Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n°18NC03428 le 20 décembre 2018, M. B... D..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 26 septembre 2018 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 15 mai 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ainsi qu'une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours, sous une astreinte de 150 euros par jour de retard.
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me E... de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- Mme A... n'était pas compétente pour signer l'arrêté, dès lors que M. C... n'était ni absent ni empêché le 15 mai 2018, puisqu'il a signé le même jour un arrêté prescrivant l'ouverture d'une enquête publique relative à un projet de restructuration de la Zone Commerciale Nord ;
- l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a été émis dans des conditions irrégulières, en ce qu'il n'est pas démontré que le médecin instructeur qui a rédigé le rapport médical n'a pas siégé au sein de ce collège, et en ce que cet avis ne lui a pas été communiqué et que, n'ayant ainsi pu faire valoir ses observations, il a donc été privé d'une garantie ;
- l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, car le collège des médecins de l'OFII était irrégulièrement composé ;
- il méconnaît également les stipulations du 2 de cet article en ce qu'il est entré en France muni d'un passeport en cours de validité revêtu d'un visa de court séjour et qu'il s'est marié avec une ressortissante française le 29 juin 2018 ;
- il méconnaît enfin les stipulations du 5 du même article ainsi que celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à son mariage et à son activité de bénévole ;
- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 août 2019, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Le préfet du Bas-Rhin fait valoir que :
- la requête est devenue sans objet, dès lors qu'il a délivré à M. B... D... un certificat de résident algérien valable du 10 avril 2019 au 9 avril 2020 ;
- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. B... D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 18 décembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Favret, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... D..., de nationalité algérienne, est entré sur le territoire français le 25 octobre 2014, muni d'un passeport en cours de validité revêtu d'un visa de court séjour valable jusqu'au 3 mars 2014. Le 18 mai 2017, il a sollicité son admission au séjour pour raison de santé, mais le préfet du Bas-Rhin a, par un arrêté en date du 15 mai 2018, refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. Par le jugement attaqué du 26 septembre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de M. B... D... tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur l'exception de non-lieu à statuer soulevée par le préfet du Bas-Rhin :
2. Si le préfet du Bas-Rhin fait valoir qu'il a, sur demande de M. B... D... présentée le 22 mars 2019, délivré à l'intéressé un certificat de résidence algérien valable du 10 avril 2019 au 9 avril 2020, cette circonstance ne saurait priver d'objet la requête qui tend à l'annulation d'une décision antérieure portant refus de titre de séjour du 15 mai 2018 qui n'a pas été retirée. Toutefois, en accordant ce certificat de résidence, par une décision devenue définitive, le préfet doit être regardé comme ayant abrogé ses décisions obligeant l'intéressé à quitter le territoire français et fixant le pays de destination. Ces dernières n'ayant fait l'objet d'aucune exécution, il n'y a, par suite, plus lieu de statuer sur les conclusions d'appel en tant qu'elles sont dirigées contre elles. Il n'y a, de même, plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à ce qu'il soit fait injonction au préfet de délivrer au requérant un certificat de résidence.
Sur la légalité du refus de titre de séjour du 15 mai 2018 :
3. En premier lieu, le préfet du Bas-Rhin a, par un arrêté du 18 octobre 2017, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du 20 octobre suivant, donné délégation à Mme Nadia A..., secrétaire générale adjointe, en cas d'absence ou d'empêchement de M. Yves C..., secrétaire général, pour signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents, correspondances administratives diverses relevant des attributions de l'Etat dans le département à l'exception de certains actes parmi lesquels ne figurent pas la police des étrangers. S'il n'est pas contesté que M. C... a signé, le 15 mai 2018, un arrêté prescrivant l'ouverture d'une enquête publique relative à un projet de restructuration de la Zone Commerciale Nord, cette circonstance ne suffit pas à établir qu'il n'était pas absent ou empêché au moment où l'arrêté litigieux du 15 mai 2018 a été signé par Mme A.... Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de Mme A..., signataire de la décision contestée, doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".
5. Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable aux ressortissants algériens pour la mise en oeuvre de ces stipulations, dans sa version en vigueur à la date de la décision contestée : " (...) le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu (...) d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) " Aux termes de l'article R. 313-23 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22 (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège ".
6. Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application de ces dispositions: " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
7. S'il ne résulte d'aucune de ces dispositions, non plus que d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) devrait comporter la mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu par l'article R. 313-22, qui est transmis au collège de médecins, en revanche ces dispositions prévoient que le médecin rapporteur ne siège pas au sein de ce collège. En cas de contestation devant le juge administratif portant sur ce point, il appartient à l'autorité administrative d'apporter les éléments qui permettent l'identification du médecin qui a rédigé le rapport et, par suite, le contrôle de la régularité de la composition du collège de médecins. Le respect du secret médical s'oppose toutefois à la communication à l'autorité administrative, à fin d'identification de ce médecin, de son rapport, dont les dispositions précitées de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoient la transmission qu'au seul collège de médecins et, par suite, à ce que le juge administratif sollicite la communication par le préfet ou par le demandeur d'un tel document.
8. Il ressort des pièces versées au dossier par le préfet du Bas-Rhin, en particulier du bordereau de transmission de l'avis du collège de médecins au préfet par les services de l'OFII, que le rapport médical sur l'état de santé de M. B... D... a été établi, le 12 novembre 2017, par un premier médecin, le docteur Ricatte, qui n'a pas siégé au sein du collège de médecins ayant rendu l'avis du 12 février 2018, lequel était composé des docteurs Haddad, Benazouz et Mbomeyo. Par ailleurs, aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe général du droit n'imposait au préfet de communiquer cet avis à l'intéressé et de lui permettre de faire valoir ses observations. Par suite, le moyen tiré de ce que l'avis du collège de médecins de l'OFII a été rendu dans des conditions irrégulières et méconnaîtrait ainsi les stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien doit être écarté.
9. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que le requérant avait sollicité, le 18 mai 2017, son admission au séjour pour raison de santé et qu'il n'avait pas présenté de demande de certificat de résidence sur le fondement du 2 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, ainsi qu'il l'a fait le 22 mars 2019 seulement, soit postérieurement à la décision litigieuse. En outre, il ne ressort pas des termes de l'arrêté préfectoral contesté, ni d'aucune autre pièce du dossier, que le préfet du Bas-Rhin avait alors spontanément examiné la possibilité de lui délivrer un certificat de résidence sur ce fondement ni d'ailleurs sur le fondement du 5 de cet article. Par suite, M. B... D... ne saurait utilement soutenir que les stipulations du 2 et du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ont été méconnues.
10. En quatrième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
11. Il ressort des pièces du dossier que M. B... D... est entré en France le 25 octobre 2014, à l'âge de vingt-huit ans. Il ne résidait ainsi sur le territoire français que depuis un peu plus de trois ans et demi, à la date de l'arrêté préfectoral contesté. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à son arrivée en France et où résident ses parents et tous les membres de sa fratrie. Par ailleurs, la circonstance qu'il travaille bénévolement pour les Restaurants du coeur du Bas-Rhin ne suffit pas à établir qu'il se serait bien intégré en France. Par ailleurs, si le requérant s'est marié avec une ressortissante française le 29 juin 2018, cette circonstance, postérieure à la date de l'arrêté attaqué, est sans influence sur sa légalité. En outre, M. B... D... reconnaît lui-même, dans ses écritures, qu'il ne fréquentait sa future épouse que depuis quelques mois, à la date de l'arrêté litigieux. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que l'arrêté litigieux serait entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant doivent être écartés.
12. Il résulte de tout ce qui précède, que M. B... D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 15 mai 2018 lui refusant un certificat de résidence.
Sur les frais liés à l'instance :
13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
14. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui ne peut être regardé, dans la présente instance, comme la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de M. B... D... demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions d'appel dirigées par M. B... D... contre le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 26 septembre 2018 en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation des décisions du 15 mai 2018 du préfet du Bas-Rhin portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination, sur ses conclusions tendant à l'annulation de ces décisions du 15 mai 2018 et sur ses conclusions aux fins d'injonction.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... D... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... B... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
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N° 18NC03428