M. D... a demandé le 31 mars 2020 au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 16 mars 2020 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé l'Arménie comme pays de destination.
Par un jugement commun no 2000987/2000988 du 17 juillet 2020, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédures devant la cour :
I - Par une requête n° 20NC03567 enregistrée le 9 décembre 2020, Mme E..., représentée par Me Kipffer, demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement du tribunal administratif du 17 juillet 2020 ;
2°) de renvoyer à une juridiction de première instance, autre que le tribunal administratif de Nancy ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 013 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
Sur les moyens communs aux deux décisions :
- le tribunal a commis une erreur d'appréciation en écartant le moyen tiré du vice de procédure pour non-respect du contradictoire.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision est entachée d'un défaut d'examen de la situation personnelle et d'une erreur manifeste d'appréciation en ce que le préfet n'a pas tenu compte dans sa décision de la présence de sa fille, A..., née en France le 30 août 2019.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
- la décision est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
Un mémoire en défense du préfet de Meurthe et Moselle a été enregistré le 22 septembre 2021 et non communiqué.
Par un courrier du 6 septembre 2021, la Cour a informé les parties qu'un moyen d'ordre public tiré de la tardiveté de la requête était susceptible d'être relevé d'office.
Par un mémoire du 9 septembre 2021, Mme E..., représentée par Me Kipffer a répondu avoir eu communication de la décision du bureau d'aide juridictionnelle ayant interrompu le délai d'appel le 12 novembre 2020.
II - Par une requête n° 20NC03587 enregistrée le 10 décembre 2020, M. D..., représenté par Me Kipffer, demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement du tribunal administratif du 17 juillet 2020 ;
2°) de renvoyer à une juridiction de première instance, autre que le tribunal administratif de Nancy ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 013 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- le tribunal a omis de répondre à sa demande de communication de son entier dossier, ce qui a préjudicié ses droits de la défense ;
- le tribunal a insuffisamment motivé sa décision quant à son moyen relatif au vice de compétence.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 septembre 2021, le préfet de Meurthe et Moselle conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 9 septembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 23 septembre 2021 dans ces deux dossiers.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Nancy en date du 15 octobre 2020 admettant Mme E... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Nancy en date du 15 octobre 2020 admettant M. D... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Barrois, conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. F... D..., né le 19 juin 1981, et Mme C... E..., née le 5 juillet 1992, tous deux de nationalité arménienne, sont entrés sur le territoire français le 2 août 2018 selon leurs déclarations pour y solliciter l'asile le 12 octobre 2018 qui leur a été refusé par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) du 13 septembre 2019, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 20 février 2020. Par des arrêtés du 16 mars 2020, le préfet de Meurthe et Moselle leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement commun du 17 juillet 2020, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs requêtes tendant à l'annulation de ces décisions. Par les requêtes n° 20NC03567 et n° 20NC03587, Mme E... et M. D... demandent l'annulation de l'article 2 du dispositif de ce jugement et le renvoi devant une juridiction de première instance autre que le tribunal administratif de Nancy. Par les moyens invoqués, ils demandent également l'annulation des arrêtés du 16 mars 2020.
2. Les requêtes ci-dessus visées enregistrées sous les numéros n° 20NC03567 et n° 20NC03587 présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Dans ces conditions, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur les moyens soulevés dans la requête n° 20NC03587 relatifs à la régularité du jugement attaqué :
3. En premier lieu, il ressort des termes du jugement attaqué que la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy, qui n'était pas tenue de répondre à l'ensemble des arguments des parties, a répondu, avec une motivation suffisante et qui n'est pas stéréotypée, à l'ensemble des moyens soulevés par M. D..., y compris celui tiré de ce que seul le préfet de Meurthe-et-Moselle était compétent pour signer l'arrêté en litige. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait, pour ce motif, entaché d'irrégularité.
4. En second lieu, M. D... soutient que le premier juge aurait rendu son jugement au terme d'une procédure irrégulière faute d'avoir répondu à sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de produire, dans le cadre de l'instruction de l'affaire, l'intégralité du dossier sur la base duquel les décisions contestées ont été prises. Toutefois, il relève du seul office du juge, dans le cadre de ses pouvoirs d'instruction, d'apprécier la nécessité de demander aux parties de produire les pièces utiles à la résolution du litige. Dès lors, le premier juge n'était pas tenu de viser de telles conclusions ni d'y répondre expressément. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait, pour ce motif, entaché d'irrégularité.
Sur les moyens soulevés dans la requête n° 20NC03567 relatifs au bien-fondé du jugement :
S'agissant du moyen commun aux décisions attaquées :
5. Il ressort des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français et fixe le pays de renvoi. Dès lors, le moyen tiré de ce que ces décisions n'auraient pas été précédées de l'organisation de la procédure contradictoire préalable prévue par les dispositions de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté comme inopérant.
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
6. Comme l'a justement relevée la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy, la circonstance que la décision attaquée ne mentionne pas que Mme E... soit la mère d'une seconde fille, B..., née en France en août 2019 ne suffit pas à établir que le préfet n'aurait pas examiné sa situation alors qu'aux termes de celle-ci il en résulte qu'il s'est interrogé sur les conséquences de sa décision au regard du droit à la vie privée et familiale de Mme E.... Par suite, les moyens tirés de l'erreur de droit, de l'erreur de fait et de l'erreur manifeste d'appréciation sont écartés.
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
7. Il résulte de ce qui précède que la décision obligeant Mme E... à quitter le territoire français n'est pas illégale. Dès lors, Mme E... n'est pas fondée à exciper de son illégalité à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.
Sur les frais liés aux instances :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les sommes demandées par Mme E... et M. D... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens soient mises à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante.
9. Il résulte de tout ce qui précède que les requêtes de Mme E... et de M. D... doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête n° 20NC03567 de Mme E... est rejetée.
Article 2 : La requête n° 20NC03587 de M. D... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E..., à M. F... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
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N°s 20NC03567-20NC03587