Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 20NC01040 le 6 mai 2020, Mme A... C..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 10 mars 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Doubs du 19 septembre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à titre principal, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande et de lui remettre, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me D... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision de refus de séjour :
- l'avis du collège de médecins de l'office Français de l'immigration et de l'intégration (OFII) comporte des signatures numérisées de taille réduite, voire illisibles, ce qui ne permet pas de garantir l'identité des signataires de l'avis, lequel ne peut donc être regardé comme ayant été signé conformément à l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sa fille B... souffrant d'une cardiopathie malformative pouvant nécessiter une intervention chirurgicale ;
- elle méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant.
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant.
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mai 2020, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 1er février 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 24 février 2021.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 9 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Favret, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... C..., ressortissante kosovare née le 22 février 1987, est entrée irrégulièrement en France le 4 mai 2018, accompagnée de son époux et de leurs deux enfants mineurs. Elle a présenté, le 9 mai suivant, une demande d'asile qui a été instruite selon la procédure accélérée et rejetée par le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, par une décision du 9 juillet 2019. Le 22 mars 2019, elle a sollicité son admission au séjour en tant que parent étranger d'un enfant malade. Par un arrêté du 19 septembre 2019, le préfet du Doubs lui a opposé un refus assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et d'une décision fixant le pays de renvoi. Mme C... fait appel du jugement du 10 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que l'avis du collège de médecins du service médical de l'OFII est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé. L'article R. 313-23 du même code précise que ce collège à compétence nationale est composé de trois médecins. Selon l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " (...) Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".
3. Il ressort des pièces du dossier, en particulier de l'avis du collège de médecins de l'OFII du 24 juin 2019 produit en première instance par le préfet du Doubs, que les signatures figurant sur cet avis sont des fac-similés qui ne constituent pas des signatures électroniques et ne relèvent, de ce fait, ni de l'ordonnance du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives, ni du deuxième alinéa de l'article 1367 du code civil. En tout état de cause, aucun élément du dossier ne permet de douter que les signatures apposées au bas de l'avis du 24 juin 2019 ne seraient pas celles des trois médecins composant le collège, dont l'identité est précisée. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, ou à l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. / L'autorisation provisoire de séjour mentionnée au premier alinéa, qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que la fille de Mme C..., B... souffre d'une cardiopathie malformative nécessitant une surveillance échographique annuelle. Pour refuser à Mme C... le titre de séjour qu'elle avait sollicité en raison de l'état de santé de sa fille, le préfet du Doubs s'est fondé notamment sur un avis émis le 24 juin 2019 par le collège des médecins de l'OFII, qui a estimé que l'état de santé de l'enfant nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'un traitement approprié était disponible dans le pays d'origine et que la jeune B... pouvait voyager sans risque.
6. Les pièces produites par la requérante, notamment une attestation du service de pédiatrie de cardiologie de la clinique universitaire du Kosovo délivrée à la demande de l'intéressée et mentionnant qu'il n'existe pas de service de cardiologie pédiatrique renforcé au Kosovo, ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation portée, au vu de cet avis, par le préfet du Doubs. En outre, à supposer même que l'échographique annuelle à réaliser pour la surveillance de l'état de santé de la jeune B... ne pourrait pas être pratiquée au Kosovo, la requérante a la possibilité de revenir ponctuellement en France ou de se rendre dans tout autre pays de son choix pour la réalisation de cet examen. A cet égard, si Mme C... soutient que l'état de santé de sa fille peut dégénérer rapidement et que l'obtention d'un visa de court séjour reste à la fois longue et aléatoire, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'opération chirurgicale à réaliser le cas échéant ne pourrait pas être pratiquée au Kosovo. Enfin, si la requérante affirme, s'agissant de la disponibilité d'un traitement approprié au Kosovo, que son droit d'accès à la base de données de la bibliothèque d'information santé sur les pays d'origine (BISPO) n'est pas assuré, elle admet que l'OFII a mis en ligne les ressources documentaires internationales santé et ne conteste pas sérieusement que l'Office n'a pas la possibilité de mettre en ligne les données non libres de droit (fiches MEDCOI, notes de l'ambassade, données ayant fait l'objet d'un contrat avec un groupe de médecins experts). Par suite, et sans qu'il soit besoin d'ordonner la communication des ressources documentaires ayant fondé l'avis du collège des médecins de l'OFII, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées des articles L. 311-12 et L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
7. En troisième lieu, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
8. Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
9. Compte tenu des éléments développés aux points 5 et 6, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ".
11. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 5 et 6 du présent arrêt, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée méconnaîtrait les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
12. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 5 et 6, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant.
Sur la légalité de la décision fixant le pays d'éloignement :
13. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Et aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants ".
14. Si la requérante soutient, d'une part, qu'étant d'origine ashkali, elle avait été promise à un autre homme et que son mari a fait l'objet de menaces à la fois de la part de sa belle-famille et de cet homme et, d'autre part, qu'elle a été victime d'agressions sexuelles de la part de son beau-père, les documents qu'elle produit ne démontrent pas qu'elle risquerait d'être exposée à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour au Kosovo. Au surplus, ainsi qu'il a été dit au point 1 du présent arrêt, la demande d'asile de Mme C... a été rejetée par une décision de l'OFPRA en date du 9 juillet 2019. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées ne peut qu'être écarté.
15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à annuler l'arrêté du préfet du Doubs du 19 septembre 2019. Ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Doubs, à titre principal, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande et de lui remettre, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler doivent être rejetées, par voie de conséquence.
Sur les frais liés à l'instance :
16. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
17. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de Mme C... demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Doubs.
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N° 20NC01040