Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 20NC01205 le 9 juin 2020, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 17 décembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 août 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et, dans l'attente, de lui délivrer l'autorisation provisoire de séjour prévue par l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans le délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
s'agissant de la régularité du jugement :
- la minute du jugement attaqué n'est pas revêtue des signatures exigées par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- ce jugement est insuffisamment motivé ; les premiers juges ont en outre omis de répondre au moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de ce que le rapport médical établi par le médecin instructeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration était incomplet.
s'agissant de l'arrêté du 2 août 2019 :
- le signataire de l'arrêté attaqué était incompétent en l'absence de délégation de signature ;
- le médecin instructeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'était pas compétent ;
- le rapport médical au vu duquel le collège de médecins de l'office s'est prononcé était incomplet en raison des lacunes du rapport médical établi par le médecin instructeur ;
- en estimant que le défaut de traitement ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé, le préfet a méconnu le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; en outre, il ne peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;
- l'arrêté contesté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
La requête a été communiquée au préfet du Bas-Rhin qui n'a pas produit de défense.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décisions en date du 7 avril 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Goujon-Fischer premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant congolais, est entré en France, selon ses déclarations, le 27 septembre 2016. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 20 juillet 2018, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 13 mars 2019. Le 9 octobre 2018, M. B... a sollicité du préfet du Bas-Rhin la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " pour raisons de santé sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour en raison de son état de santé. Par un arrêté du 2 août 2019, le préfet du Bas-Rhin a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement du 17 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il résulte de l'examen de la minute du jugement attaqué que celui-ci comporte toutes les signatures requises par les dispositions qui précèdent. L'absence de signatures sur l'expédition du jugement notifié au requérant n'entache pas ce jugement d'irrégularité.
3. En deuxième lieu, M. B... a soutenu devant le tribunal que le médecin ayant rédigé le rapport médical le concernant n'était pas compétent, faute d'être inscrit sur la liste des médecins habilités par l'Office français de l'immigration et de l'intégration pour instruire les demandes des étrangers malades. Au point 7 du jugement attaqué, le tribunal a relevé que le requérant ne se prévalait de la méconnaissance d'aucun texte ni principe en vertu duquel le médecin rapporteur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration devrait obligatoirement figurer sur la liste des médecins désignés pour participer au collège à compétence nationale de l'office. Par cette motivation, les premiers juges ont mis le juge de cassation à même d'exercer son contrôle sur le bien-fondé des motifs qui ont fondé cette solution et ont ainsi suffisamment motivé leur jugement.
4. En troisième lieu, aucune disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non plus que de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'impose au médecin instructeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration de préciser dans son rapport médical la nature des traitements médicamenteux suivis par l'étranger concerné. Par suite, le tribunal n'était pas tenu de répondre au moyen, inopérant, tiré de ce que cette information n'avait pas été détaillée dans le rapport médical du médecin instructeur. En s'abstenant de répondre à ce moyen, les premiers juges n'ont dès lors entaché leur jugement d'aucune irrégularité.
Sur la légalité de l'arrêté du 2 août 2019 :
5. En premier lieu, M. B... reprend en appel le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 2 août 2019. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
6. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit, il ne résulte ni du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni de l'arrêté du 27 décembre 2016 l'obligation, pour le médecin instructeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de préciser dans son rapport médical la nature des traitements suivis par l'étranger concerné. Par suite, il y a lieu d'écarter comme inopérant le moyen tiré de ce que le rapport du médecin instructeur ne comportait pas de précision sur les traitements médicamenteux suivis par M. B....
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport ". Contrairement à ce que soutient le requérant, il ne résulte pas de ces dispositions que le médecin chargé du rapport médical visé à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne serait compétent à cet effet qu'à la condition de figurer sur la liste des médecins désignés pour participer au collège à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, annexée à la décision du 2 janvier 2018 modifiant la décision du 17 janvier 2017 portant désignation au collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le moyen invoqué en ce sens ne peut dès lors qu'être écarté.
8. En quatrième lieu, aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".
9. Il ressort des pièces du dossier que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé, dans son avis du 9 mai 2019, que si l'état de santé de M. B... nécessitait une prise en charge médicale, le défaut de cette prise en charge ne devrait pas entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. M. B... produit un certificat médical du Dr Haegeli, psychiatre, daté du 6 novembre 2018, dont il ressort qu'il souffre d'une névrose post-traumatique associée à un état dépressif secondaire, caractérisé par une angoisse massive et envahissante, des troubles du sommeil avec insomnies et cauchemars, réminiscences, un repli sur soi, humeur triste, apraxie et idées de suicide, pathologies pour lesquelles il bénéficie d'entretiens avec un psychothérapeute à raison d'une séance toutes les deux semaines ainsi que d'un traitement médicamenteux à base d'anxiolytiques, antidépresseurs et hypnotiques. Toutefois, cet unique certificat, établi antérieurement à l'examen médical pratiqué dans le cadre de l'instruction de la demande de M. B... par l'Office français de l'immigration et de l'intégration et à l'avis émis par le collège de médecins, ne suffit pas à remettre en cause le bien-fondé de cet avis. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en lui refusant la délivrance d'une carte de séjour temporaire, le préfet a fait une inexacte application du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France en 2016, alors âgé de 26 ans. S'il soutient être n'avoir aucune nouvelle de son épouse et de ses deux enfants, demeurés au Congo, il ne justifie cependant d'aucune attache personnelle et familiale en France, tandis qu'il n'en est pas dépourvu dans son pays d'origine. Dans ces conditions, eu égard notamment à la durée et aux conditions du séjour en France de l'intéressé, l'arrêté contesté n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris. Dès lors, cet arrêté ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
12. L'exécution du présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction présentées par M. B....
Sur les frais liés à l'instance :
13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
14. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
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N° 20NC01205