Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 20NC01549 le 13 juillet 2020, Mme M'Vouvou, représentée par Me Berry, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 31 décembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin, à titre principal, de lui délivrer le titre de séjour sollicité sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour durant cet examen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet l991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
s'agissant du refus de titre de séjour :
- le refus de séjour méconnaît les 6° et 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît également l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour ;
- elle ne pouvait pas être légalement prise, dès lors qu'elle peut prétendre de plein droit à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des 6° ou 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
s'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
La requête a été communiquée au préfet du Bas-Rhin, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Mme M'Vouvou a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision en date du 14 mai 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Goujon-Fischer premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme M'Vouvou, ressortissante congolaise, est entrée en France, selon ses déclarations le 17 avril 2017. Le 12 octobre 2018, elle a sollicité du préfet du Bas-Rhin la délivrance d'une carte de séjour temporaire en qualité de parent d'enfant français, en faisant valoir la naissance, le 9 juin 2017 à Strasbourg, de sa fille, reconnue par un ressortissant français. Par un arrêté du 24 juillet 2019, le préfet du Bas-Rhin a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme M'Vouvou relève appel du jugement du 31 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 24 juillet 2019 :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) ".
3. Si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français.
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme M'Vouvou, entrée en France en avril 2017, est la mère d'une enfant, née à Strasbourg le 9 juin 2017 et reconnue conjointement, le 12 juin suivant, par la requérante et par un ressortissant français marié et domicilié à Rezé, en Loire-Atlantique. Pour conclure au caractère frauduleux de cette reconnaissance de paternité, le préfet du Bas-Rhin s'est notamment fondé sur un courriel du 14 mars 2019 de la brigade mobile de recherche de la direction interdépartementale de la police frontières à Strasbourg, dont il ressort, à la suite d'une enquête diligentée à la demande du procureur de la République, que la conception de l'enfant est antérieure à l'arrivée en France de la requérante et qu'un ressortissant congolais est le potentiel réel géniteur de l'enfant, faits qui semblent corroborés par l'audition de la sœur de la requérante, l'exploitation des réseaux sociaux et le versement d'une somme d'argent par ce ressortissant congolais à l'auteur de la reconnaissance de paternité. Si la requérante indique avoir fait la connaissance de ce dernier à Brazzaville au cours de l'été 2012 et soutient que l'enfant aurait été conçue lors d'un séjour commun au Maroc en septembre 2016, cette dernière allégation n'est pas établie par la production de justificatifs concernant uniquement un vol aller et retour entre Paris et Pointe Noire en mai et juin 2012, établis au nom de l'auteur de la reconnaissance de paternité. La production de trois justificatifs de transport entre Nantes et Strasbourg, également établis au nom de ce dernier, au cours de la seule période de janvier à avril 2019 ainsi que d'un justificatif de transfert d'une somme de 50 euros effectué à destination de Mme M'Vouvou, le 9 juin 2020, soit postérieurement à l'arrêté et au jugement contestés, ne permettent pas non plus d'établir la réalité des liens entre l'auteur de la reconnaissance de paternité et l'enfant de Mme M'Vouvou, non plus que sa contribution à son entretien ou à son éducation. Dans ces conditions, le caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité est établi. Par suite, le préfet a pu, sans méconnaître les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, refuser à Mme M'Vouvou la carte de séjour temporaire qu'elle sollicitait en qualité de parent d'un enfant français.
5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme M'Vouvou n'est entrée en France qu'en avril 2017, alors âgée de 35 ans. Elle ne justifie d'aucune attache personnelle ou familiale en France, tandis que sa mère, son frère et l'une de ses sœurs résident au Congo. Rien ne fait obstacle à ce que sa vie familiale se poursuive avec son enfant, en bas âge, dans son pays d'origine. Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de l'intéressée, le refus de titre de séjour qui lui a été opposé n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été décidé. Il n'a dès lors méconnu ni le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation familiale de l'intéressée. Dans les circonstances de l'espèce, évoquées précédemment, ce refus de séjour n'a pas non plus méconnu l'intérêt supérieur de l'enfant protégé par l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, Mme M'Vouvou n'ayant pas démontré l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour, elle n'est pas fondée à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
7. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 4 et 5, Mme M'Vouvou n'est fondée à soutenir ni que, se trouvant en situation de bénéficier de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement des 6° et 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle ne pouvait légalement faire l'objet d'une mesure d'éloignement, ni que l'obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
8. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5, Mme M'Vouvou n'est pas fondée à soutenir que cette décision méconnait les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme M'Vouvou n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
10. L'exécution du présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par Mme M'Vouvou.
Sur les frais liés à l'instance :
11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
12. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de Mme M'Vouvou demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme M'Vouvou est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... M'Vouvou et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
6
N° 20NC01549