Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 20NC01133 le 15 mai 2020, Mme C..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 15 novembre 2019 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du refus de lui délivrer une attestation de demande d'asile, de la décision l'obligeant à quitter le territoire français et de la décision fixant son pays de renvoi ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 septembre 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'une attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de départ volontaire de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an ;
3°) de suspendre la mesure d'éloignement jusqu'à la lecture de la décision de la Cour nationale du droit d'asile et, en cas d'ordonnance de rejet, jusqu'à la notification de celle-ci ;
4°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin, à titre principal de lui délivrer une attestation de demande d'asile sous dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous peine d'une astreinte de 100 euros par jour de retard, subsidiairement de réexaminer sa situation dans ce même délai et de délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable.
s'agissant du refus de délivrance d'une attestation de demandeur d'asile ;
- cette décision est entachée d'un défaut de motivation ;
- le préfet a méconnu l'étendue de la compétence que lui reconnaît le 7° de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est entachée d'un défaut de motivation ;
- l'illégalité du refus de renouvellement de son attestation de demandeur d'asile prive de base légale la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;
- le préfet a méconnu le 6° de l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ne tenant pas compte des risques encourus dans son pays d'origine ;
- le préfet a méconnu les articles 3 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
s'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- cette décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
s'agissant de la demande de suspension de la mesure d'éloignement :
- elle soutient présenter des moyens sérieux de nature à justifier son maintien sur le territoire durant l'examen de sa demande d'asile.
La requête a été communiquée au préfet du Bas-Rhin, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décisions en date du 11 mars 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Goujon-Fischer premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante géorgienne, entrée en France le 2 février 2019 a vu sa demande d'asile rejetée le 17 juillet 2019 par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) statuant en procédure accélérée. Par un arrêté du 17 septembre 2019, le préfet du Bas-Rhin, a refusé de renouveler à Mme C... son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé son pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français. Par un jugement du 15 novembre 2019, la vice-présidente désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 17 septembre 2019 en tant qu'il prévoyait une interdiction de retour sur le territoire français et un signalement dans le système d'information Schengen et a enjoint au préfet du Bas-Rhin de supprimer le signalement de Mme C... dans le système d'information Schengen dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement. Mme C... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions.
Sur la légalité de l'arrêté du 17 septembre 2019 :
En ce qui concerne le refus de délivrance d'une attestation de demande d'asile :
2. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile déposée le 5 février 2019 par Mme C..., ressortissante d'un pays considéré comme sûr au sens de l'article L. 722-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a fait l'objet d'une décision de rejet par l'OFPRA statuant en procédure d'urgence le 17 juillet 2019. En application de l'article L. 743-2 du même code, le préfet du Bas-Rhin a, en conséquence, et nonobstant le dépôt d'un recours devant la Cour nationale du droit d'asile, refusé à l'intéressée la délivrance d'une attestation de demande d'asile.
3. En premier lieu, l'arrêté du 17 septembre 2019 comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet a entendu fonder son refus de délivrance d'une attestation de demande d'asile. Par suite, cette décision satisfait à l'obligation de motivation.
4. En deuxième lieu, si, en vertu du 7° de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative a la faculté et non l'obligation de refuser la délivrance d'une attestation de demande d'asile à un étranger dont la demande de statut de réfugié a été rejetée en procédure accélérée par l'OFPRA, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Bas-Rhin a méconnu sur ce point l'étendue de sa compétence.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
5. En premier lieu, l'arrêté du 17 septembre 2019 comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet a entendu fonder l'obligation faite à Mme C... de quitter le territoire français. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait pris sa décision sans tenir compte de la situation personnelle de la requérante.
6. En deuxième lieu, Mme C... n'ayant pas démontré l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'une attestation de demande d'asile, n'est pas fondée à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire français.
7. En troisième lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne fixe pas par elle-même le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé. Par suite, Mme C... ne saurait utilement soutenir que le préfet n'a pas, en l'obligeant à quitter le territoire français, tenu compte des risques encourus dans son pays d'origine et méconnu de ce fait le 6° de l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En quatrième lieu, si, en vertu des dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un demandeur d'asile a le droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la date de lecture, le cas échéant, de la décision de la Cour nationale du droit d'asile statuant sur cette demande, l'article L. 743-2 du même code, dans sa rédaction issue du 2° de l'article 12 de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018, précise toutefois que : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : (...) 7° L'office a pris une décision de rejet dans les cas prévus au I et au 5° du III de l'article L. 723-2(...) ". L'article L. 723-2 du même code dispose que : " I. L'office statue en procédure accélérée lorsque : 1° le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr en application de l'article L. 722-1 (...) ". Enfin, en vertu d'une décision du conseil d'administration de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides adoptée le 9 octobre 2015 dans les conditions prévues à l'article L. 722-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et dont la légalité a été validée par le Conseil d'État dans un arrêt du 30 décembre 2016 (n° 395058, 395075, 395133 et 395383), la Géorgie est au nombre des pays d'origine sûrs.
9. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans le cas où le droit de se maintenir sur le territoire a pris fin en application des 4° bis ou 7° de l'article L. 743-2, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné statuant sur le recours formé en application de l'article L. 512-1 contre l'obligation de quitter le territoire français de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin fait droit à la demande de l'étranger lorsque celui-ci présente des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d'asile, son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la cour ".
10. Par sa décision n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018, par laquelle il a déclaré conformes à la Constitution les dispositions du 2° de l'article 12 de la loi du 10 septembre 2018 déjà citée, le Conseil constitutionnel a jugé, d'une part, que ces dispositions ne privent pas les intéressés de la possibilité d'exercer un recours contre la décision de rejet du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et, d'autre part, que le 3° de l'article 12 de la loi déférée complète l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prévoyant, dans les hypothèses visées aux 4° bis et 7° de l'article L. 743-2 du même code, que l'intéressé faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français peut demander au président du tribunal administratif la suspension de l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si cette dernière est saisie, jusqu'à sa décision. Il en a déduit que les dispositions du 2° de l'article 12 de la loi du 10 septembre 2018 ne méconnaissaient ni le droit à un recours juridictionnel effectif, ni le droit d'asile, ni le principe d'égalité devant la loi, ni aucune autre exigence constitutionnelle.
11. L'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui garantit le droit à un recours effectif devant une instance nationale à toute personne dont les droits et libertés reconnus dans cette convention ont été violés n'offre pas aux personnes intéressées une protection supérieure à celle résultant du droit un recours juridictionnel effectif constitutionnellement garanti. Il résulte, dès lors, de ce qui a été dit au point précédent que Mme C... n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que les décisions contestées seraient contraires aux stipulations combinées des articles 3 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qu'ils les priveraient de leur droit à un recours effectif contre les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.
12. En cinquième lieu, si Mme C... soutient qu'à la date de l'arrêté contesté, elle était enceinte et que sa grossesse était gémellaire, elle n'apporte pas d'élément de nature à établir que son état de santé faisait obstacle à ce qu'elle fasse l'objet d'une mesure d'éloignement. Elle n'est par suite pas fondée à soutenir que l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
13. Mme C... soutient qu'elle a fui la Géorgie pour échapper aux menaces que la famille de son compagnon défunt faisait peser sur sa vie et ses libertés. Toutefois, elle n'apporte pas d'élément précis, ni probant de nature à établir le bien-fondé des craintes qu'elle allègue, ni, en tout état de cause, l'impossibilité dans laquelle elle serait de bénéficier de la protection des autorités publiques de son pays.
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur la demande tendant à suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement :
15. Aux termes de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement prévue au titre Ier du livre V et, le cas échéant, des pénalités prévues au chapitre Ier du titre II du livre VI. / Dans le cas où le droit de se maintenir sur le territoire a pris fin en application des 4° bis ou 7° de l'article L. 743-2, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné statuant sur le recours formé en application de l'article L. 512-1 contre l'obligation de quitter le territoire français de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin fait droit à la demande de l'étranger lorsque celui-ci présente des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d'asile, son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la cour ".
16. Il résulte de ce qui a été dit au point 13 que Mme C... n'apporte pas d'éléments de nature à étayer les craintes qu'elle a formulées d'être l'objet de représailles de la part de la famille de son ancien compagnon, aujourd'hui décédé, en cas de retour en Géorgie. Ainsi, elle n'apporte pas d'éléments sérieux de nature à justifier son maintien sur le territoire français durant l'examen de son recours par la Cour nationale du droit d'asile. Par suite, elle n'est fondée ni à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg n'a pas suspendu les mesures d'éloignement prises à leur encontre, ni, en tout état de cause, à demander à la cour de prononcer cette suspension.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
17. L'exécution du présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme C....
Sur les frais liés à l'instance :
18. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
19. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme C... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
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N° 20NC01133