Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 18NC03213 le 27 novembre 2018, M. A... B..., représenté par la AARPI Themis, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1700347 du tribunal administratif de Nancy en date du 12 juin 2018 ;
2°) d'annuler la décision du 28 septembre 2016 par laquelle le directeur du centre de détention de Toul a ordonné le retrait de son ordinateur pour une durée de six mois ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à Me C... d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- les premiers juges ont commis une erreur de droit en considérant qu'une motivation erronée en fait ne saurait être constitutive d'une insuffisante motivation ;
- la décision en cause est fondée sur une motivation erronée dès lors que le directeur a retenu le motif de poursuites pénales dont l'appelant n'a jamais eu connaissance ;
- la rédaction d'un journal en détention n'étant pas interdite, second motif de fait, l'appelant n'a pas été mis à même de comprendre les motifs de fait et de droit justifiant la sanction ;
- en fondant sa décision sur les dispositions de l'article R. 57-6-18 du code de procédure pénale et l'article 19 du règlement intérieur de l'établissement, le directeur a commis une erreur de droit ;
- la décision est entachée d'un défaut de base légale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 septembre 2020 le ministre de la justice s'en rapporte à ses écritures de première instance.
Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy en date du 27 septembre 2018, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Grossrieder, présidente,
- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., alors incarcéré au centre de détention de Toul, a fait l'objet, le 28 septembre 2016, d'une décision du directeur du centre de détention de Toul ordonnant le retrait de son ordinateur pendant une durée de six mois. Par un jugement en date du 12 juin 2018, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande de l'intéressé tendant à l'annulation de cette décision.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes des dispositions de l'article R. 57-6-18 du code de procédure pénale : " Le règlement intérieur type pour le fonctionnement de chacune des catégories d'établissements pénitentiaires, comprenant des dispositions communes et des dispositions spécifiques à chaque catégorie, est annexé au présent titre. Le chef d'établissement adapte le règlement intérieur type applicable à la catégorie dont relève l'établissement qu'il dirige en prenant en compte les modalités spécifiques de fonctionnement de ce dernier. Il recueille l'avis des personnels ". Aux termes de l'article 19 de l'annexe de l'article R. 57-6-18 du code de procédure pénale : " (...) V. La sortie des écrits faits par une personne détenue en vue de leur publication ou de leur divulgation est autorisée par le directeur interrégional des services pénitentiaires. (...) VII La personne détenue peut acquérir par l'intermédiaire de l'administration et selon les modalités qu'elle détermine des équipements informatiques. En aucun cas elle n'est autorisée à conserver des documents, autres que ceux liés à des activités socioculturelles, d'enseignement, de formation ou professionnels, sur un support informatique. Ces équipements ainsi que les données qu'ils contiennent sont soumis au contrôle de l'administration. Sans préjudice d'une éventuelle saisie par l'autorité judiciaire, tout équipement informatique appartenant à une personne détenue peut être retenu et ne lui être restitué qu'au moment de sa libération, dans les cas suivants : 1° Pour des raisons d'ordre et de sécurité ; 2° En cas d'impossibilité d'accéder aux données informatiques, du fait volontaire de la personne détenue ".
3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment de la décision attaquée, que celle-ci comporte les motifs en droit et en fait qui ont présidé à son adoption et sur lesquels l'appelant a été mis à même de s'exprimer dans le cadre de la procédure contradictoire préalable à la décision contestée. La circonstance, à la supposer établie, que la décision litigieuse reposerait sur un motif erroné en fait n'est pas de nature à la faire regarder comme étant insuffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée doit être écarté.
4. En deuxième lieu, la décision contestée est fondée sur des motifs tenant, d'une part, à ce que l'ordinateur en cause appartenant à l'appelant a servi à rédiger et diffuser, sans autorisation de l'administration, des écrits comportant des propos inadaptés envers la juge d'application des peines, qui, diffusés à d'autres détenus, sont contraires au bon ordre et au maintien de la sécurité et, d'autre part, à ce que l'utilisation d'un ordinateur en détention a pour objet de suivre des cours ou faciliter la réinsertion, mais n'a pas vocation à être utilisé comme moyen de rédaction et d'impression d'un journal clandestin. Contrairement à ce qu'il est soutenu, la décision litigieuse, qui se borne à mentionner, à l'appui de son premier motif, que " le journal diffusé sans autorisation fait l'objet de poursuites judiciaires ", poursuites dans le cadre desquelles M. B... a été placé en garde à vue, n'est pas fondée sur des poursuites pénales mises en oeuvre à l'encontre du requérant. Par suite, le moyen tiré d'une erreur de fait doit être écarté.
5. En troisième lieu, M. B... reconnaît être l'auteur d'un journal clandestin diffusé à plus d'une cinquantaine de détenus, consistant en une description satirique du fonctionnement du centre de détention de Toul et de l'activité de la juge d'application des peines. Il ressort de la teneur de ces écrits, qui pouvaient être regardés comme de nature à porter atteinte au bon ordre et au maintien de la sécurité dans l'établissement, que M. B... n'a pas utilisé son ordinateur pour s'adonner à des activités socio-culturelles d'enseignement ou de formation susceptibles de faciliter sa réinsertion, seules modalités admises d'utilisation d'un tel matériel en détention. En conséquence, à supposer même que le journal en cause ne puisse être considéré comme un écrit au sens du V de l'article 19 de l'annexe de l'article R. 57-6-18 du code de procédure pénale et que le premier motif de la décision contestée ne puisse donc la fonder, les deux autres motifs suffisaient à justifier cette décision. Par suite, la décision retirant à M. B... son ordinateur pour une durée de six mois n'est entachée ni d'erreur de droit, ni d'un défaut de base légale.
6. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 28 septembre 2016 par laquelle le directeur du centre de détention de Toul lui a retiré son ordinateur pour une durée de six mois.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
7. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. B... au titre des frais non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
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N° 18NC03213