Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 décembre 2020, M. C... A..., représenté par Me Elsaesser, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2005765 du tribunal administratif de Strasbourg du 2 octobre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin, sur le fondement de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sans délai, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à son avocate en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée en droit et en fait ;
- elle a été prise en méconnaissance de son droit à être entendu ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- le refus de délai de départ volontaire est illégal du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- il est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation, compte tenu de l'absence de perspective raisonnable d'éloignement résultant de la crise sanitaire mondiale ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle est insuffisamment motivée en droit et en fait ;
- le préfet s'est cru à tort tenu de prononcer cette interdiction ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par ordonnance du 7 juillet 2021, l'instruction a été close le 22 juillet 2021.
Le 10 septembre 2021, le préfet du Haut-Rhin a déposé un mémoire, qui n'a pas été communiqué.
M. B... A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 novembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience
Le rapport de M. Rees, président, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
1. En premier lieu, contrairement à ce que soutient le requérant, l'arrêté contesté énonce les considérations de droit sur lesquelles est fondée l'obligation de quitter le territoire français en visant les dispositions des 1° et 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, le préfet, qui n'était pas tenu de faire état de manière exhaustive de l'ensemble des éléments de fait se rapportant à la situation personnelle du requérant, a énoncé les considérations qui, au regard de ces éléments, l'ont conduit à prononcer l'obligation de quitter le territoire français. Enfin, les éventuelles erreurs affectant les motifs ainsi énoncés sont sans incidence sur la régularité formelle de la décision. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.
2. En deuxième lieu, le droit d'être entendu, qui est rappelé à l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union, implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Par contre, ce droit n'implique pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.
3. Il ressort des pièces du dossier que, lors de son audition du 18 septembre 2020 par les services de la gendarmerie nationale, menée en présence de son conseil, M. B... A... a été informé de ce qu'il était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement assortie d'un placement en rétention administrative ou d'une assignation à résidence, et invité à présenter ses observations à ce sujet. Il ressort du procès-verbal de cette audition que l'intéressé a pu présenter des observations sur sa situation personnelle et familiale en France, et notamment sur sa relation avec sa partenaire et sur l'état de santé de cette dernière. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que son droit à être entendu aurait été méconnu.
4. En troisième lieu, les énonciations de l'arrêté contesté permettent de vérifier que le préfet a procédé à un examen particulier de la situation de M. B... A....
5. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. M. B... A..., ressortissant camerounais né en avril 1989, déclare être entré en France en octobre 2014. Il fait valoir la présence en France de plusieurs membres de sa famille, ainsi que celle de sa compagne, dont il partage la vie et avec laquelle il a conclu, le 12 juin 2020, un pacte civil de solidarité. Toutefois, les pièces du dossier ne permettent pas de vérifier quels membres de sa famille sont présents en France, ni l'intensité et la stabilité des liens qu'il entretient avec eux. Par ailleurs, sa relation avec sa compagne, rencontrée en septembre 2019 et avec laquelle il ne vit que depuis mars 2020, est très récente, sa stabilité n'est pas établie, et les éléments qu'il produit ne suffisent pas à démontrer que sa présence à ses côtés serait indispensable compte tenu de son état de santé. Enfin, il ressort des pièces du dossier, en particulier des élément fournis par le requérant à l'appui de précédentes demandes d'admission au séjour en 2016 et 2017, qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où vivent sa mère, ses deux sœurs et son frère et, surtout, son enfant mineur né le 8 octobre 2010. Dans ces conditions, M. B... A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il l'a obligé à quitter le territoire français.
7. En cinquième lieu, pour les mêmes raisons que celles indiquées au point précédent, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
Sur la légalité du refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que le refus de délai de départ volontaire est illégal du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
9. En second lieu, le requérant ne peut pas utilement faire valoir l'absence de perspective raisonnable d'éloignement résultant de la crise sanitaire mondiale, cette considération se rapportant à l'exécution de la décision contestée, et non à sa légalité.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
11. En second lieu, compte tenu de ce qui a été dit au point 6, et alors que le requérant ne fait état d'aucun obstacle à ce que sa compagne s'établisse avec lui au Cameroun, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :
12. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".
13. En premier lieu, l'arrêté contesté, qui vise les dispositions précitées et fait état d'un examen de la situation du requérant au regard de chacun des critères qu'elle fixe, est suffisamment motivé.
14. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'interdiction de retour sur le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
15. En troisième lieu, il ressort des énonciations mêmes de l'arrêté contesté que le préfet a recherché si, alors que le requérant ne s'est pas vu accorder un délai de départ volontaire, des circonstances humanitaires pouvaient justifier qu'il ne prononce pas à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il aurait commis une erreur de droit en se croyant à tort tenu de prononcer cette interdiction doit être écarté.
16. En quatrième lieu, pour les mêmes raisons que celles indiquées au point 6, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en prononçant cette interdiction et en en fixant la durée à un an, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation.
17. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B... A..., ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction, d'astreinte et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
N° 20NC03803 5