile a été, ainsi qu'il a été dit plus haut, rejetée par l'OFPRA et par la CNDA. Par suite, le moyen doit être écarté.
Sur la décision fixant le pays d'éloignement :
9. En premier lieu, la décision attaquée, qui vise notamment l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et précise que Mme B... n'a pas justifié être exposée à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine, comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée.
10. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
11. Si la requérante affirme que sa vie est menacée au Gabon du fait de l'engagement politique de sa fille Carmelle, elle n'établit pas, par les pièces qu'elle produit, qu'elle risquerait d'être personnellement exposée à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour au Gabon. D'ailleurs, ainsi qu'il a été dit au point 1 du présent arrêt, la demande d'asile de Mme B... a été rejetée par une décision de l'OFPRA en date du 9 février 2018, confirmée par une décision de la CNDA en date du 18 octobre 2018. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut qu'être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Moselle du 6 mai 2019. Ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement de réexaminer sa situation dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte doivent par voie de conséquence être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
14. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de Mme B... demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
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N° 20NC00549