Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 novembre 2020, M. C..., représenté par Me Elsaesser, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif du 4 août 2020 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 22 juillet 2020, notifié le 26 octobre 2020, par lesquels le préfet du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an et l'a assigné à résidence ;
3°) d'enjoindre au préfet de réexaminer la situation du requérant dans un délai de sept jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur de fait au motif qu'il avait effectivement déposé une demande d'admission au séjour avant l'édiction de l'arrêté même si elle n'a été enregistrée que postérieurement par les services préfectoraux ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle et de sa vie privée et familiale.
En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :
- la décision est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur de droit au regard de l'article L. 511-1-II-3° et d'une erreur manifeste dans l'appréciation des garanties de représentation ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation et des circonstances sanitaires actuelles.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- la décision est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle et de sa vie privée et familiale.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- la décision est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur de droit, le préfet s'étant cru en situation de compétence liée avec sa décision d'obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Un mémoire en défense du préfet du Bas-Rhin a été enregistré le 24 septembre 2021 après clôture et n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Nancy en date du 15 octobre 2020 admettant M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Barrois, conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... C..., de nationalité marocaine, né le 20 mai 1995, entré sur le territoire français en mars 2018 selon ses déclarations, a sollicité un titre de séjour le 20 juillet 2020 en qualité de conjoint de français. A la suite de son audition par les services de la police aux frontières le 22 juillet 2020 pour suspicion de mariage frauduleux, le préfet du Bas-Rhin a décidé le même jour de lui notifier une obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par un jugement du 4 août 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête tendant à l'annulation de ces décisions. Par la présente requête, M. C... demande l'annulation de ce jugement et de l'arrêté du 22 juillet 2020.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable : " L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation. ". L'arrêté contesté, qui vise notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et les articles L. 511-1, L. 511-4 et L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne également les éléments de la situation personnelle et familiale de M. C... et notamment son audition par les services de la police aux frontières le 22 juillet 2020 pour des faits de mariage contracté pour obtenir un titre de séjour, son mariage avec Mme A... le 8 février 2020 et la présence non établie de son grand-père et de son oncle en France. Elle contient ainsi l'exposé des considérations de droit et de fait sur lesquelles s'est fondé le préfet du Bas-Rhin.
3. En deuxième lieu, M. C... soutient que la décision serait entachée d'une erreur de fait au motif que le préfet n'a pas tenu compte de sa demande d'admission au séjour envoyée le 17 juillet 2020 et reçue le 20 juillet 2020 par les services de la préfecture avant d'édicter l'arrêté contesté. Toutefois, il ressort du procès-verbal d'audition de M. C... que ce dernier a lui-même déclaré n'avoir effectué aucune demande de titre de séjour. Dès lors, à la date de l'arrêté attaqué édicté le jour même de l'audition, le préfet ne pouvait avoir connaissance de la demande reçue deux jours auparavant. Au surplus, il résulte des termes mêmes de sa décision que le préfet avait connaissance du mariage contracté avec Mme A... et a examiné sa situation personnelle au regard de son droit à mener une vie privée et familiale.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
5. Même si M. C... déclare être entré en France en février 2018 et est marié depuis février 2019 avec Mme A..., les seules quittances de loyer depuis février 2020 et les attestations versées au dossier ne permettent pas d'établir une communauté de vie suffisante à la date de la décision attaquée permettant de contredire les déclarations de sa femme selon lesquelles elle aurait contracté ce mariage dans le but de lui obtenir des papiers. Par suite, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle et de sa vie privée et familiale.
En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :
6. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, M. C... ne saurait se prévaloir par voie d'exception, de l'illégalité de cette décision, pour demander l'annulation de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire.
7. En deuxième lieu, il résulte des termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la décision portant refus de délai de départ volontaire doit être motivée. En l'espèce, le préfet a visé dans sa décision les dispositions des articles L. 511-1 et L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a indiqué qu'il existait un risque que M. C... se soustraie à son obligation de quitter le territoire français au sens des a) et f) du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors le moyen tiré de l'insuffisance de motivation est écarté.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable à la date de la décision attaquée, " II. - L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au deuxième alinéa de l'article L. 611-3, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 513-4, L. 513-5, L. 552-4, L. 561-1, L. 561-2 et L. 742-2. ".
9. Pour refuser le délai de départ volontaire, le préfet a justement considéré que le risque que M. C... se soustraie à son obligation de quitter le territoire français était établi en application des dispositions prévues au f du 3° de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable à la date de la décision attaquée, celui-ci, comme exposé au point 5, ne présentant pas de garantie de représentation suffisante au sens de la disposition précitée à la date de la décision attaquée. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 511-1 doit être écarté.
10. En quatrième lieu, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la situation et des circonstances sanitaires actuelles qui au demeurant pour ces dernières ne concernent que l'exécution de la décision et non sa légalité. Par suite, le moyen est écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
11. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, M. C... ne saurait se prévaloir par voie d'exception, de l'illégalité de cette décision, pour demander l'annulation de la décision fixant le pays de destination.
12. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux adoptés au point 5, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté. En outre, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut, dans les circonstances de l'espèce, être utilement invoqué à l'encontre d'une décision fixant le pays de destination.
En ce qui concerne la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :
13. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, M. C... ne saurait se prévaloir par voie d'exception, de l'illégalité de cette décision, pour demander l'annulation de la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
14. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " (...) III. - L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
15. En deuxième lieu, il ressort des termes de la décision attaquée que le préfet s'est fondé sur le 8ème alinéa du III de de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité pour prononcer une interdiction d'une durée d'un an en raison de son entrée et de son maintien irréguliers sur le territoire français ainsi que du refus de délai de départ volontaire et a examiné les conséquences de la décision sur sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation est écarté.
16. En troisième lieu, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le préfet se serait senti lié par sa décision l'obligeant à quitter le territoire français.
17. En quatrième lieu, il résulte de ce qui est dit au point 5, que le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
18. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 4 août 2020. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
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N°20NC03491