Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 18NC03276 le 5 décembre 2018, M. A... D..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 2 octobre 2018 ;
2°) de condamner " M. le maire de la ville de Reims devenue la Communauté urbaine du Grand Reims " à lui verser la somme de 100 000 euros, majorée des intérêts de droit à compter du 14 octobre 2016 et de la capitalisation de ces intérêts à compter de la même date, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis ;
3°) de mettre à la charge de " M. le maire de la ville de Reims devenue la Communauté urbaine du Grand Reims " une somme de 4 500 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa requête est recevable : elle n'est pas tardive et il a intérêt pour agir ;
- le tribunal administratif n'a pas répondu à tous les moyens soulevés devant lui et n'a pas pris en compte l'ensemble des pièces produites ;
- son accident du 16 octobre 2012 a été tardivement reconnu imputable au service, ce qui contrevient à l'article 4 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- son absence de reclassement selon les prescriptions de la médecine du travail et le refus persistant de l'administration de lui confier des missions réelles compatibles avec son état de santé, de le faire bénéficier d'un encadrement véritable et de lui donner les moyens humains et matériels d'accomplir ses missions sont constitutifs de fautes de nature à engager la responsabilité de l'administration ;
- son " éviction " a engendré des préjudices professionnels, personnels, financiers et moraux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2019, la Communauté urbaine du Grand Reims, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par un courrier en date du 28 septembre 2020, les parties ont été informées de ce que la cour était, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, susceptible de soulever d'office le moyen tiré de l'irrégularité du jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, les premiers juges ayant dénaturé les écritures de M. D... en regardant ses conclusions indemnitaires comme dirigées contre la Communauté urbaine du Grand Reims, alors qu'elles étaient dirigées contre la commune de Reims, laquelle n'a pas été mise en cause par le greffe du tribunal administratif.
Un mémoire en réponse au moyen relevé d'office a été enregistré le 7 octobre 2020 pour la Communauté urbaine du Grand Reims et la commune de Reims.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Favret, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... D..., d'abord recruté et titularisé en qualité d'agent technique par la commune de Reims, puis promu au grade d'agent de maîtrise à compter du 1er décembre 2015, est employé par la Communauté urbaine du Grand Reims depuis le transfert de la compétence sur la voirie de la commune à cette collectivité, le 1er janvier 2017. Le 16 octobre 2012, il a été victime d'un accident reconnu imputable au service en octobre 2015. Estimant avoir été " mis au placard " depuis cet accident, M. D... a adressé au maire de Reims une demande indemnitaire préalable, le 14 octobre 2016, en reprochant des " négligences " à son employeur, qui ne l'aurait pas reclassé, n'aurait pas aménagé son poste en tenant compte de son état de santé, l'aurait privé d'un encadrement véritable et des moyens d'accomplir ses missions, et en se prévalant notamment des articles 4 et 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983, ainsi que des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail. Cette demande a été rejetée par un courrier du maire en date du 9 décembre suivant. M. D... fait appel du jugement du 2 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à condamner " La Ville de Reims représentée par son maire exercice (...), devenue à compter du 1er janvier 2017 la Communauté urbaine du Grand Reims " à l'indemniser du préjudice qu'il estime avoir subi.
Sur les fins de non-recevoir opposées par la Communauté urbaine du Grand Reims :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. (...) Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ".
3. La requête d'appel de M. D... précise notamment, d'une part, que le tribunal administratif n'a pas répondu à tous les moyens soulevés devant lui et n'a pas pris en compte l'ensemble des pièces produites et, d'autre part, que " Les premiers juges ont fait une mauvaise appréciation des faits qui leur étaient soumis et une inexacte application de la règle de droit ". Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la Communauté urbaine du Grand Reims (CUGR), tirée de ce que la requête d'appel ne contiendrait pas de critique du jugement, doit être écartée.
4. En second lieu, en présentant sa requête d'appel comme étant dirigée contre " La Ville de Reims représentée par son maire exercice (...), devenue à compter du 1er janvier 2017 la communauté urbaine du grand Reims représentée par sa présidente (...) ", M. D... a entendu mettre en cause la responsabilité de la commune de Reims, qui l'avait employé jusqu'au 1er janvier 2017, et rappeler que, depuis cette date, il était employé par la CUGR. Du reste, l'appelant précise dans ses écritures que " le maire " l'a exposé à des conditions de travail défavorables, et demande que " le maire " soit déclaré responsable de son préjudice et condamné de ce préjudice. En outre, la demande indemnitaire préalable du 14 octobre 2016 était déjà adressée au maire de Reims, lequel l'avait rejetée par un courrier du 9 décembre 2016. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la CUGR, tirée de ce que les conclusions indemnitaires d'appel de M. D... seraient mal dirigées, dès lors que l'intéressé fait état de circonstances survenues entre 2012 et 2016, lorsque son employeur était la commune de Reims, doit être écartée.
Sur la régularité du jugement attaqué :
5. En premier lieu, alors que M. D..., d'une part, avait soutenu devant le tribunal administratif qu'il avait été " mis au placard ", que son employeur avait commis des " négligences ", que son absence de reclassement selon les prescriptions de la médecine du travail, ainsi que le refus persistant de l'administration de lui confier des missions réelles compatibles avec son état de santé, de le faire bénéficier d'un encadrement véritable et de lui donner les moyens d'accomplir ses missions étaient constitutifs de fautes de nature à engager la responsabilité de l'administration et, d'autre part, s'était prévalu à cet égard d'une méconnaissance des articles 4 et 6 quinquiès de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, ainsi que des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et de principes généraux dégagés par la jurisprudence, les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et ont considéré, à tort, que l'ensemble des moyens de M. D... devaient être regardés comme autant de branches d'un moyen unique tiré de ce que l'intéressé aurait été victime de faits constitutifs d'un harcèlement moral. Par suite, M. D... est fondé à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'omissions à statuer.
6. En second lieu, alors que M. D... avait dirigé sa demande de première instance contre " La Ville de Reims représentée par son maire exercice (...), devenue à compter du 1er janvier 2017 la communauté urbaine du grand Reims représentée par sa présidente (...) ", précisé dans ses écritures que " le maire " l'avait exposé à des conditions de travail défavorables, et demandé que " le maire " soit déclaré responsable de son préjudice et condamné à l'indemniser de ce préjudice, le tribunal administratif a dénaturé ses écritures en regardant les conclusions indemnitaires de l'intéressé comme étant dirigées contre la Communauté urbaine du Grand Reims et non contre la commune de Reims, laquelle n'a pas été mise en cause par le greffe du tribunal administratif.
7. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens tirés de l'irrégularité du jugement, M. D... est fondé à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier et qu'il doit en conséquence être annulé.
8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, pour qu'il statue à nouveau sur la demande de M. D....
Sur les frais liés à l'instance :
9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. D..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la Communauté urbaine du Grand Reims demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la ville de Reims le versement de la somme que M. D... demande sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en date du 2 octobre 2018 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.
Article 3 : Les conclusions des parties tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à la Communauté urbaine du Grand Reims et à la commune de Reims.
Copie en sera adressée au préfet de la Marne.
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N° 18NC03276