Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 19NC02710 le 27 août 2019, M. C... A..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 19 août 2019 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet du Jura du 11 août 2019 portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et fixant le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet du Jura, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer un titre de séjour vie privée et familiale, subsidiairement, de réexaminer sa situation, et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me B... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- le préfet n'a pas procédé à examen particulier de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que celles de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
S'agissant de la décision d'accorder un délai de départ volontaire et de la décision fixant le pays de destination :
- il est fondé à solliciter l'annulation de ces décisions par voie d'exception de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 février 2020, le préfet du Jura conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 5 décembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Favret, premier conseiller a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... A..., ressortissant albanais né en 1992, est entré irrégulièrement en France le 17 avril 2016, selon ses déclarations, accompagné de son épouse. Sa demande d'asile ayant été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 23 août 2016, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 11 janvier 2017, le préfet du Jura lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de renvoi, par un arrêté du 29 juin 2017. Par un jugement du 14 septembre 2017, devenu définitif, le tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de cet arrêté. La mesure d'éloignement a été exécutée le 12 septembre 2017. Le 22 décembre suivant, l'ambassadeur de France en Albanie a refusé de délivrer à M. A... un visa de long séjour portant la mention " salarié ", au motif qu'il présentait une menace pour l'ordre public et la sécurité publique. M. A... est néanmoins revenu en France en juin 2018, de manière irrégulière. Par deux arrêtés en date du 11 août 2019, le préfet du Jura, d'une part, a obligé M. A... à quitter le territoire français, sur le fondement des 1° et 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et en fixant le pays de destination, d'autre part, l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. A... fait appel du jugement du 19 août 2019 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et fixant le pays de renvoi.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Jura n'aurait pas procédé à l'examen de la situation particulière de M. A..., et qu'il aurait notamment omis de tenir compte de la situation de l'épouse de l'intéressé dont la demande de titre de séjour était en cours d'instruction, avant de l'obliger à quitter le territoire français. Dès lors, le moyen tiré de ce que préfet n'aurait pas procédé à un tel examen doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France en juin 2018, à l'âge de vingt-six ans. Il ne résidait ainsi sur le territoire français que depuis un peu plus d'un an, à la date de la décision contestée. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans. Par ailleurs, s'il soutient que la demande de titre de séjour de son épouse en date du 25 juin 2019 était toujours en cours d'instruction à la date de la décision contestée, il est constant que Mme A... avait fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 29 juin 2017, que le tribunal administratif de Besançon avait, par un jugement du 14 septembre 2017, devenu définitif, rejeté la demande de l'intéressée tendant à l'annulation de cet arrêté et que, si Mme A... avait ensuite bénéficié d'une autorisation provisoire de séjour, valable du 20 septembre 2017 au 19 mars 2018 et renouvelée jusqu'au 19 septembre 2018, pour accompagner son enfant malade, le préfet du Jura avait toutefois décidé de refuser un ultime renouvellement de cette autorisation et lui avait fait obligation de quitter le territoire français, par un arrêté du 24 août 2018 dont la légalité avait été confirmée par un jugement du tribunal administratif n° 1801666 du 29 novembre 2018, lui-même confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy n° 18NC03529 du 25 juin 2019. Dans ces conditions, et alors qu'il n'établit pas, par les pièces qu'il produit, être bien inséré en France, M. A... n'est pas en mesure d'établir l'existence de liens personnels ou familiaux en France d'une ancienneté et d'une stabilité telles que le refus de séjour litigieux porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Par suite, et nonobstant la circonstance que l'interdiction d'entrée dans l'espace Schengen d'une durée de trois ans, prise à l'encontre de l'intéressé par les autorités suisses le 2 octobre 2017, avait été annulée par le secrétariat d'état aux migrations, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ".
6. Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
7. Compte tenu de ce qui a été indiqué au point 4 du présent arrêt, la décision contestée n'implique pas que l'enfant soit séparé durablement de l'un ou de l'autre de ses parents. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
Sur la légalité de la décision fixant un délai de départ volontaire :
8. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
9. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à annuler l'arrêté du préfet du Jura du 11 août 2019 portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et fixant le pays de renvoi. Ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Jura, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer un titre de séjour vie privée et familiale, subsidiairement, de réexaminer sa situation, et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler doivent être rejetées, par voie de conséquence.
Sur les frais liés à l'instance :
11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
12. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de M. A... demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Jura.
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N° 19NC02710