Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 novembre 2020, M. A... B..., représenté par Me Dornic, doit être regardé comme demandant à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2006377 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 22 octobre 2020 en tant qu'elle a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 12 octobre 2020 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement, lui a interdit le retour sur le territoire français pendant deux ans et l'a informé qu'il faisait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pendant la durée de l'interdiction de retour ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combines des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée et elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation ;
- la décision portant fixation du pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale en ce qu'elle n'a pas été reprise dans le dispositif de l'arrêté contesté ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français étant illégale, son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen doit être annulé.
La requête a été régulièrement communiquée à la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas défendu dans la présente instance.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 novembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Meisse, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B... est un ressortissant tunisien, né le 22 novembre 1984. Il a déclaré être entré en France, le 23 mars 2015, sous couvert de son passeport revêtu d'un visa de court séjour de cinquante-huit jours, valable du 5 mars au 3 mai 2015. L'intéressé s'étant maintenu irrégulièrement sur le territoire français, sans chercher à régulariser sa situation administrative, il a fait l'objet, le 22 juillet 2015, à la suite de son interpellation, d'une mesure d'éloignement, dont la légalité a été confirmée par un jugement n° 1502074 du tribunal administratif de Nancy du 29 juillet 2015 et à laquelle il n'a pas déféré. Le requérant ayant à nouveau été interpellé à Strasbourg par les services de la police aux frontières, puis placé en retenue pour vérification du droit de circulation ou de séjour, la préfète du Bas-Rhin, par deux arrêtés du 12 octobre 2020, d'une part, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement, lui a interdit le retour sur le territoire français pendant deux ans et l'a informé qu'il faisait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pendant la durée de l'interdiction de retour, d'autre part, l'a assigné à résidence dans le département du Bas-Rhin pendant quarante-cinq jours. M. B... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation des arrêtés préfectoraux du 12 octobre 2020. Il relève appel du jugement de ce tribunal du 22 octobre 2020, en tant qu'il a rejeté sa demande dirigée contre le premier de ces arrêtés.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, en application du deuxième alinéa du premier paragraphe de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, " la décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée ". Contrairement aux allégations de M. B..., la décision en lige énonce, dans ses visas et motifs, les considérations de droit et de fait qui en constitue le fondement. Elle est suffisamment motivée au regard des exigences du deuxième alinéa du premier paragraphe de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.
3. En deuxième lieu, il ne ressort, ni des motifs de la décision en litige, ni des autres pièces du dossier que la préfète du Bas-Rhin se serait abstenu de procéder à un examen particulier de sa situation personnelle. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen doit être écarté.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
5. Si M. B... fait valoir qu'il est présent sur le territoire français depuis le 23 mars 2015, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement, prise à son encontre le 22 juillet 2015, et qu'il n'a entrepris aucune démarche en vue de régulariser sa situation administrative. Célibataire et sans enfant à charge, il a indiqué, lors de son audition par les services de police le 12 octobre 2020, être sans profession et sans domicile fixe. Le requérant ne justifie d'aucune attache familiale ou personnelle en France et n'apporte aucun élément permettant d'apprécier son intégration dans la société française. Il n'établit pas, ni même n'allègue, être isolé en Tunisie. Par suite, et à supposer même que l'intéressé aurait travaillé dans la restaurant, sur les marchés et au sein de plusieurs entreprises de nettoyage ou du bâtiment, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
6. Aux termes du troisième alinéa du deuxième paragraphe de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au deuxième alinéa de l'article L. 611-3, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 513-4, L. 513-5, L. 552-4, L. 561-1, L. 561-2 et L. 742-2 ; (...) ".
7. D'une part, la décision en litige énonce, dans ses visas et motifs, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est suffisamment motivée au regard des exigences du troisième alinéa du deuxième paragraphe de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.
8. D'autre part, pour refuser d'accorder à M. B... un délai de départ volontaire, la préfète du Bas-Rhin s'est fondée sur les dispositions du a), d), f) du 3° du troisième alinéa du deuxième paragraphe de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si le requérant fait valoir qu'il est entré régulièrement sur le territoire français, qu'il n'est pas connu défavorablement des services de police, qu'il n'a jamais déclaré être hébergé par une " ex copine ", qu'il n'a pas refusé de décliner son identité et qu'il a présenté un passeport valide, une carte d'identité et son permis de conduire, il ressort des pièces du dossier qu'il s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement. Un tel motif suffisait à lui² seul à justifier la décision en litige. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la demande de substitution de motifs sollicitée en première instance par l'administration, les moyens tirés respectivement de l'erreur de fait et de l'erreur d'appréciation ne peuvent qu'être écartés.
En ce qui concerne les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français et signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen :
9. Aux termes du cinquième alinéa du troisième paragraphe de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " L'étranger à l'encontre duquel a été prise une interdiction de retour est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, conformément à l'article 24 du règlement (CE) n° 1987/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II). Les modalités de suppression du signalement de l'étranger en cas d'annulation ou d'abrogation de l'interdiction de retour sont fixées par voie réglementaire. ".
10. D'une part il ressort clairement des motifs de la décision en litige que la préfète du Bas-Rhin a prononcé à l'encontre de M. B... une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans. La circonstance que cette décision n'ait pas été reprise dans le dispositif de l'arrêté du 12 octobre 2020 constitue une simple erreur matérielle, qui est sans incidence sur sa légalité. Par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur leur recevabilité, les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français ne peuvent qu'être rejetées.
11. D'autre part, il résulte des dispositions précitées que, lorsqu'elle prend à l'égard d'un étranger une décision d'interdiction de retour sur le territoire français, l'autorité administrative se borne à informer l'intéressé de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. Une telle information ne constitue pas une décision distincte de la mesure d'interdiction de retour et n'est, dès lors, pas susceptible de faire l'objet, en tant que telle, d'un recours pour excès de pouvoir. Par suite, les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen doivent également être rejetées.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 12 octobre 2020 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement, lui a interdit le retour sur le territoire français pendant deux ans et l'a informé qu'il faisait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pendant la durée de l'interdiction de retour. Par suite, il n'est pas davantage fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande en tant qu'elle est dirigée contre cet arrêt. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'application des dispositions combines des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
N° 20NC03340 2