Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Nancy du 18 février 2021 admettant M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Barrois, conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., de nationalité guinéenne, est, selon ses déclarations, né le 8 février 2002 et entré en France le 26 juillet 2018, a été confié à l'aide sociale à l'enfance le 21 août 2018 et a obtenu une autorisation provisoire de travail le 18 septembre 2019 renouvelée jusqu'au 8 février 2020. Le 10 janvier 2020, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 9 juin 2020, le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer le titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai d'un mois. Par un jugement du 10 novembre 2020, le tribunal administratif de Chalons en Champagne a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de cet arrêté. Par la présente requête, M. B... demande l'annulation de ce jugement et par voie de conséquence, celle de l'arrêté du 9 juin 2020.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, la décision de refus de titre de séjour contestée, qui vise notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et les articles L. 511-1 et suivants ainsi que l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne également les éléments de la situation personnelle et professionnelle de M. B... et notamment son placement à l'aide sociale à l'enfance et son contrat d'apprentissage ainsi que la présence en Guinée de sa mère, de son frère et de sa sœur. Elle contient ainsi l'exposé des considérations de droit et de fait sur lesquelles s'est fondé le préfet de l'Aube pour rejeter sa demande de titre de séjour. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle et professionnelle au regard de son droit au séjour avant de prendre la décision attaquée. Par suite, c'est à bon droit que les juges de première instance ont écartés les moyens tirés d'une insuffisance de motivation de la décision attaquée et de l'absence d'examen de sa situation personnelle.
3. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé. ".
4. Lorsqu'il examine une demande d'admission au séjour présentée sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.
5. D'autre part, termes de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité et, le cas échéant, de ceux de son conjoint, de ses enfants et de ses ascendants. ". En vertu de l'article L. 111-6 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) ". Selon l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Aux termes de l'article 1er du décret du 24 décembre 2015 relatif aux modalités de vérification d'un acte de l'état civil étranger : " Lorsque, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger, l'autorité administrative saisie d'une demande d'établissement ou de délivrance d'un acte ou de titre procède ou fait procéder, en application de l'article 47 du code civil, aux vérifications utiles auprès de l'autorité étrangère compétente, le silence gardé pendant huit mois vaut décision de rejet./ Dans le délai prévu à l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration, l'autorité administrative informe par tout moyen l'intéressé de l'engagement de ces vérifications. ".
6. Les dispositions citées au point précédent posent une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère. Cependant, la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.
7. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande de titre de séjour du 10 janvier 2020, M. B... a produit un jugement supplétif de naissance du 31 juillet 2018, un extrait du registre de transcription du 10 août 2018, un second jugement supplétif de naissance du 18 novembre 2019 établi à la demande de sa mère et un extrait du registre de l'état civil daté du 3 décembre 2019 mais n'a pas été en mesure de communiquer un extrait d'acte de naissance. Dans le cadre de la procédure contentieuse, il a versé en outre une carte nationale d'identité délivrée en Guinée le 10 février 2020 valable jusqu'en février 2025.
8. Pour contester l'authenticité de ces actes, le préfet s'est fondé sur le rapport d'analyse technique du 22 mars 2019 de direction zonale de la police aux frontières de Metz qui relève que le jugement supplétif de naissance du 31 juillet 2018 et l'extrait du registre de transcription du 10 août 2018 présentés par M. B... sont imprimés sur du papier ordinaire, que les timbres humides ne peuvent être authentifiés en l'absence de référence, que les tampons de légalisation comportent des fautes d'orthographe et qu'en tout état de cause, l'acte de naissance intégral n'est pas produit. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que le jugement supplétif du 31 juillet 2018 du tribunal de première instance de Conakry III - Mafanco a été rendu sur requête de son père, décédé pourtant le 16 août 2011, que la carte d'identité qu'il produit a été délivrée en Guinée le 10 février 2020 alors même qu'il se trouvait en France à cette période et que le juge aux affaires familiales dans sa décision du 13 décembre 2018, même s'il ordonne le placement de M. B..., demande la vérification des documents par la police aux frontières. Enfin, le rapport d'évaluation de la direction enfance famille du département de l'Aube remettait en cause dès le 17 août 2018 sa situation de mineur non accompagné compte-tenu des incohérences dans son récit. Au surplus, le préfet pouvait opposer le refus de titre de séjour attaqué au vu de ces seuls éléments, sans avoir préalablement effectué des diligences complémentaires afin de vérifier l'authenticité du jugement supplétif dont l'intéressé se prévalait.
9. Il résulte de tout ce qui précède que c'est à bon droit que les juges de première instance et le préfet de l'Aube ont estimé que le faisceau d'indices sur l'inauthenticité des documents produits était suffisant pour permettre au préfet de refuser la délivrance du titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable.
10. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
11. Comme l'ont justement relevé les premiers juges, M. B..., célibataire et sans charge de famille, est entré en France moins de deux ans avant l'arrêté en litige et conserve des attaches familiales dans son pays d'origine où vivent sa mère, sa sœur et son frère. Dans ces circonstances, au regard des conditions et de la durée du séjour en France de l'intéressé et alors même qu'il ferait des efforts d'intégration pour s'insérer professionnellement, le préfet de l'Aube n'a pas porté en prenant la décision attaquée, une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, il n'a pas entaché son refus d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.
12. En quatrième lieu, M. B... qui n'a pas présenté de demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut utilement soutenir que le préfet de l'Aube aurait méconnu ces dispositions.
13. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la décision de refus de titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, M. B... ne saurait se prévaloir par la voie de l'exception, de l'illégalité de cette décision, pour demander l'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Chalons en Champagne du 10 novembre 2020 et de l'arrêté du 9 juin 2020. Sa requête doit ainsi être rejetée, y compris les conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Aube.
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N°20NC03691